CRISE SANITAIRE - Une centaine de propriétaires ne respectent pas les consignes de fermeture et ouvrent au mépris des règles sanitaires. Si certains estiment qu'ils n'ont pas le choix, d'autres défient ouvertement les autorités. Les équipes de "Sept à Huit" les ont rencontrés.
La scène semble irréelle. Des clients sans masques trinquent au comptoir d'un bar. "Ici, le vaccin c'est le rosé et la nicotine", plaisante un homme. Alors que l'épidémie contamine plus de 20 000 Français par jour, certains individus ne sont pas inquiets par la crise sanitaire. Chaque soir, le propriétaire de l'établissement Gérard baisse le rideau et calfeutre soigneusement les fenêtres.
"On ne voit pas que ça bouge à l'intérieur, ni vu ni connu", se félicite le patron. Les consommateurs entrent par une porte dérobée. "J'ai besoin de décompresser après le travail, certains font du footing, mais ce n'est pas notre genre", déclare un individu attablé. Pour préserver leur "petit bonheur", Gérard fait ensuite sortir les clients deux par deux, à quinze minutes d'intervalle. Une organisation bien ficelée.
Alors que de nombreux commerçants ont fermés leurs portes depuis le 29 octobre, la situation commence à être compliquée pour certains. Que ce soit dans les grandes villes ou bien dans les campagnes, une centaine d'établissements ont basculé dans l'illégalité. Concrètement, que risquent-ils ? La fermeture de leurs établissements, la suspension des aides de l'État et même de la prison - jusqu'à dix mois ferme.
Ces ouvertures illégales peuvent adopter plusieurs formes. Première catégorie : ceux qui peuvent s'arranger avec la loi en la tournant à leur avantage. C'est le cas de Fabrice, patron d'une salle de sport. Que dit la législation ? L'accès aux salles de sport est réservé aux professionnels de haut niveau et aux individus qui bénéficient d'une ordonnance médicale. Cependant, à l'intérieur, on trouve une dizaine d'adhérents d'une trentaine d'années. Certains déclarent qu'ils sont là pour raisons médicales d'autres ne s'embarrassent pas d'une telle excuse. "Je n'ai rien du tout", affirme l'un deux qui dispose d'un certificat "de complaisance".
On a perdu 917 clients
Ludivine, employé dans une salle de sport
À l'entrée, le patron de la salle de sport ne contrôle pas leurs dérogations ; ce qui est pourtant obligatoire. "Pour moi qu'ils soient champions de ping-pong ou non, ça ne change rien à ma vie", sourit Fabrice. Un arrangement avec la loi qui lui permet de maintenir son activité. Malgré les aides, Fabrice perd 90.000 euros par mois. "Depuis le début de l'épidémie, 917 personnes ont résilié leur abonnement", déclare Ludivine, une employée. Au téléphone, la jeune femme essaie de les retenir. Sans succès.
Survivre. C'est aussi la motivation de François, 37 ans. Lors du premier confinement, le restaurateur avait joué le jeu. Pendant plusieurs mois, il avait gardé son rideau baissé. Mais la situation est devenue intenable? selon lui. Il a donc décidé de rouvrir son restaurant clandestinement. Son établissement étant en procédure de sauvegarde, il n'a pas pu bénéficier du fonds de solidarité, seule aide de l'État. Au total, sept de ses 17 salariés sont au chômage partielle. Aujourd'hui, François avoue qu'il est criblé de dettes. "Les personnes qui travaillent ont des enfants. Si je ferme mon établissement, c'est dix personnes que je mets en situation précaire. J'ai un petit garçon de trois ans, je n'ai pas le choix", confie-t-il des sanglots dans la voix.
Ça fait 17 fois que je me fais tester
François, restaurateur
Et les clients répondent présents. En quelques minutes, le restaurateur affiche complet. Si la superficie de son établissement permet d'accueillir 200 personnes, François limite son activité clandestine à vingt individus. Ici, les gestes barrières sont respectés : les masques sont obligatoires pour les consommateurs et les tables, espacées à plus d'un mètre. Le restaurateur estime que son activité ne présente aucun risque pour les consommateurs. "Ça fait 17 fois que je me fais tester et je suis toujours négatif. Jamais personne n'a été touchée chez nous", déclare Fabrice. Malgré cette ouverture illégale, l'addition finale reste maigre : 746 euros à la fin de la journée. Dix fois moins qu'avant, juste de quoi payer les charges.
Christophe Wilson prône la désobéissance civile
D'autres restaurateurs ont décidé d'ouvrir par provocation. Patron d'une brasserie niçoise, Christophe Wilson dresse les dernières tables. Devant les caméras de TF1, l'homme s'apprête à recevoir une centaine de personnes à déjeuner. Christophe Wilson ne porte pas de masque tout comme ses trois employés. Ce midi, le restaurateur compte servir en terrasse, répétant qu'il n'a pas peur des risques : "J'ai peur de ce qu'il va se passer si la situation ne change pas", rétorque-t-il.
Quelques secondes plus tard, Christophe Wilson voit entrer des policiers. Ces derniers le verbalisent pour non-port du masque. Mais sur l'ouverture de l'établissement, les forces de l'ordre se montrent plutôt souples et laissent faire. "On vous prévient simplement que les clients risquent d'être verbalisés", déclare une commandante.
Quelques minutes plus tard, la brasserie est pleine à craquer. Installés les uns à côtés des autres, les clients oublient les gestes barrières. Ils l'affirment : la pandémie n'est pas un danger. D'ailleurs, aucun ne porte un masque. "Je ne pense pas que ce virus soit plus méchant qu'une grippe", déclare une dame. Les thèses conspirationnistes fleurissent à table alors que 78 000 personnes sont mortes du Covid-19 en France.
Depuis le début du confinement, on compte 190 bars, restaurants ou boîtes de nuit qui ont écopé d'une fermeture administrative. La semaine dernière, le Premier ministre Jean Castex avait annoncé que les contrôles allaient se renforcer afin que "les dérives de quelques-uns" ne gâchent pas les efforts de tous. "Les policiers et les gendarmes seront mobilisés pour contrôler le non-respect du couvre-feu, l’organisation des fêtes clandestines et l’ouverture illégale de restaurants dans des proportions renforcées", a-t-il déclaré.
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