50 ANS APRÈS – Alors que la France célèbre Mai 68, LCI a sollicité des acteurs ou témoins anonymes de ces événements pour qu’ils nous racontent les souvenirs qu’ils en gardent, l’anecdote ou la scène qui les a marqués. Aujourd’hui, retrouvez le témoignage de Camille Martin, 69 ans. Elle a suivi de loin l’agitation parisienne mais n’est pas près d’oublier la période pour autant.
"J’avais 19 ans en mai 68. J’habitais un petit village du Doubs, à 100 mètres de la frontière avec la Suisse, que je franchissais chaque matin pour aller travailler. Je me souviens d’un mois très particulier pour me rendre à l’usine de machines à tricoter où j’étais secrétaire : à chaque fois que l’on arrivait à la douane, un troupeau de CRS nous faisait descendre du bus avant de le fouiller de fond en comble. Cherchaient-ils des armes ? Ils ne trouvaient en tout cas jamais rien, et nous pouvions repartir. Cela nous amusait beaucoup : nous étions jeunes et il y avait de beaux militaires !
Je me rappelle avoir regardé des images des jets de pierres et des barricades à Paris. On n’avait plus vu ça depuis la guerre de 39-45 !
Camille Martin
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Cet épisode qui a duré quelques semaines est le seul souvenir personnel que je garde de la période : pour nous qui vivions à la campagne, Mai 68 est presque passé inaperçu. Mon père venait d’acheter notre première télévision, et je me rappelle tout de même avoir regardé des images des jets de pierres et des barricades à Paris. On n’avait plus vu ça depuis la guerre de 39-45 ! Nous sentions que ce qui se passait dans les grandes villes allait faire bouger les choses mais à notre niveau, nous ne pouvions qu’être spectateurs.
Quand je vois toutes les grèves qui ont lieu en ce moment, des cheminots aux retraités, je me dis que ce serait bien que les gens se rassemblent à nouveau pour se faire entendre. Mais je n’y crois pas. On ne pourra pas refaire Mai-68 : aujourd’hui, avec la multiplication des crédits, les familles souvent surendettées, chacun veut d’abord conserver son travail, et on sait que chaque jour de grève n’est pas rémunéré. C’est pour cela qu’il y a beaucoup moins de solidarité qu’il y a 50 ans. »