FOOTBALL – Entre la menace terroriste et celle des hooligans qui planent au-dessus de la Coupe du monde 2018 en Russie, l’aspect sécuritaire n’a jamais été à ce point au centre des préoccupations des organisateurs de l’événement sportif le plus suivi de la planète.
"S’il y avait eu une pièce de 50 centimes dans votre chaussette, ils l’auraient trouvée." C’est le commentaire, impressionné, d’un journaliste néo-zélandais à un confrère du Monde qui l’interrogeait, au mois de juin dernier, au sujet de la sécurité des stades russes lors de la Coupe des Confédérations, compétition ayant surtout fait office, en l’occurrence, de répétition générale de la Coupe du monde, qui se jouera l’été prochain (14 juin-15 juillet) au pays de Vladimir Poutine. Il n’y a pas eu de débordement en 2017. Mais cela ne garantit rien pour 2018…
Pour certains ça sera un festival de foot, pour d’autres ça sera un festival de violence.
Un hooligan russe interrogé par la Russie
En participant activement aux frappes collectives contre Daech, mais aussi en annexant la Crimée, la Russie s’est fait quelques ennemis ces dernières années. La menace terroriste, durant un événement aussi suivi mondialement et si cher aux yeux du Kremlin, est donc à prendre au sérieux. En avril, un attentat dans le métro de Saint-Pétersbourg a fait 15 morts. En août, un homme armé d’un couteau, se présentant comme "un soldat de Daech", a poignardé sept personnes à Surgout… En novembre, des appels à commettre des attentats durant le Mondial ont encore été publiés sur les organes de propagande de Daech et par des groupes de sympathisants de l'organisation.
Comme si cela ne suffisait pas, le problème des hooligans se pose en parallèle. En février, la BBC avait diffusé un reportage dans lequel plusieurs groupes de supporters russes promettaient, visages cagoulés, "un festival de violence pendant la Coupe du monde"... Personne n’a oublié les images de guerre civile à Marseille, où Russes et Anglais s'étaient affrontés durant l’Euro 2016. Réaction courroucée du chef de la sécurité de la Fédération russe de football, Vladimir Markine, pour qui le documentaire de la BBC est une "propagande totale" destinée à ce que "le plus de fans anglais possibles refusent de venir" en Russie.
L'incontournable "passeport des supporters"
Une certitude : Anglais ou pas, ceux qui voudront se rendre sur place feraient bien de le faire munis de billets (ce qui n’est justement pas dans les habitudes des hooligans anglais). Car le Kremlin a mis en place un système de "passeport des supporters", qui ne sera remis qu’aux seuls détenteurs de billets, et les exonèrera de trop contraignantes demandes de visa, en plus de leur offrir la gratuité dans les transports en commun les jours de match. En clair : tout a été fait pour que ceux qui envisagent de se rendre en Russie l’été prochain sans ce Sésame aient, beaucoup, beaucoup de mal à le faire. "Ce qui s’est passé à Marseille est un mal pour un bien. Cela a réveillé les autorités et les instances sportives russes", assurait ainsi Ronan Evain, coordinateur de l’association Football Supporters Europe (FSE), dans Le Monde.
Dans ce même effort, des portiques de sécurité ont déjà été installés dans tous les métros des grandes villes et, à Saint-Pétersbourg, des chiens renifleurs d’explosifs accompagnent même les policiers en patrouille. En tout, 445 millions d’euros ont été dépensés par les autorités dans le seul domaine de la sécurité, tandis que le FSB (Service fédéral de sécurité) collabore depuis plusieurs mois avec les services de sécurité de 32 autres pays. Concernant la question spécifique des hooligans, une liste noire de 191 supporters interdits de stade a été établie par le FSB.
"Les autorités arrêteront tous les leaders, tous ceux qui sont capables d’organiser quelque chose, elles les mettront derrière les barreaux", prévoyait, dans le reportage de la BBC, l’un des leaders de ces groupes à problème. Lors de la Coupe des Confédérations, Alexandre Chpryguine, fondateur de l’Association des supporteurs russes, s’était ainsi vu refuser l’accès au stade. "Mais plusieurs dizaines de ses amis ont pu entrer", nuançait toutefois Ronan Evain. Des "amis" qui, pour la plupart, avaient pris part aux échauffourées de Marseille... Et qui, cette fois, ont été fatalement refroidis par les multiples contrôles de la police et de la garde nationale. Même le toujours bouillant derby de Moscou entre le CSKA et le Spartak s’est récemment déroulé dans le calme, le dispositif en place ayant étouffé toute velléité de désordre. Le tout incite à l’optimisme.