Le 20h

Quand les lobbys de l'agroalimentaire frappent aux portes des écoles

M.D.
Publié le 18 novembre 2020 à 8h00
JT Perso

Source : JT 20h Semaine

ALIMENTATION - Les élèves de classes maternelles et primaires de l'Hexagone sont souvent sensibilisés aux bienfaits des produits agricoles à travers des ateliers. Mais sous couvert de pédagogie, ces actions relèvent parfois davantage de la manipulation.

Comme chaque année depuis 30 ans, 250.000 enfants des classes maternelles et primaires ont participé à la Semaine du goût en octobre. Les représentants du secteur agricole se sont alors invités à la table des plus jeunes pour éduquer leurs papilles et les sensibiliser à l’importance du "bien-manger", sous forme d’ateliers et d’animations financées par des associations qui s’avèrent en réalité être... de puissants lobbys. 

De fait, pour ces acteurs, l’enjeu qui se cache derrière ce type de rendez-vous est loin d’être anecdotique. "Ce sont les consommateurs de demain", résume Mathilde Toulet, responsable des enjeux sociétaux chez Passions céréales, qui propose ce jour-là un atelier dans une école d’Alfortville (Val-de-Marne). Son rôle consiste à encourager les enfants, et leurs parents par ricochet, à consommer des céréales.

Nous ne venons pas pour manipuler ni pour faire de la propagande

Marc Pagès, directeur de l'Association d'Interbev.

L'incitation à la consommation de produits agricoles est une vieille tradition en France. Et les industriels du secteur laitier ont bien compris tout l’intérêt de ces ateliers. Encore aujourd’hui, dans la plupart des établissements, on sert du lait aux enfants. "Il est même subventionné par l'Union européenne", reconnaît Caroline Lepoultier, directrice générale du Centre national interprofessionnel de l'économie laitière (Cniel). "Est-ce qu'on leur dit de boire du lait pour autant ? Non. La première vocation de ces actions est d'expliquer comment le lait est produit, d'où il vient, quels sont les métiers ou encore comment s’organise la filière", assure-t-elle. 

Et c’est bien là tout le problème : sous couvert de pédagogie et d’éducation à la nutrition, ce sont les entreprises qui régalent et qui font la promotion de leur produit. Aucune filière n’y échappe. Celle de la viande, par exemple, propose des interventions de diététiciennes, intégralement financées par les producteurs et les abattoirs. "A chaque fois, c'est l'enseignant ou le directeur d'école qui nous contacte, assure Marc Pagès, directeur de l'Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev). "Nous ne venons pas pour manipuler ni pour faire de la propagande", souligne-t-il. 

Lire aussi

L214 fait du lobbying auprès des collégiens

Afin d'éviter des abus, les interventions sont encadrées et leurs contenus font l’objet en principe d’un contrôle strict de la part de l’Education nationale. Le problème, c’est que certaines organisations avancent masquées. D’ailleurs, c’est à l’industrie du sucre que l’on doit la Semaine du goût. Pendant vingt ans, elle l'a même financée quasi intégralement. "La collective du sucre en a été à l’initiative. Aujourd'hui, c'est une fondation", confirme Sophie Gerstenhaber, déléguée-générale de la Semaine du goût. 

L’association de protection animale L214 tente elle-aussi de s’introduire dans les écoles pour faire la promotion de l’alimentation végétale. Un magazine destiné aux collégiens, vantant les bienfaits nutritifs des steaks de soja et des fruits secs, a même été édité. "On ne peut avoir seulement un point de vue de gens qui cherchent à nous vendre des produits comme la viande et le lait. Il faut que les enfants aient aussi le regard des associations", estime Brigitte Gothière, cofondatrice de L214. Sauf que distribuer ce magazine est strictement interdit. L214 ne faisant pas partie des associations autorisées à entrer dans les écoles, pour l'Education nationale, ce livret pour enfant est à considérer comme un tract politique. 


M.D.

Tout
TF1 Info