Les Français ont la réputation de ne pas être toujours à l'heure.Ils se rapprocheraient davantage d'un profil polychrone.On vous explique.
La trotteuse donne parfois des sueurs froides lorsqu'elle s'emballe : en théorie, l'heure tourne à la même vitesse pour tous, mais en pratique, à chacun son fuseau horaire. Ponctuels et retardataires peinent à s'entendre, tant leurs visions du temps se situent aux antipodes l'une de l'autre. Brigitte, soixantenaire bretonne, fait partie de ceux chez qui le retard est un fléau chronique. Sans presser le pas, elle arrive avec près d'une heure en retard au rendez-vous fixé à la gare de Vannes par les journalistes de TF1, dans le reportage du 20H ci-dessus.
Son mari Jacques est pourtant très à cheval sur les horaires : leurs 44 années de vie commune ont été jusque-là 44 années de reproches. "Ça l'énerve beaucoup quand je l'appelle, alors elle utilise souvent ce fameux SMS, qu'elle a dû enregistrer : 'j'arrive'. On ne sait pas quand, mais cela veut au moins dire qu'elle est vivante", raille-t-il. Une rare étude sur la ponctualité révèle que le couple aurait deux modes de fonctionnement bien distincts : Jacques serait monochrone, tandis que Brigitte est polychrone.
Organisation précise VS. liberté des horaires
Jacques organise en effet son temps de manière linéaire, selon des rendez-vous précis et figés. Cet agenda découpé en séquences bien compartimentées chaque jour permet d'éviter de se disperser entre différentes activités, une attitude fréquente dans les cultures occidentales. Brigitte est à l'inverse polychrone, c'est-à-dire que sa vision des horaires est bien plus souple, comme cela est souvent le cas dans les cultures du Sud. Sa journée se divise non pas en rendez-vous mais en succession de tâches à réaliser, peu importe à quelle heure. "Je me mets à faire une petite bricole, je suis à fond dedans, et puis je me rends compte ensuite que 20 minutes se sont écoulées", témoigne-t-elle.
C'est l'anthropologue américain Edward T. Hall qui a été l'un des premiers à théoriser le rapport au temps des différentes sociétés dans son ouvrage La Danse de la vie : temps culturel, temps vécu, publié en 1984. "La gestion monochrone est utilisée comme un système de classification qui crée de l'ordre dans la vie", écrivait-il. À l'inverse, pour les profils polychrones, le temps est représenté comme "un point plutôt qu'un ruban ou une route", et est donc rarement perçu comme "perdu" : "les rendez-vous n'ont pas de caractère de sérieux et, par conséquent, on les néglige ou on les annule souvent", explique le spécialiste.
Cela a aussi une incidence sur la manière dont on aborde des projets : par exemple, si vous êtes polychrone, vous pouvez les modifier "jusqu’à la minute de leur exécution". Alors que si vous vous révélez plutôt monochrone, vous programmez tout, compartimentez vie privée et vie professionnelle par exemple, et réfléchissez en termes de priorités, une rigueur qui peut parfois entrer en contradiction avec les "rythmes biologiques des êtres humains".
Pourquoi certains sont-ils toujours en retard ? Vous trouverez d'autres réponses dans la vidéo de TF1 en tête de cet article.