Un hommage a été rendu ce mercredi à l'inspecteur des impôts tué lundi lors d'un contrôle fiscal dans le Pas-de-Calais.Ce drame provoque une vive émotion au sein d'une profession déjà très éprouvéeUne collègue de l'agent tué témoigne auprès de TF1.
À Bercy, en présence du ministre des Comptes publics Gabriel Attal, comme dans tous les centres des finances publiques, une minute de silence a été observée ce mercredi matin. Un moment de solennité pour rendre hommage à Ludovic Montuelle, un chef de brigade de vérification de 43 ans, tué lundi lors d’un contrôle fiscal à Bullecourt, dans le Pas-de-Calais. Le drame laisse la profession sonnée, et inquiète nombre de ses membres.
Dans le reportage du 13H de TF1 en tête de cet article, l'une des collègues de cet agent du centre des finances publiques d'Arras dresse le portrait d'un contrôleur "vraiment exemplaire". "Il assumait sa fonction, (...) je pense que l'administration a perdu quelqu'un de très bien", lance l'agente fiscale, à visage caché.
"Je me sens abandonnée"
Traumatisée par la mort de son collègue, elle remet aujourd'hui en question son choix de carrière lui-même et accuse sa direction de ne pas prendre suffisamment la situation au sérieux. "Personnellement, je me sens seule, je me sens abandonnée. À l'avenir, à moyen et long terme, est-ce que je dois risquer ma vie pour ce métier ? Pourquoi ne pas dire qu'il y a un problème ?", se demande-t-elle, la gorge nouée. "En attendant, mon collègue est décédé, et puis on ne fait rien. On se dit tant pis, on attend le prochain ? Non, il ne doit pas y avoir de prochain", s'irrite l'agente.
Ce cri de colère fait écho chez de nombreux autres agents. Parmi eux, Audrey Vankemmel, contrôleuse fiscale dans la région lyonnaise. Affectée par la mort de Ludovic Montuelle, elle veut continuer son travail, mais concède que l’appréhension fait partie de son quotidien. "Certaines personnes sont tendues, on peut avoir des situations compliquées, on ne sait jamais à quoi s'attendre", décrit cette déléguée Force ouvrière à la Délégation générale des Finances publiques. "On ne peut pas savoir comment cela va se passer."
Dans la plupart des cas, les contrôles fiscaux sont réalisés à distance : les vérifications au domicile d'un particulier ou au sein d'une entreprise n'ont représenté qu'à peine un tiers des contrôles l'an passé. Mais les quelques déplacements peuvent s'avérer risqués, puisque les inspecteurs n'ont pas accès aux antécédents judiciaires des personnes auxquelles ils doivent rendre visite, et ne peuvent donc pas anticiper un éventuel danger.
"On ressent toute cette défiance"
En 2021, la CGT a ainsi recensé 50 agressions d'agents, dont 33 ayant entraîné un arrêt de travail, survenues lors d'opérations de contrôle mais aussi aux guichets d'agence. "C'est de la violence verbale, physique. Parfois, certaines situations sont très difficiles, des entreprises en situation financière délicate, ce qui tend forcément les relations lors du contrôle", expliquait mardi soir Laurent Perin, secrétaire de la fédération des finances au sein du syndicat, dans un reportage du 20H de TF1. Depuis le début de l'année, 30 plaintes ont été déposées par des agents des Finances publiques pour des agressions au travail.
À cette appréhension d'une confrontation physique, s'ajoutent aussi des difficultés d'ordre plus psychologique : la peur de la réaction à l’annonce d’une mauvaise nouvelle, d’un redressement fiscal, mais aussi le sentiment d’être considéré comme le méchant, liste un autre agent, qui souhaite rester anonyme. "On ressent toute cette défiance. On vient, ils se demandent pourquoi eux, pourquoi on les a choisis, pourquoi ce n'est pas leur voisin", souligne-t-il dans le reportage du 13H. Une crainte l'ayant même poussé à cacher son propre métier lorsqu'il se présente : "j'ai toujours tendance à dire que je suis fonctionnaire. Je ne dis pas spontanément que je suis vérificateur des impôts".
Dans le sillage du drame de Bellecourt, la parole se libère ainsi au sein de cette profession qui a longtemps caché son mal-être. Le syndicat FO-DGFiP a appelé dans un communiqué à "tirer les leçons de cette tragédie pour renforcer concrètement la protection des personnels".