FOOTBALL – Vainqueur (1-2) de la Juventus à Turin mardi soir en quart de finale retour de la Ligue des champions, l’Ajax d’Amsterdam restera, quoi qu'il arrive, la sensation de l’actuelle saison européenne. Focus sur le rôle joué en coulisses par Johan Cruyff dans cette résurrection.
Lorsque, en mai 2017, l’Ajax d’Amsterdam avait éliminé l’Olympique lyonnais pour se hisser en finale de la Ligue Europa, beaucoup y avaient vu quelque chose comme un accident, voire une anomalie. Les compétitions européennes, de nos jours, n’ont que peu de considérations pour les monuments en péril, au modèle économique détraqué... Mais lorsque, le 5 mars dernier, les mêmes joueurs, avec deux ans de plus, sont allés s’imposer largement (1-4) sur la pelouse du Real Madrid, triple tenant du titre, en 8e de finale de la Ligue des champions, il a bien fallu lire le phénomène autrement.
Temps long
Ainsi, même lors du match nul (1-1) concédé à domicile face à la Juventus en quart de finale aller la semaine dernière, il n’y avait plus que des louanges, tous pays confondus, pour commenter le jeu offensif (parfois huit joueurs dans la surface adverse), l’audace insolente, les mouvements permanents des "Ajacides" face au vieux conservatisme italien, dans une de ces oppositions de styles qui soulignent les contrastes. Et ce fut encore le cas mardi soir, à l’occasion de la manche retour à Turin, où un nouvel exploit des jeunes Néerlandais (victoire 1-2), bien qu'attendu cette fois, a un peu plus enflammé les foules.
Mais, s’il n’a finalement fallu qu’un match pour que la perception générale change, cette renaissance de l’un des plus grands clubs de l’histoire, berceau du football total au tournant des années 1970, école d'excellence qu’on pensait dévorée pour de bon par le néolibéralisme et la libre circulation des footballeurs, s’est faite sur un temps long. Avec, cependant, un seul et même point de jonction, un seul et même homme : Johan Cruyff, superstar du jeu durant le premier âge d’or, puis chef d’orchestre depuis le banc de touche, en tant qu’entraîneur et initiateur, durant le second, à la fin des années 1980.
"Ce n’est plus l’Ajax"
C’est en fait au début des années 2000 que survient le tournant, celui du déclin. Finaliste en 1996, l’Ajax n’est plus, à l’aube du XXIe siècle, qu’un club habitué aux éliminations en phase de groupes de la Ligue des champions. Le centre de formation ne sert plus qu’à vendre au rabais des joueurs en devenir pour renflouer des caisses toujours plus vides. Le schéma tactique historique en 4-3-3 est abandonné par l’entraîneur, Ronald Koeman (pourtant un ancien de la maison), qui aura ensuite sept successeurs en quatre ans. Et, à la fin de la décennie, comble de l’affront, le club ne parvient même plus à régner sur le championnat des Pays-Bas.
Depuis la Catalogne où il réside, Johan Cruyff n’en rate pas une miette. Et décide de prendre la plume en septembre 2010 pour écrire, dans le prestigieux quotidien De Telegraaf, un éditorial au lance-flammes dont le titre se suffit presque à lui-même : "Ce n’est plus l’Ajax." Le message, distillé à travers dix paragraphes, est limpide : l’ancienne gloire appelle à une révolution, invitant tous les anciens joueurs du club à intégrer toutes ses strates, du conseil d’administration au centre de formation. Et, sous cette pression, les dirigeants finissent un à un par quitter le navire en 2011.
Le résultat ne peut pas être un point de départ ou la priorité... On faisait les choses à l’envers.
Brian Tevreden, formateur à l’Ajax de 2011 à 2015
C’est ce que la presse néerlandaise surnomme "la révolution de velours", parce que les têtes sont tombées sans que le sang ne coule. Les hommes de Cruyff – Frank de Boer, Dennis Bergkamp, Marc Overmars, Wim Wonk (entre autres) – intègrent effectivement des postes clés. Et couchent sur le papier un document général surnommé "le plan Cruyff". Lequel contient des principes généraux à suivre pour une remise à plat de la formation, visant à réinstaurer dans toutes les catégories d’âge le 4-3-3, la défense en avançant, le dépassement de fonction (tout le monde attaque, tout le monde défend) ou encore la sacro-sainte règle des cinq secondes, qui impose ce délais aux équipes pour récupérer le ballon après l’avoir perdu, via un pressing coordonné jusque devant la but adverse si nécessaire.
Ce n’est pas tout. "Le club s’était égaré, puisque le centre de formation avait fini par privilégier le résultat à la manière. Le document a rappelé que l’important, dans une académie, c’est d’apprendre. Si tu formes un joueur comme tu le souhaites, il va gagner, mais comme une résultante du processus. Le résultat ne peut pas être un point de départ ou la priorité... On faisait les choses à l’envers", synthétise, dans le dernier numéro de So Foot, Brian Tevreden, formateur à l’Ajax de 2011 à 2015. Voilà pour la théorie. Et la pratique ? Ce sont, par exemple, des entraînements sur des parkings, afin de proscrire tout tacle et favoriser l’anticipation...
Matthijs de Ligt était tellement fort en défense centrale, que c’était dangereux pour sa progression de rester à ce poste.
Ruben Jongkind, co-auteur du "plan Cruyff"
Mais plus concrètement encore, prenons le cas de Matthijs de Ligt, jeune (19 ans) défenseur central à la technique raffinée, que toute l’Europe s’arrache aujourd’hui (le Barça, le Bayern, le PSG et la Juventus se le disputent actuellement). "Il a été formé comme défenseur central. Mais quand il a eu 14 ans, on a décidé de le mettre au milieu de terrain, raconte Ruben Jongkind, l’un des co-auteurs du "plan Cruyff", à Eurosport. "Si tu penses comme un entraîneur basique, tu te dis que c’est étrange et peut-être même problématique pour le match et donc le résultat final. Mais Matthijs était tellement fort en défense centrale, que c’était dangereux pour sa progression de rester à ce poste. On voulait le faire progresser sur son utilisation du ballon, sur la vision, sur le fait qu’il doive créer de l’espace avec ses relances, qu’il accélère le jeu, qu’il se développe techniquement." Mission accomplie, donc. Johan Cruyff, mort en 2016, peut reposer en paix.
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