Benjamin Gavanon : "En Chine, les joueurs de haut niveau se font vite ch..."

par Hamza HIZZIR
Publié le 28 janvier 2016 à 18h47
Benjamin Gavanon : "En Chine, les joueurs de haut niveau se font vite ch..."

INTERVIEW - Alors que les clubs chinois parviennent désormais à attirer des internationaux de moins de trente ans évoluant à Chelsea ou à l'AS Rome, comme Ramires et Gervinho, qui viennent respectivement de signer au Jiangsu Suning et au Hebei Fortune China FC durant ce mercato d'hiver, metronews a demandé à Benjamin Gavanon à quoi ces joueurs devaient s'attendre. Le milieu français a, lui, porté le maillot du Shenzhen Ruby en 2012-13.

De plus en plus d'internationaux de moins de 30 ans évoluant en Europe s'en vont jouer en Chine, on l'a vu récemment avec Gervinho et Ramires, comment expliquer ce phénomène ?
(rires) C'est l'attrait financier. Il n'y a rien d'autre. Qu'est-ce que vous voulez qu'il y ait ? Bon, ça reste malgré tout une expérience de vie. Vous partez vivre dans un pays lointain avec d'autres coutumes, une façon de vivre complètement différente de celle qu'on connait en Europe. Mais derrière, il y a surtout un contrat énorme à prendre. C'est ça, le but du jeu.

N'y a-t-il quand même pas un attrait sportif ?
Le foot ne progresse pas encore là-bas. Il va progresser, c'est sûr. Mais il part de trop loin. Ils n'ont pas de politique de formation. Il y a de très bons joueurs chinois, mais ce n'est pas en prenant des stars par ci par là qu'ils vont améliorer les choses. Ils font ça pour que leur Championnat soit plus attrayant et exposé médiatiquement. Sauf que ça ne règle pas le problème de base, à savoir qu'ils n'exploitent pas le potentiel énorme que représente leur population. Ils faut qu'ils se structurent et forment les jeunes dans les clubs. Pour qu'ils soient encadrés et aient un vrai cursus footballistique.

Où situez-vous le niveau du Championnat chinois ?
J'ai joué contre plusieurs clubs de L1 chinoise et, franchement, ça vaut la L1 française. Parce que les étrangers relèvent le niveau. Cette année, il y a Guangzhou Evergrande et Shanghai SIPG qui sont très au-dessus. Le reste ne tient pas la route. Mais une équipe de L1 française de milieu de tableau aurait du mal à gagner tous ses matchs là-bas.

On dit qu'il y a beaucoup de corruption, est-ce une réalité à laquelle vous avez été confronté ?
Elle existe, oui, même si c'est dur à vérifier en étant un joueur étranger. Parce qu'on n'est pas vraiment mêlé à tout ça. Ne parlant pas la langue, vous n'allez pas être contacté pour des arrangements. Mais, pour l'avoir vécu, c'est sûr qu'il se passe de drôles de choses dans les derniers matchs de Championnat, où chacun joue sa survie. Ils sont horribles à jouer. Vous voyez des équipes n'ayant pas gagné un match dans l'année mettre des 5-0 à tout le monde. Je veux bien qu'ils se rebellent mais bon, ça arrive souvent à la fin.

Vous avez eu de gros doutes ?
Déjà, on en entend parler dès que la fin de saison approche. Les bruits commencent à circuler dans le vestiaire. Et c'est vrai que ça nous est arrivé, à quatre ou cinq journées de la fin du Championnat, d'aller jouer une équipe classée 15e (sur 18). Et de prendre un 6-1. Il y a eu beaucoup d'erreurs d'arbitrage, des fautes pas évidentes, chaque fois en faveur de l'adversaire, sur des actions de jeu particulières. Vous vous dites que vous vous faites des films. Mais après, quand vous êtes défenseurs et que vous ne défendez pas comme il faut, ça peut aller très, très vite...

Vous avez soupçonné certains de vos coéquipiers ?
Oui, je pense qu'ils étaient dans la combine. Après, moi, je m'en fous, chacun fait ce qu'il veut. Mais il y avait des comportements étranges.

