Hommage national à Hubert Germain : pourquoi va-t-il reposer au Mont Valérien ?

Maëlane Loaec | Reportage vidéo J. Garro, S. Maloiseaux, S. Deperrois
Publié le 11 novembre 2021 à 10h11

Source : TF1 Info

HISTOIRE - Le dernier Compagnon de la Libération, décédé le 12 octobre, sera inhumé ce jeudi 11 novembre au Mont-Valérien, haut lieu de la mémoire nationale.

Un caveau vide, le numéro 9, l’attendait depuis des décennies dans la crypte du mémorial de la France combattante, au Mont-Valérien. La dépouille d’Hubert Germain, dernier Compagnon de l’Ordre de la Libération qui s’est éteint le 12 octobre dernier, rejoindra celle de seize autres vétérans et résistants ce jeudi 11 novembre dans l'après-midi, à l’occasion du 103e anniversaire de l’Armistice scellant la fin de la Première guerre mondiale.

Une décision en écho avec la volonté du général de Gaulle : lors de la commémoration du 11 novembre 1945, il voulut faire le lien entre ces deux conflits et rendit hommage dans son discours à 13 hommes et deux femmes "Morts pour la France" au cours de la Seconde guerre mondiale, précise le site de l’Ordre de la Libération. Conduite du dôme des Invalides à l’Arc de Triomphe avant de marquer un arrêt au pied des Champs-Élysées, la dépouille d’Hubert Germain sera ensuite transférée au Mont-Valérien

Cette colline de Suresnes, dans les Hauts-de-Seine, qui domine Paris, est un lieu symbolique de la Résistance française face à l’occupation nazie derrière ses apparences de forêt tranquille, ceinturée d'une épaisse muraille. 

Le principal peloton d'exécution en France pendant la guerre

De mars 1941 à août 1944, plus d’un millier de résistants furent fusillés dans cette forteresse militaire bâtie au XIXe siècle pour protéger la capitale et annexée par l’armée allemande, qui profite de cette clairière isolée, à l’abri des regards, pour en faire son principal lieu d'exécutions sur le sol français. 

Parmi eux, de nombreux résistants communistes, dont le député Gabriel Péri ou encore Missak Manouchian et les 22 membres du groupe la Main d’œuvre immigrée, étrangers engagés dans la Résistance et dont les portraits avaient été massivement placardés dans les rues de France par les nazis, sur la célèbre "Affiche rouge".  La photographie ci-contre, extraite du sujet du 20H de TF1 en tête d'article, est prise par un sous-officier allemand. C'est la seule image de ces exécutions cinq par cinq qui nous soit parvenue. 

Prise par un officier allemand, cette photographie des exécutions de résistants et otages par l'armée allemande pendant la Seconde guerre mondiale au Mont-Valérien est la seule qui ait été conservée.
Prise par un officier allemand, cette photographie des exécutions de résistants et otages par l'armée allemande pendant la Seconde guerre mondiale au Mont-Valérien est la seule qui ait été conservée. - Capture TF1

Dès le 1er novembre 2022, le général de Gaulle est venu s'y recueillir. Un an après, le 11 novembre 1945, la flamme de l’Arc de Triomphe y est transportée, comme pour filer un lien avec la Première guerre mondiale, note Le Monde. Henri Frenay, ministre des prisonniers, déportés et réfugiés, pense ainsi cette grande cérémonie en s’inspirant du symbole du Soldat inconnu de la Grande Guerre. 

Il décide de tirer au sort des représentants des différentes catégories de combattants, des membres des Forces françaises libres aux résistants en passant par les déportés et prisonniers. Leurs dépouilles sont placées dans un caveau provisoire dans une casemate du fort. 

Un mémorial inauguré en 1960 par le général de Gaulle

Pendant ce temps-là, le projet d’un monument dédié à la mémoire des Français morts pour la France entre 1939 et 1945 fait son chemin à l'initiative du général de Gaulle, qui quitte le pouvoir en 1946 mais y revient en 1958. Il inaugurera finalement Le Mémorial de la France combattante le 18 juin 1960, date-anniversaire de son appel à la résistance, explique le site de ce haut-lieu de commémoration. Le bâtiment présente un fronton de 100 mètres de grès rose qui s’étend face à une vaste esplanade, et son entrée est surmontée d'une imposante croix de Lorraine, symbole notamment de la Résistance française.

Il comprend ainsi une crypte où sont enterrés en arc de cercle dans un caveau seize héros de guerre - les quinze "Morts pour la France" tirés au sort, dont deux femmes, ainsi que la dépouille d’un seizième combattant, officier français fusillé par les Japonais, qui les rejoint en 1952. En tout, ce sont onze militaires et cinq résistants qui sont inhumés, dont plusieurs combattants subsahariens et nord-africains. 

Un seul emplacement de caveau reste vide, au centre de l'hémicycle, réservé au dernier Compagnon de la Libération selon la volonté de de Gaulle. C'est à cette place numéro 9 que le corps d’Hubert Germain sera donc déposé jeudi 11 novembre. 

"On ne veut pas oublier"

Une urne funéraire contenant des cendres et de la terre provenant de plusieurs camps de concentration est aussi gardée dans la crypte. "Nous sommes ici pour témoigner devant l’histoire que de 1939 à 1945 ses fils ont lutté pour que la France vive libre", est-il gravé dans la pierre. Depuis le 18 juin 1960, de nombreuses cérémonies se tiennent sur l’esplanade du mémorial, en particulier en ce jour de commémoration de l’appel du chef de la France libre. 

Depuis 1962, un parcours du souvenir permet aussi de suivre le dernier chemin des condamnés, d’une chapelle où ils étaient parqués dans l'attente de leur exécution à la clairière où ils étaient abattus. Dans cette chapelle, 31 graffitis dessinés de la main des condamnés, en attendant leur heure, sont encore visibles : "Vive la France", ont écrit nombre d'entre eux. D'autres messages sont aussi plus politiques, à la gloire de l'URSS notamment. 

Une cloche en bronze sur lequel le nom des résistants et otages exécutés par le régime allemand est gravé est inaugurée en 2003. Chaque année, 30.000 personnes visitent ce lieu. "C'est très différent d'une photo sur un manuel, ou d'une explication, confie un lycéen de Haute-Garonne dans le reportage en tête d'article. C'est très puissant. On ne veut pas oublier et on se met presque à la place de tous ces gens qui ont été ici pour se rappeler d'eux."


Maëlane Loaec | Reportage vidéo J. Garro, S. Maloiseaux, S. Deperrois

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