Bernard Lama : "Il faudra plus qu’un match à Alphonse Areola pour passer devant Steve Mandanda chez les Bleus"

par Hamza HIZZIR
Publié le 8 septembre 2018 à 13h45
JT Perso

Source : Sujet JT LCI

INTERVIEW – C’est peu dire que jeudi soir, contre l’Allemagne (0-0), Alphonse Areola a fait forte impression pour sa 1ère sélection en équipe de France. Au point que certains observateurs n'hésitent pas à se demander si le gardien parisien n'a pas déjà bouleversé la hiérarchie ? Bernard Lama, portier historique du PSG et des Bleus, livre son point de vue à LCI.

On a beau dire que les statistiques sont faites pour être contredites, voire qu’on leur fait dire ce qu’on veut, il y en a certaines qui se passent de nuance : Alphonse Areola, qui a vécu jeudi soir contre l’Allemagne (0-0) en Ligue des nations sa toute première sélection en équipe de France, a réalisé 6 arrêts, ce qu’aucun gardien n’a fait chez les Bleus ces dix dernières années.

Ultra-décisif sur sa ligne, au point d’avoir été présenté comme le sauveur des Bleus, le portier de 25 ans, formé au PSG, où il partage désormais les cages avec Gianluigi Buffon, a logiquement eu droit à son lot de commentaires enflammés. Certains considèrent même déjà que cette prestation de classe lui vaut de dépasser désormais Steve Mandanda (33 ans et forfait pour ce match, comme pour celui de dimanche contre les Pays-Bas) dans la hiérarchie des gardiens tricolores.

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Bien que très attaché au club parisien, dont il fut le gardien historique, Bernard Lama pose, lui, un regard plus froid sur la situation de son héritier à Paris comme chez les Bleus. Pour LCI, il détaille les conséquences concrètes d’une entrée en matière aussi réussie. Et mesure tout le chemin qu’Alphonse Areola doit encore parcourir. 

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Qu’avez-vous pensé de ce premier match d’Alphonse Areola avec l’équipe de France ?

Ben il a fait un super match ! Enfin, disons plutôt qu’il a fait le match qu’il fallait, pour rassurer l’équipe et se rassurer lui aussi, puisque c’était une première sélection. Il a eu les ballons qu’il fallait.

Beaucoup de gardiens se sont raté en pareille occasion, avez-vous été surpris de le voir aussi à l’aise ?

Il faut arrêter, ce n’est pas un gamin non plus ! C’est un garçon qui a joué beaucoup de compétitions internationales avec les équipes de France de jeunes, qui a été champion du monde des moins de 20 ans (en 2013, avec Paul Pogba, Samuel Umtiti et Florian Thauvin, ndlr), qui un vrai vécu international. Ce n’est pas un néophyte. 

Certains affirment qu’avec sa prestation, il vient déjà de passer n°2 dans la hiérarchie des gardiens des Bleus, partagez-vous ce point de vue ?

Ce qui compte, c’est d’être n°1. Après, ce sont des choix de coach. Quand un joueur n’est pas là, de fait, il perd sa place. Aujourd’hui, Mandanda n’est pas là. Il est blessé pour un moment. Quand il reviendra, l’entraîneur avisera, mais ce n’est pas ce qui est important. On parle d’un groupe. Ce qui est important, c’est que l’entraîneur sache ce que valent les gardiens. On a vu Areola. On sait ce qu’il vaut. Maintenant, c’est le plus jeune de tous, c’est celui qui va encore progresser... Et s’il continue de progresser jusqu’à un certain point, il pourrait finir par challenger directement le n°1. Mais bon, on n’en est pas là hein.

Concrètement, pensez-vous qu’il faut privilégier la jeunesse d’Areola en sortant Mandanda du groupe pour qu’il devienne la doublure de Lloris ?

Je ne pense pas qu’il y ait débat là-dessus. Premièrement, Mandanda n’est pas sélectionnable en ce moment. Deuxièmement, Areola vient de vivre sa première sélection. Mandanda, il est là depuis dix ans. Ce n’est pas un match qui va bouleverser la hiérarchie, ça ne se passe pas comme ça. Il lui faudra faire plus. Mais voilà, depuis hier (jeudi), on sait que notre gars (Areola), il est là ! C’est ce qui est important. C’est bien d’avoir trois choix possibles pour un poste. Le problème, c’est que ce réservoir de joueurs doit être utilisé, pour que les jeunes prennent de l’expérience. Areola a su en profiter. Il a montré qu’on pouvait compter sur lui, et qu’il fait partie de ceux qui peuvent arriver derrière. C’est rassurant pour l’entraîneur. 

Se pose-t-il tout de même déjà en futur successeur d’Hugo Lloris ?

On ne peut pas anticiper ce genre de choses. Demain, un petit jeune peut arriver de nulle part et casser toute la baraque, en étant au top à 19 ou 20 ans. Sauf que c’est plutôt rare pour les gardiens, parce qu’ils ne jouent généralement pas très jeunes. C’est un poste particulier, la longévité y est plus grande, mais la maturation est plus longue. Les gardiens arrivent au plus haut niveau entre 30 et 35 ans. Donc Areola a le temps. Aujourd’hui, on sait qu’on peut lui faire confiance. Alors il faut qu’il progresse encore !

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En quoi peut-il encore progresser exactement ?

Sur tous les points ! Techniquement, physiquement, mentalement. On progresse toujours à son âge. Dans sa carrière, il ne s’est toujours pas complètement installé comme un titulaire indiscutable, comme le boss de son équipe. Il doit être beaucoup plus décisif, comme il l’a été hier (jeudi). S’il doit sortir un seul arrêt déterminant par match, il doit le sortir, surtout dans les moments importants, en Ligue des champions par exemple. Il doit devenir plus compétiteur, et devenir le patron de sa défense. Il a beaucoup besoin de développer son leadership. De ce que j’observe, il a aussi un travail physique à faire, et un travail de coordination. Plein de choses, qui feront qu’il influencera vraiment le jeu de son équipe. Parce que c’est d’abord ça, un grand gardien.

Le fait qu’il doive partager la cage du PSG avec Gianluigi Buffon, est-ce une bonne ou une mauvaise chose ?

Lui, je suis sûr qu’il préférerait jouer tous les matchs. Mais il y en a beaucoup maintenant dans une saison. Un club comme le PSG en joue bien 60, avec la coupe d’Europe, le Championnat, les coupes nationales... Donc s’il en joue 30, avec en plus les rassemblements de l’équipe de France, où des joueurs ont aussi parfois besoin de repos, c’est déjà pas mal. Le calendrier rend ces choses-là plus faciles à gérer que par le passé. Ce qui compte, c’est que le niveau de l’équipe ne baisse pas. En plus, Buffon va lui apporter son vécu, son expérience. Lui, il est à un âge (40 ans) où il déroule, mais ça reste un très grand compétiteur. Donc il va lui apporter ça. Et ce leadership qui lui manque. Parce qu’il va pouvoir s’en inspirer. Ce manque de leadership, c’est ce qui explique pourquoi il ne s’est pas encore imposé aujourd’hui. Il a besoin de mûrir et de développer encore sa personnalité.


Hamza HIZZIR

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