Guillaume Hoarau a dit qu'il avait "flingué sa carrière" en allant en Chine...
Je pense qu'il a voulu dire qu'une fois que vous partez là-bas, vous ne revenez plus. C'est-à-dire que les clubs européens considèrent que vous avez terminé votre carrière. Les gens vous oublient. Ce n'est pas un Championnat qui vous met en avant. Surtout que lui, il a fini par ne plus jouer. Et comme, en tant qu'étranger, vous devez forcément jouer là-bas, c'est terrible pour votre réputation.

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On a vu beaucoup de joueurs repartir très vite de Chine : Drogba, Anelka, Hoarau, Gilardino, Robinho... C'est bien qu'il y a des soucis un peu partout là-bas, non ?
Il y a surtout eu des problèmes de salaire. Parce que, en Chine, ils vous payent un peu quand ils veulent. S'ils décident, d'un coup, de ne plus vous payer, ils peuvent même arrêter pendant un moment. Sauf que là, ils se sont attaqués à des montres sacrés comme Anelka et Drogba... Eux ont plus de moyens de se défendre que d'autres joueurs.

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Est-ce que ce n'est pas aussi parce qu'ils s'ennuient ?
Oui, au début, on voit le contrat, l'excitation de la découverte. Mais ensuite, il faut s'adapter à la vie d'expatrié. En Chine, vous avez six ou sept heures de décalage horaire avec la France. Ça veut dire que vous ne pouvez joindre personne en France avant 14h. Forcément, vous avez moins de rapports avec votre famille. Parce qu'à 8h du matin, les gens partent travailler, ils n'ont pas le temps de vous prendre au téléphone. Et à l'heure où ils avaient plus de temps, moi, je partais m'entraîner. Du coup, les créneaux étaient très restreints. Vous êtes isolé. Vous devez recréer toute votre vie là-bas. Et il faut s'adapter à un autre mode de vie, une autre langue, une autre alimentation. Enfin, il y a aussi de bons côtés. En Chine, tout est ouvert, partout, à n'importe quelle heure. Vous avez de quoi faire. Mais bon, je me souviens qu'à la fin, je ne faisais plus l'effort. C'était devenu pesant. On finit par tourner en rond et se sentir seul. Je ne pensais plus qu'à rentrer pour me refaire un entrée-plat-dessert à la française. Dès que j'avais un week-end de libre, je faisais un aller-retour. C'est compliqué de rester là-bas longtemps, par rapport aux États-Unis ou à l'Australie, où on vit plus à l'occidentale.

Est-ce qu'on peut qualifier cette destination d'Eldorado ?
Disons que, quand on est jeune, qu'on a un peu de mal à percer en France, c'est un bon endroit pour faire carrière. Parce qu'il y a énormément d'avantages. Si vous êtes adopté là-bas, vous trouverez toujours un club. Mais ce cas de figure va devenir de plus en plus rare, vu l'ampleur que prend le Championnat. Après, pour des types qui jouent à la Roma ou à Chelsea, mis à part l'argent, je ne vois vraiment pas l'intérêt. Ils ont vraiment dû recevoir un pont d'or.

Et est-ce qu'on peut la qualifier de piège ?
Je n'irai pas jusque-là. Mais je me souviens avoir affronté le Shanghai Shenhua avant l'arrivée de Drogba et Anelka. C'était vraiment une équipe très, très faible... C'est sûr que des joueurs de ce niveau-là doivent vite se faire chier. Sportivement, ils ne s'y retrouvent pas. Pour eux, il n'y a que des contraintes. Donc c'est normal qu'ils cherchent vite à repartir. Mais franchement, il faut voir les contrats. Moi, récemment, en vacances, je suis tombé sur un Chinois qui habite à Shenzhen. Il m'a demandé combien je touchais à l'époque où je jouais là-bas. Et en entendant le chiffre, il a rigolé : "C'est nul. Viens maintenant, tu toucheras cinq fois plus." Leurs investissements dans le foot n'ont aucune limite. Et comme ce qu'on touche là-bas est net d'impôt, ça fait une énorme différence.


Hamza HIZZIR

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