REPORTAGE - Opération "Wuambushu" à Mayotte : une île au bord du chaos

par La rédaction de TF1info | Reportage : Ignacio Bornacin et Quentin Danjou
Publié le 24 avril 2023 à 10h12, mis à jour le 24 avril 2023 à 12h06

Source : JT 20h WE

Entre extrême pauvreté et insécurité, Mayotte se retrouve aujourd'hui au bord du chaos.
À tel point que le gouvernement se prépare à lancer une vaste opération - nommée "Wuambushu" - pour tenter d'endiguer la délinquance et l'immigration illégale.
Le 20H de TF1 est parti à la rencontre des habitants de l'île, qui espèrent retrouver un semblant de vie normale.

Baptisée "Wuambushu", l'opération est imminente : la France s'apprête à déclencher dans les prochains jours une série d'interventions policières contre la délinquance et l'immigration illégale à Mayotte, en procédant à des expulsions massives d'étrangers en situation irrégulière et à des destructions de bidonvilles. 

Devenue le 101e département français en 2011, l'île attire chaque année des milliers de migrants clandestins, arrivés par la mer en "kwassa kwassa", des embarcations de fortune. La majorité d'entre eux viennent de l'île comorienne voisine d'Anjouan, mais également de l'Afrique des Grands Lacs et de plus en plus de Madagascar. Près de la moitié des 350.000 habitants estimés de Mayotte ne possède pas la nationalité française, selon l'Insee, mais un tiers des étrangers sont nés sur l'île. 

"La vie aux Comores est impossible"

Ces migrants, qui occupent pour la plupart de petits emplois, sont établis dans des quartiers particulièrement insalubres, en proie à la violence et aux trafics. Des bidonvilles, les plus grands de France, avec ses cases en tôle ondulée appelées "bangas", où les habitants survivent dans une extrême pauvreté, souvent sans eau ni électricité. "La vie aux Comores est impossible, c'est pour ça qu'on a risqué notre vie en traversant la mer", témoigne l'un de ces clandestins, arrivé il y a 20 ans, qui redoute d'être expulsé au cours de l'opération "Wuambushu". "La France ne peut pas nous faire ça... Si elle n'a pas pitié de nous, les parents, qu'elle ait au moins pitié de nos enfants."

En progressant dans les bidonvilles, nos reporters découvrent des "bangas" détruites par leurs occupants eux-mêmes, pour ensuite aller réfugier dans les forêts avoisinantes. Ils espèrent ainsi avoir plus de chances d'échapper aux forces de l'ordre. Mais dans les quartiers les plus dangereux, d'autres habitants sont déterminés à s'opposer à l'expulsion. "On les attend. Qu'ils viennent démolir, on les démolira", prévient l'un d'eux. 

Délinquance "hors norme"

Théâtre régulier de violents affrontements entre bandes rivales, Mayotte subit les conséquences d'une délinquance "hors norme", selon les termes de l'Insee. Les chiffres qui en témoignent sont édifiants. Alors que près de la moitié des personnes affirment se sentir en insécurité chez eux ou dans leur quartier (soit cinq à six fois plus que les habitants de l'Hexagone), une personne sur dix a subi une violence physique au cours des deux dernières années, selon une étude de l'institut statistique publiée en 2021. 

Exténués, certains Mahorais rencontrés par nos équipes attendaient cette opération d'expulsions avec impatience. "Avant, on vivait tranquillement ici. Mais maintenant, les gens s'attaquent à coups de machette", déplore une habitante, tandis qu'une autre redoute que l'État n'agisse trop tard : "L'effort devait être fait avant." Dans un territoire où les services publics sont exsangues, tous se demandent comment revenir à la normale. 

Les autorités comoriennes, qui revendiquent toujours leur souveraineté sur Mayotte, restée française après l'indépendance des Comores en 1974, sont quant à elles vent debout contre l'opération "Wuambushu". Idem du côté de certaines associations, comme le Droit au logement (DAL), qui a appelé dimanche à stopper cette intervention qu'elle qualifie de "brutale" et d'"anti-pauvres"

Le gouvernement n'a pas donné de date de lancement ni de fin pour cette opération. Mais quelque 1800 policiers et gendarmes, dont des centaines de renforts de métropole, sont déjà mobilisés dans le petit archipel de l'océan Indien. 


La rédaction de TF1info | Reportage : Ignacio Bornacin et Quentin Danjou

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