TÉMOIGNAGE - Fatima E., l'accompagnatrice qui a été prise à partie par Julien Odoul (RN) à cause de son voile lors d'une séance du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté vendredi s'exprime pour la première fois. Entre colère et déception, elle exprime son désarroi face au "rejet" dont elle se sent désormais victime.
Elle est devenue un symbole à son insu. La photo a été capturée vendredi 11 octobre, au conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté. On y voit une jeune femme, aux cheveux recouverts d’un voile noir, embrasser un enfant effondré sur son épaule. Elle s’appelle Fatima et sort de son silence pour la première fois depuis qu’elle a été prise à partie par l’extrême droite au sein de l’hémicycle et dans les couloirs de cette assemblée.
Au-delà des polémiques et des débats que la séquence a provoqués, l’accompagnatrice scolaire revient, dans un entretien accordé au Collectif contre l'islamophobie en France, sur ce qu’elle a ressenti au moment des faits. Et sur son incompréhension face à ce "rejet" dont elle a été la cible et qui a profondément marqué son enfant.
L'impression que "tout le monde" était "contre" elle
Si les propos tenus par l’élu du Rassemblement national (RN) Julien Odoul ont fait le tour des écrans, la principale concernée ne les entend pas distinctement, au moment des faits. "Il y a des choses qui ont été dites et que je n’ai entendues que dans la vidéo", explique-t-elle ainsi. C’est face à la réaction des enfants qu’elle accompagne qu’elle prend réellement conscience de ce qui est en train de se dire "au nom de la laïcité". "Mais c’est contre toi ! C’est à toi qu’ils disent d’enlever ton voile ?", lui demandent, choqués, les enfants.
Alors, première réaction, elle sourit. Non pas pour "narguer", comme l’insinuent volontiers les blogs de la fachosphère, mais bien face à ce qu’elle considère comme de la "bêtise" et grâce au soutien d’autres élus qui la prient de rester, de ne "surtout pas sortir, pour ne pas donner raison à Julien Odoul". Une stratégie qu’elle adopte quelques minutes. Jusqu’au moment capté dans un cliché devenu symbole. A ce moment-là, son fils s’approche d’elle et éclate en sanglots sur son épaule. Il lui glisse qu’il a "l’impression que tout le monde est contre [elle]". C’en est trop. "Quand j’ai vu mon fils en train de craquer, je leur ai dit que je ne pourrais plus rester."
Halte au déferlement de haine! L’attitude du @RN_BFC est une insulte à notre institution et aux valeurs les plus élémentaires de la France. La République des lumières l’emportera @_LICRA_ @SOS_Racisme @LDH_Fr pic.twitter.com/9n0RNhkoym — Marie-Guite Dufay (@MarieGuiteDufay) October 11, 2019
Cette scène est cependant loin d’être celle qui l’a le plus choquée. A peine sortie, sur le chemin des toilettes, elle se fait vigoureusement interpeller par un autre représentant de l’extrême droite. Tremblant de "la tête aux pieds", elle croise l'élue Karine Champy qui, "très énervée", lui aurait lancé: " Vous allez voir, on va gagner. Les Russes vont arriver." Des propos et un visage qui "parfois" resurgissent dans son esprit. "J’ai des frissons et je tremble".
Une prise de conscience qui lui donne "la boule au ventre"
Il faudra attendre la première nuit pour que, "la boule au ventre", Fatima réalise ce qu’il vient de se passer. "Je reprenais conscience, en fait." Et est peu à peu envahie par un sentiment de rejet qu’elle a si longtemps combattu. Pour elle, au-delà de son cas personnel, cette scène a "détruit tout un travail" fait auprès de cette classe. "Les élèves d’origine immigrée étaient parfois dans une attitude de penser que la France était contre eux et qu’ils sont rejetés. Et moi j’ai toujours argumenté contre ce discours."
1/ C’est en humiliant les mères publiquement devant leurs enfants qu’on crée du communautarisme 2/ La loi de 1905 ne prévoit pas cela 3/ Le RN n’est pas qualifié pour parler « au nom des femmes qui se battent pour leurs droits partout » Vous n’êtes nos alliés nulle part. https://t.co/oe0bopkJuh — 🇫🇷 MarleneSchiappa (@MarleneSchiappa) October 12, 2019
Désormais, avec un ministre de l’Education qui estime que le voile "n’est pas souhaitable dans notre société", cette femme confie avoir "une opinion négative de ce qu’on appelle la République". Un aveu qui donne raison à Marlène Schiappa. Sur Twitter, la secrétaire d'Etat à l’Egalité femmes-hommes était rapidement montée au créneau en estimant que "c’est en humiliant les mères publiquement devant leurs enfants qu’on crée du communautarisme".
J’ai senti un rejet que je n’avais pas senti avant
Fatima
"Je vous avoue que je comprends maintenant pourquoi les autres mamans voilées ne participent pas aux sorties scolaire", lance-t-elle, résignée, alors même qu’en 2013, le Conseil d'Etat estimait que ces femmes n'étaient pas soumises aux "exigences de neutralité religieuse". Et surtout, alors que ces dernières sont essentielles au bon déroulement des sorties. En effet, sur le terrain, les accompagnatrices manquent à l’appel, comme l’a constaté Carla Dugault, coprésidente de la FCPE (Fédération de parents d'élèves), expliquant à l’AFP que dans certains quartiers, de telles activités seraient juste impossibles sans l'implication de ces mères portant le hijab.
Le matin même, Fatima avait ainsi dû "s’organiser" à cause de son fils qui "insistait" pour qu’elle soit présente, et une maîtresse qui avait laissé, la veille, un mot dans le carnet pour lui demander d’y participer. "Aucune autre maman n’était disponible", avance-t-elle.
🔸EXCLUSIF : Entretien avec Fatima E. : « Je ne voulais pas craquer devant les enfants » ENTRETIEN À LIRE SUR : https://t.co/zRZl4rK27d pic.twitter.com/CSmsYyHnI5 — CCIF (@ccif) October 15, 2019
Depuis ce week-end, Fatima continue de rassurer son fils et tente de dissiper le sentiment de rejet. Avec lui, elle essaye de "rire de cette histoire". "On regarde la photo, et je le taquine en lui disant qu’il est devenu une star." Mais l’une de ses amies lui confie que ce n’est pas le cas de toute le monde, et que certains élèves ont "la rage et la haine". Et de conclure par une question rhétorique, qui reste en suspens. "Les enfants sont venus là pour apprendre : qu’ont-ils appris ?"
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