Blocage des raffineries contre la réforme des retraites : faut-il craindre la pénurie ?

par Cédric STANGHELLINI
Publié le 2 janvier 2020 à 13h11

Source : JT 20h Semaine

À LA LOUPE – Dans le cadre du conflit social sur la réforme des retraites, la CGT appelle au blocage de toutes les raffineries françaises du 7 au 10 janvier 2020. Les stations-service peuvent-elles se retrouver à sec ? On fait le point.

Un nouveau moyen de pression contre la réforme des retraites. Le lundi 30 décembre, Thierry Defresne, délégué syndical central chez Total, a annoncé sur Franceinfo l'intention de la fédération CGT Chimie de bloquer toutes les installations pétrolières (raffineries, terminaux pétroliers, dépôts) durant 96 heures. "Il s’agit cette fois de faire en sorte qu’aucune expédition de produit ne sorte du 7 au 10 janvier", a-t-il précisé.  

Si des blocages empêchaient déjà toute expédition du carburant sur plusieurs sites, notamment les raffineries de Total à GrandPuits en Seine-Maritime et La Mède dans les Bouches du Rhône, la CGT ambitionne cette fois une immobilisation complète de la production et de la distribution durant quatre jours. Cette situation ferait-elle courir le risque d'une pénurie ? Non, assure la ministre de la Transition écologique, Elisabeth Borne, invitée de LCI ce jeudi 2 janvier : "Nous avons des stocks pour fournir les Français pendant trois mois. Les dépôts sont approvisionnés, il y a des stocks à la fois de produits bruts, d’essence comme de diesel ; donc il y a tout ce qu’il faut pour approvisionner normalement les stations-services. Pas de panique, donc. La seule difficulté, c’est s’il y a des pleins de précaution." 

La France dispose de - larges - réserves stratégiques

En effet, un scénario où toutes les pompes seraient à sec n'arriverait pas du jour au lendemain. C'est ce qu'explique Jean-Louis Schilansky, le président du Centre hydrocarbures non-conventionnels, interrogé par TF1. "Il faudrait vraiment une grève de toutes les raffineries pendant très longtemps, et encore, pour qu’il y ait des problèmes d’approvisionnement." Comment peut-il être aussi serein ? Car la France dispose de réserves stratégiques de produits pétroliers, une obligation en matière de sécurité énergétique. 

Ces réserves sont gérées par la Sagess (Société anonyme de gestion de stocks de sécurité), une société privée qui met ses réserves à disposition du CPSSP (Comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers) lorsque ce dernier décide de débloquer du carburant ou autres produits pétroliers. Une décision qui revient au gouvernement, dont plusieurs représentants sont membres du CPSSP. 

Quelles sont les quantités stockées ?

La France est membre de l’Agence internationale de l’énergie et doit, à ce titre, s’assurer de disposer en permanence de plus de 90 jours d’importations nettes de pétrole brut et de produits pétroliers. A elle seule, la Sagess gère 13,9 millions de stocks de produits pétroliers, composés à 46% de gazole et à 31% de pétrole brut. L'essence ne représente que 8%. Ces stocks sont répartis sur 89 sites à travers la France, dont un site souterrain dans le département des Alpes-de-Haute-Provence. 

Les quantités détenues par la Sagess représentent environ 75% des réserves stratégiques nationales. Les 25% restants sont détenus par les opérateurs eux-mêmes, comme la loi les y oblige. En métropole, Total détient quatre raffineries, ExxonMobil deux et la huitième appartient à Petroineos, la filiale européenne du chinois PetroChina. 

Un blocage des sites ne signifie pas arrêt de la production

Contacté par LCI, Total se veut également rassurant. "Une raffinerie est une installation industrielle complexe, on ne peut pas l'arrêter du jour au lendemain, notamment pour des raisons de sécurité." Total nous précise également qu'une décision de stopper la production ne peut être prise que par la direction. 

Il ne faut pas non plus oublier les liaisons souterraines qui relient les sites entre eux. "En décembre, les blocages de Grandpuits près du Havre, en Seine-et-Marne, ont entraîné l'expédition par pipeline vers le site de Gonfreville, en Seine-Maritime. Les capacités de stockage avaient atteint leur maximum sur le premier site." L'entreprise relativise donc la menace d'un blocage de quatre jours. "A titre d'exemple, cette année notre raffinerie de Grandpuits a cessé sa production pendant six mois à cause d'un incident de pipeline. Un arrêt complet qui est passé inaperçu dans la distribution de produits pétroliers malgré l'importance de ce site dans notre réseau Total." Il s'agit de la plus grande raffinerie française. 

Alors comment expliquer les quelques pénuries relevées sur le territoire ? "Nous sommes dans une période inédite, nous explique l'opérateur pétrolier. En plus des quelques blocages, les jours fériés sont tombés en semaine et les camions n'ont pas le droit de rouler. Ils ne peuvent pas non plus circuler le week-end. Un approvisionnement moindre auquel il faut ajouter une hausse des déplacements en voiture durant les fêtes et la grève à la SNCF a favorisé les trajets en voiture." 

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Cédric STANGHELLINI

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