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#Voisindenuméro : derrière le jeu potache, les dérives du nouveau défi Twitter

Anaïs Condomines
Publié le 6 août 2019 à 19h22, mis à jour le 7 août 2019 à 10h36
#Voisindenuméro : derrière le jeu potache, les dérives du nouveau défi Twitter

Source : iStock

A LA LOUPE - Depuis quelques jours, le jeu #Voisindenumero inonde Twitter. Le but : entrer un contact avec celui ou celle qui possède un numéro de téléphone voisin du sien. Un défi en règle générale plutôt bon-enfant qui pour certains, se transforme déjà en permis de harceler et d'insulter.

Petit nouveau sur la longue liste des défis nés sur les réseaux sociaux, #Voisindenuméro ou #Voisindetelephone se présente sous la forme d'un hashtag. Et d'une consigne simple : envoyer un message à un destinataire inconnu, en modifiant simplement le dernier chiffre de son propre numéro, avant de partager la conversation sur Twitter. 

Créé le 30 juillet dernier, le jeu nous vient tout droit des Etats-Unis. "Une fois, j'ai essayé d'envoyer un texto à mon voisin de numéro et il a été trop nul", écrit un certain Ryan, captures d'écran à l'appui. Près de 13.000 retweets et 127.000 likes plus tard, la démarche est devenue un défi à la mode qui traverse les frontières.

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Arrivé en France au début du mois d’août, #Voisindenumero ou #Voisindetelephone a donné lieu à des échanges franchement drôles, cocasses, pour la plupart bon-enfant (quelques exemples ici ou là, dont nous ne pouvons pas prouver l'authenticité). Néanmoins, via ce support, s'illustrent aussi des comportements inappropriés voire dangereux. Précisons d'emblée que les témoignages que nous avons récoltés ne comportent pas le même degré de gravité et ne peuvent pas être placés sur le même plan légal. 

"Lourd et intrusif"

Il y a d'abord celui de Julie*, jeune femme de 22 ans. Elle s'est laissée prendre au jeu du #Voisindenuméro et, en échange de son SMS courtois, a reçu un message à connotation sexuelle que nous avons pu consulter. "J’ai envoyé un message à mon voisin de numéro et il m’a demandé de me présenter. Je me suis présentée vaguement sans donner mes infos personnelles et là, il s’est présenté de la même façon que moi en ajoutant qu’il avait de 'grosses couilles', je reprends ses mots." Julie poursuit : "J’étais gênée, j’ai fini par le bloquer. Je me suis juste dit qu’il y a des gens vraiment prêts à tout partout, c’est hallucinant. Je partais d’une bonne intention pour rigoler un peu."

Une autre jeune femme, que nous avons interrogée, en est, elle aussi, venue à bloquer un individu. De son côté, elle n'avait initié aucun contact et n'a jamais répondu à ses messages. Pourtant, voici comment son "voisin de téléphone" l'a approchée : "Ecoute moi bien, pétasse, si t'avais en tête d'écrire à mon mec parce que t'es sa voisine de numéro tu peux remballer de suite donc ne le fais pas ou tu sais ce qui t'attend (je fais du taekondo)." Puis plus tard, l'auteur de ce message se ravise, assure qu'il n'a pas de copine. Voyant qu'elle a partagé ses échanges (anonymisés) sur Twitter, il revient à la charge par deux fois : "J'aurais même pas fait la blague si j'aurais su (sic) que t'étais aussi douce."

Pour autant, elle reconnaît que le concept de #Voisindenuméro est "ludique". "J'ai eu un message de mon autre voisin de numéro et il s’avère qu’on a la vingtaine, les mêmes centres d’intérêt. Nos échanges étaient plutôt marrants, ça dépend juste de la personne sur qui on tombe", nous raconte-t-elle. "En l'occurrence, le premier message (comportant l'insulte, ndlr) m’a fait vraiment rire puisque je venais de me réveiller et que je ne m’y attendais pas. Les deux autres, après que la personne a vu mon tweet, m’ont fait soupirer. Je l’ai trouvé lourd et intrusif."

"Nude" et harcèlement

Une autre internaute, sur Twitter, assure avoir reçu un "nude" de la part de son "voisin de numéro", c'est-à-dire une photo dénudée qui, dans son cas, n'aurait pas été sollicitée. LCI a tenté d'entrer en contact avec cette personne qui n'a pas souhaité donner suite : nous ne pouvons donc pas authentifier son témoignage. 

Il y a encore le cas de cette jeune femme, qui raconte à LCI avoir initié un échange avec son "voisin de numéro". Lequel, depuis plusieurs jours, tente de l'appeler et lui envoie de nombreux messages (comme le montre la capture d'écran ci-dessous), auxquels elle ne répond plus. Un comportement dont elle ne se formalise pas plus que ça : "Ça m'a fait rire au début puis ça m'a lassée et j'ai juste arrêté d'y faire attention", décrit-elle. 

Enfin, un jeune homme a rendu publics sur Twitter des faits particulièrement inquiétants. Il a accepté de nous donner le contexte de cet échange, sous condition d'anonymat. A l'origine, c'est lui qui a envoyé un texto à son "voisin de numéro". "J’ai fait ce défi pour rigoler dans un premier temps. Je n’ai reçu qu’une réponse, de la part d’un individu qui me semblait étrange au premier abord. Je me suis alors fait passer pour une jeune fille de 15 ans et c’est là que ça a dérivé." Les captures d'écran de cette conversation, que nous avons consultées mais que nous ne reproduirons pas ici pour des raisons légales, montre de longs échanges. A l'autre bout du fil, un homme - qui dit être âgé de 62 ans - envoie la photo de son visage et demande l'âge de son interlocutrice. Apprenant qu'elle a quinze ans, il se montre quand même d'accord pour la recevoir chez lui "pour l'embrasser, la caresser" et "faire l'amour". La conversation se termine sur l'envoi d'une photo de son sexe. L’internaute nous indique ne pas avoir osé prévenir la police. 

En Indre-et-Loire, la mise en garde de la gendarmerie

Selon nos informations, la gendarmerie nationale est en veille sur le sujet mais n'a pas remarqué pour l'heure de phénomène inquiétant. En Indre-et-Loire, toutefois, les forces de l'ordre ont procédé à une mise en garde via leur page Facebook. "Attention, cette pratique ne plaît pas forcément, et la loi encadre les appels malveillants (y compris les SMS). Si vous tentez ce jeu et que votre SMS n'obtient pas de réponse, nous vous conseillons fortement de ne pas l'adresser de nouveau", peut-on ainsi lire. 

* Les prénoms ont été changés

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Anaïs Condomines

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