VIDÉO - "J'ai failli mourir sous les yeux de ma fille" : Laura, 34 ans, raconte l'enfer des violences conjugales

V. Fauroux | Propos recueillis par F. AGNÈS
Publié le 4 janvier 2022 à 9h56

Source : Sujet TF1 Info

TÉMOIGNAGE - Tous les trois jours, une femme est tuée par son conjoint ou ex-conjoint. Laura Rapp aurait pu être l'une d'entre elles. La jeune femme a accepté de raconter son calvaire face aux caméras de TF1.

Pourquoi les femmes qui subissent des violences de la part de leur conjoint ne partent-elles pas dès la première main levée ? 

Les chiffres sont éloquents : sur les 220.000 femmes, en moyenne, qui déclarent chaque année subir des violences, seules 18% portent plainte, selon l'Observatoire national des violences faites aux femmes. 

Au-delà des raisons sociales ou économiques, les victimes sont bien souvent dans une situation d’emprise qui rend toute réaction extrêmement difficile. Laura Rapp peut en témoigner : elle a failli mourir étranglée par son conjoint il y a 3 ans. Cette jeune femme a accepté de raconter son calvaire à visage découvert (voir le reportage du 20H de TF1 ci-dessous et son témoignage en longueur dans la vidéo en tête de cet article) pour raconter ce processus insidieux. C'est d'abord l'éloignement avec les proches : "Au fur et à mesure, je ne vois plus trop mes amies", explique-t-elle. Après, vient le dénigrement : "T'es grosse, t'es dégueulasse, t'es petite, t'as des petits seins"...

Féminicides : pourquoi ils passent à l'acteSource : TF1 Info

"Comme un lavage de cerveau"

Les violences physiques arrivent plus tard, souvent suivies de "je t'aime" : "Il va vous sauter dessus, vous étrangler, vous avez l'impression qu'il va vous tuer et après, il y a les moments qui sont comme entre gens normaux, tout se passe bien, on rigole, on passe des bonnes soirées. Quand il y a ces moments, en fait, c'est comme un lavage de cerveau, vous mettez les mauvais moments dans un coin de votre tête", tente-t-elle d'analyser.

Avec ces retournements de situation incessants, Laura en vient à se poser mille questions. "Je me demandais si j'étais normale. Est-ce que ce n'était pas moi finalement le problème ? Parce qu'il renversait souvent la situation en me disant : 'c'est ta faute'. Peut-être que je me suis dit que quelque part, je le méritais", dit-elle.  

J'avais droit à des phrases du type : 'si tu pars, je te tue' ou 'tu pars, tu n'as plus ta fille' ou bien 'je te crève les yeux et tu ne la verras plus grandir'
Laura Rapp

Jusqu'au moment où la jeune femme envisage de partir. "C'est là, en fait, où il y a tout l'engrenage", assure-t-elle. Alors qu'elle est enceinte de cinq mois, les coups pleuvent de plus belle. "Je ne pensais pas que c'était possible de frapper une femme enceinte. Là je me suis complètement renfermée parce qu'il fallait que je protège l'enfant qui était en moi. J'avais peur et il me disait : 'on est une famille maintenant, il n'y a pas de séparation possible'. C'est comme si je lui appartenais", se souvient-elle. 

La douleur laisse ensuite place à la peur, constante, permanente, "parce que je savais qu'il était capable de me tuer". Et plusieurs fois, il n'est pas passé loin. "Un jour, il m'a frappée et étranglée alors que nous étions chez sa mère ; elle n'est pas intervenue. Les voisines m'ont sauvée en appelant la police, qui m'a vivement conseillé de porter plainte, mais j'étais en état de choc, de sidération et je n'ai pas pu le faire"

Et de poursuivre : "C'est encore monté d'un cran, je souffrais, je voulais partir et là, il me répondait : 'je suis chez moi, je ne vais pas partir et tu ne partiras pas avec la petite'. J'avais droit à des phrases du type : 'si tu pars, je te tue' ou 'tu pars, tu n'as plus ta fille' ou bien 'je te crève les yeux et tu ne la verras plus grandir'".

Laura se retrouve rapidement dans une impasse. Quelles poursuites peut-elle en effet envisager ? "Dans le cas de menaces de mort, c'est à huis clos, il n'y a pas de témoins. En gros, cela veut dire que le doute profite toujours à l'accusé, donc il ne va pas se passer grand-chose et moi je savais, connaissant la dangerosité de mon ex-conjoint, que si je portais plainte, j'étais morte", souligne-t-elle. Résignée, elle fait alors le choix de rester, "mais je savais que chaque jour, je pouvais mourir. Et en même temps, partir, c'est signer son arrêt de mort. Quelque part, j'étais prisonnière. Et si j'allais dans un commissariat, il fallait que je dise quoi ? Tant que je n'avais que quelques traces de strangulation, je n'avais pas de preuves. En conséquence, c'était sa parole contre la mienne". 

Pourtant, en avril 2018, son conjoint finit par mettre à exécution ses menaces. "J'ai failli mourir sous les yeux de ma fille", lâche-t-elle. La jeune femme doit finalement sa survie à ses voisins. 


V. Fauroux | Propos recueillis par F. AGNÈS

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