REPORTAGE - Depuis plusieurs semaines, Zlatan Ibrahimovic, 36 ans, entretient le suspense sur son éventuelle participation à la Coupe du monde en Russie. LCI s'est rendu à Stockholm pour savoir ce qu'en pensent vraiment les Suédois. Le constat est sans appel, l'ancien attaquant du PSG n'est plus le bienvenu en équipe nationale.
Du Zlatan par-ci, du Zlatan par-là. Dans les rues pavées de Stockholm, les maillots floqués au nom et les figurines à la gloire d'Ibrahimovic envahissent les vitrines des boutiques à souvenirs. "Ce sont nos meilleures ventes, nos best-sellers ! Ça plaît énormément aux touristes", confie à LCI Greger, un vendeur posté à quelques pas du Palais royal, la résidence officielle des monarques de Suède. Les affiches publicitaires le mettant en scène, elles, décorent en 4 par 3 les façades des principales artères de la capitale suédoise, encore hantée par l'aura du natif de Malmö, la troisième ville du pays, située à environ une heure de vol au Sud.
Si vous n'êtes pas un spectateur assidu, fan averti de football, tout porterait à croire que le géant suédois est toujours aux affaires en sélection. Pourtant, voilà bientôt deux ans qu'il a remisé son maillot jaune et bleu, après une élimination précoce à l'Euro 2016 dès la phase de poules. Si notre voyage s'arrêtait là, on pourrait penser qu'un vent de nostalgie souffle sur la nation scandinave. Or, les vestiges du passé cachent une toute autre vérité : la page du Z est tournée.
À quoi joue Ibrahimovic ?
Portée par de nouvelles têtes, comme Victor Lindelöf et Emil Forsberg, la Suède a obtenu son ticket pour la Coupe du monde en battant la France (2-1) lors des éliminatoires, puis en renversant l'Italie (1-0, 0-0) en barrages. Et voilà qu'à moins de trois mois du Mondial russe, Zlatan Ibrahimovic multiplie les signaux laissent présager d'un éventuel come-back.
Un premier tweet "We are Sweden" ("Nous sommes la Suède", ndlr), le soir de la qualification mi-novembre, avait mis le feu aux poudres. Tout juste transféré au Los Angeles Galaxy fin mars, l'ancien joueur du PSG en avait rajouté une couche. "Si je veux y être, j'y serai. Si je ne veux pas, je n'y serai pas", avait-il lancé. Invité cette semaine d'un populaire talk-show aux États-Unis, Ibra a fait du Zlatan pur jus : "Une Coupe du monde sans moi ne serait pas une Coupe du monde" - pour l'instant, il a disputé deux fois la compétition, en 2002 et 2006, pour deux huitièmes à la clé.
A visit from a humble superstar named Zlatan Ibrahimović... @Ibra_Official #LAGalaxy pic.twitter.com/CHv30KyMuw — Jimmy Kimmel (@jimmykimmel) 18 avril 2018
Les gens n'aiment pas son attitude hautaine
John, un supporter de l'équipe nationale de Suède
Ces propos, qui amusent les foules à l'étranger, déclenchant même l'hilarité sur le plateau de Jimmy Kimmel, agacent en Suède. Pourquoi ? Parce que, de part sa personnalité, Zlatan divise les Suédois. Certes, il possède toujours ses inconditionnels, qui l'adorent et aimeraient le revoir avec le maillot jaune et bleu. "On a besoin de lui", affirme ainsi Ivan, un étudiant croisé lors d'une visite au Vasamuseet, l'un des musées de la capitale. Mais, en interrogeant les passants, les uns après les autres, ce qui frappe, c'est que Zlatan n'a plus la cote auprès de ses compatriotes. En novembre dernier, un sondage de l'un des principaux quotidiens, Expressen, dévoilait que 63% des personnes interrogées étaient contre un retour de l'attaquant aux 116 sélections.
D'ailleurs, près de la Friends Arena, l'équivalent suédois du Stade de France et théâtre passé des exploits d'Ibrahimovic avec un retourné de 30 mètres face à l'Angleterre, les supporters de la star de la MLS (le championnat nord-américain, ndlr) se font rares. Preuve que la popularité dont Ibra jouissait chez lui s'est en fait évaporée. Et son âge avancé, 36 ans, n'est pas ce qui est lui est reproché. "C'est un bon joueur, peut-être l'un des meilleurs que l'on ait eu ici, mais les gens détestent son attitude hautaine. Ils n'aiment pas son ego surdimensionné", commente John, maillot d'Hammarby, le club local, sur le dos. "C'est son style, il est comme ça. Ça lui rapporte gros. Son retour serait un coup marketing. Rien de plus qu'une histoire d'argent."
Pourquoi faudrait-il tout jeter à la poubelle pour Ibrahimovic ?
Eva, une fan de l'équipe nationale de Suède
Pour Eva, supportrice de l'AIK, l'autre club de Stockholm, cela sonne comme une fausse bonne idée. "Je pense qu'il va revenir, c'est imminent mais ce ne sera pas une bonne chose. Ceux qui ont connu le foot avant Zlatan le voient comme un sport collectif. Zlatan est un individualiste sur le terrain, c'est une diva. Certes, il marque (62 buts avec la Suède, un record, ndlr) mais, quand il est là, le jeu de l'équipe est stéréotypé. Tout doit passer par lui et ça ne marche pas ! Regardez le résultat au dernier Euro...", regrette-t-elle. "L'équipe actuelle s'est qualifiée sans lui pour le Mondial. Pourquoi faudrait-il tout jeter à la poubelle pour Ibrahimovic ?"
"Aujourd'hui, nous avons une équipe où les joueurs se battent les uns pour les autres", abonde Kristoffer. "Janne Andersson , notre sélectionneur, a fait émerger une nouvelle génération, qu'il a encadrée avec des joueurs qui étaient en retrait quand Zlatan était encore là. Il a trouvé la bonne formule". À la tête des "Blågult" depuis août 2016, le technicien scandinave, pas vraiment prêt à lui ouvrir la porte, affiche en effet un bilan plus que satisfaisant, sans son géant : 11 victoires, 4 nuls et 6 défaites en 21 matches. De quoi étayer un peu plus l'argumentaire des Suédois, qui avaient échoué à se qualifier pour le Mondial en 2010 et 2014... avec Zlatan.