Le 20h

Ultracrépidarianisme : mais pourquoi, sans rien savoir, certains donnent-ils leur avis sur tout ?

par Laure GIUILY
Publié le 17 mai 2021 à 13h17
JT Perso

Source : JT 20h WE

PSYCHOLOGIE - Avec la pandémie s'est amplifié un phénomène latent de nos sociétés modernes, l'ultracrépidarianisme. Une tendance à surestimer ses connaissances et à donner son avis sur tout, même sans compétence pour le faire. Explications.

Début arvil 2020, dans un sondage publié par Le Parisien, 80% des Français avaient un avis tranché sur l'efficacité de la chloroquine contre le Covid-19. Hors à cette époque, aucune étude scientifique ne permettait d'affirmer si elle pouvait ou non être un remède contre le virus. 

Cela n'a pas empêché les "experts" de se succéder sur les plateaux de télévision pour démontrer le bien fondé ou non de cet antipaludique contre un virus que l'on découvrait à peine. Ni des Français d'en débattre avec aplomb en visio avec leurs proches ou sur les réseaux sociaux Car en 2021, l'importance n'est pas de savoir, mais de dire que l'on sait. Une tendance qui se résume en un mot : l'ultracrépidarianisme. 

À chacun son métier et les vaches seront bien gardées

Expression populaire

Selon la légende, comme l'explique le 20H de TF1 en tête de cet article, ce mot savant serait issu de la rencontre entre un peintre et un cordonnier au 4e siècle avant notre ère. Le cordonnier observe le peintre en train de fignoler un tableau. Il remarque que les sandales sont mal dessinées, fait la remarque à l'artiste qui le corrige aussitôt. Le cordonnier s'enhardit et critique aussi la façon dont le peintre a représenté les vêtements. Mais là, le peintre l'interrompt : "Le cordonnier doit s'arrêter aux rebords de la chaussure." Expression plus connue aujourd'hui sous la forme : "à chacun son métier et les vaches seront bien gardées."

Mais pourquoi avons-nous cette tendance à parler de choses que nous ne maitrisons pas ? À la fin du 20e siècle, les psychologues américains David Dunning et Justin Kruger ont tenté d'y répondre à travers l'exemple d'une affaire survenue à Pittsburgh en 1995. 

L'effet Dunning-Kruger

Un beau matin de 1995 dans cette ville de Pennsylvanie, un homme persuadé que le jus de citron rend invisible, et peu en proie au doute, braque une banque à visage découvert malgré la présence de caméras. La police l'arrête, sans difficultés, peu de temps après les faits. Surpris, le braqueur explique avec aplomb aux agents de police qu'il pensait être invisible, car il avait enduit son visage de jus de citron. 

Quelques années plus tard, Daniel Dunning et Justin Kruger ont essayé de comprendre comment un individu pouvait être à ce point ignorant tout en étant si sûr de lui. Après avoir fait le test sur leurs élèves, ils se sont rendus compte que ceux qui étaient les plus mauvais étaient ceux qui pensaient avoir le mieux réussi. Autrement dit, la confiance en soi, loin d’être un gage de compétence, serait plutôt inversement proportionnelle. "Les plus ignorants sont presque toujours ceux qui ont le plus confiance en eux", conclut David Dunning auprès de TF1.

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Une découverte lourde d'implications pour le monde de l’entreprise ou de la politique, où la confiance en soi joue un rôle clé dans la réussite. D’où les nombreuses mises en garde contre le terrible "effet Dunning-Kruger" ou "effet de surconfiance", qui permettrait aux incompétents de passer pour des personnes audacieuses et culottées.


Laure GIUILY

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