PAS VU, PAS PRIS - Le "copwatch", ou le fait de filmer des interventions de police et de les diffuser sur les réseaux, s'est amplifié avec le développement du smartphone. Arme citoyenne pour les uns, arsenal "antiflic" pour d'autres, la pratique fait débat. Retour sur des affaires, emblématiques de l'importance de ces vidéos.
Tournées au smartphone, parfois visionnées des dizaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux, avant de devenir des éléments-clé de certaines enquêtes : les vidéos de policiers accusés de dérives en intervention sont au cœur du débat, avec l'examen de la proposition de loi "sécurité globale" et sa mesure phare, qui prévoit de restreindre la possibilité de filmer les forces de l'ordre. L'article 24 de ce texte prévoit en effet de punir d'un an de prison et de 45.000 euros d'amende le fait de diffuser "l'image du visage ou tout autre élément d'identification" d'un policier ou d'un gendarme en intervention dans le but de porter atteinte à son "intégrité physique ou psychique".
Les opposants à cette disposition, qui étaient plusieurs centaines de milliers à défiler ce samedi dans toute la France, dénoncent un risque "d'autocensure" chez les témoins de violences. Les syndicats et associations s'inquiètent de la mise en danger, selon eux, de la liberté d'informer. À leurs yeux, ces vidéos amateurs, qu'elles soient tournées par des journalistes ou des manifestants, servent à alerter sur les dérives policières et fournissent des preuves matérielles permettant l'ouverture d'enquêtes en cas de bavure. Les policiers, eux, mettent en garde contre la manipulation des images et estiment que leur diffusion, sans floutage, les met en danger en permettant leur identification.
Le "copwatch", un rempart contre les dérives
Le Copwatch, pratique consistant à filmer les interventions de police et les diffuser sur les réseaux sociaux, s'est notamment répandu en France lors du mouvement des Gilets jaunes. Pendant des mois, chaque action controversée des forces de l'ordre était systématiquement filmée et aussitôt mise en ligne. Plusieurs de ces vidéos ont entraîné l'ouverture d'enquêtes et parfois aussi des condamnations. À l'instar d'un CRS, filmé en train de ramasser un pavé et de le jeter sur la foule lors d'une manifestation le 1er mai 2018. Celui-ci a été condamné à deux mois de prison avec sursis pour "violences volontaires".
Plus récemment, une vidéo amateur montrant un commissaire de police en train de faire un croche-pied à un manifestant, le 23 novembre dernier, lors d'une intervention pour déloger des migrants installés sur la place de la République à Paris, a abouti à l’ouverture d’une enquête. S’appuyant sur ces images, l’IGPN, la police des polices, a finalement conclu à un "usage disproportionné de la force", l'exposant ainsi à une sanction disciplinaire.
La parole du policier pèse beaucoup plus lourd que celle du prévenu ou celle de simple témoin
Elise Arfi, avocate au barreau de Paris
Sans ces images, des enquêtes auraient-elles été ouvertes ? Et surtout, les policiers visés par ces plaintes auraient-ils été sanctionnés ? Probablement pas, à en croire l’avocate Elise Arfi. "Les plaintes déposées contre les policiers auraient très certainement été classées sans suite. Quand vous arrivez à la barre d'un tribunal, bien évidemment, la parole du policier pèse beaucoup plus lourd que celle du prévenu ou celle de simple témoin", souligne-t-elle. Un outil incontournable qui peut aussi devenir un moyen de pression.
Comme le 5 janvier 2019, quand un commandant de police avait été filmé en train de frapper un homme en marge d'une manifestation de Gilets jaunes à Toulon (Var). Une information judiciaire a été ouverte sur la base du rapport remis par l'IGPN. Les images, montrant le policier en train d’asséner des coups au visage alors que l'individu semblait maîtrisé par ses collègues policiers, avaient provoqué la polémique sur les réseaux sociaux. Dans sa décision, le parquet de Toulon a estimé que les coups portés au visage par le policier n’étaient "ni proportionnés ni nécessaires".
Des vidéos qui aident aussi à résoudre des enquêtes
Si ces vidéos mettent en cause le plus souvent des policiers, il arrive aussi parfois qu'elles soient utilisées par les forces de l'ordre. L’un des auteurs de l'incendie d'une voiture de police avec des fonctionnaires à bord, en mai 2016 à Paris, avait pu être identifié grâce à des images amateurs. Les vidéos peuvent donc tout aussi bien servir les policiers. "La vidéo, ça ne ment pas. Elle permet aussi aux enquêteurs de faire la transparence sur l'intégralité des faits. Si la personne interpellée a tenté de prendre l’arme du policier ou si elle a lui porté des coups, par exemple", estime Grégory Goupil, secrétaire national du syndicat Alliance Île-de-France. Les forces de l'ordre estiment cependant que les images devraient être envoyées directement à l'IGPN au lieu d’être diffusées d’abord sur les réseaux sociaux.
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