C'était il y a presque 40 ans : Eva Thomas témoignait à la télévision de l'inceste subi dans son enfance.Un tabou était brisé, pourtant ce sujet fait encore l'objet d'une grande omerta.Eva Thomas témoigne dans ce reportage du 20H de TF1.
"J'avais le souvenir de mon père sur moi et c'est tout". Eva Thomas est la première victime d'inceste à avoir témoigné à visage découvert à la télévision française. C'était le 2 septembre 1986 dans l'émission "Les Dossiers de l'écran" sur Antenne 2. Trente-sept ans plus tard, elle n'a rien oublié : "Je n'avais pas imaginé que c'était juste le tout début d'un très long combat", témoigne-t-elle dans la vidéo du 20H de TF1 en tête de cet article.
"Ne le dis à personne"
Eva se souvient encore de la violence des témoignages d'hommes entendus sur le plateau à l'époque. Un médecin prend ainsi la parole et commente : "Votre émission est intéressante, je suis amoureux de ma fille adoptive, ma famille le sait, l'accepte, pourquoi semez-vous la zizanie dans les familles ?", dit-il, sous le regard consterné de la jeune femme, qui passe subitement de victime à coupable. "On vient de là, c'est important de le dire pour voir tout le chemin qui a été parcouru quand même", souligne aujourd'hui Eva.
Désormais, le sujet n'est peut-être plus tabou, mais les chiffres révélés sont alarmants : "Toutes les trois minutes, un enfant est victime d'inceste, de viol ou d'agression sexuelle", rappelle la nouvelle campagne nationale de lutte contre les violences sexuelles faites aux mineurs. La problématique majeure reste l'enfant qui vit sous la pression de son agresseur et qui n'ose pas parler. C'est ce que dit, par exemple, Zoé, 12 ans, victime de son père, dans un documentaire diffusé ce lundi 2 octobre sur TF1, juste après le téléfilm Les yeux grands fermés. "Il disait : 'surtout, ne le dis à personne' et il le répétait à chaque fois. Il disait pas pourquoi", raconte-t-elle.
Pour Cécile Desmoulins, bénévole à l'association "SOS inceste pour revivre" à Grenoble, elle-même victime d'abus sexuels dans son enfance, il faut savoir repérer ces enfants abusés et savoir les écouter. "On leur dit : 'parlez nous', mais quand ils parlent comment est-ce qu'on accueille cette parole ? Est-ce que tout le monde est équipé pour recevoir cette parole ?", interroge-t-elle. Selon Eva Thomas, la priorité est donc évidente : "Il faut absolument former tous les magistrats, tous les psychologues, les experts auprès des tribunaux, les enseignants...", liste-t-elle.
Et comme le préconisent les associations de lutte contre l'inceste, il faut également sanctionner tous ceux qui ne signalent pas un enfant en danger.