Diacre, Renard, Katoto... qui sont les protagonistes du malaise qui secoue l'équipe de France ?

Publié le 27 février 2023 à 17h33

Source : JT 20h WE

Plusieurs cadres de l'équipe de France féminine ont annoncé leur mise en retrait de la sélection.
Fustigeant un système "loin des exigences du haut niveau", elles réclament, à mots à peine cachés, le départ de l'encadrement actuel.
Qui sont les principales figures de cette crise inédite chez les Bleues ?

C'est un véritable séisme. Quelques jours après une énième prestation décevante contre la Norvège (0-0, 21 février), plusieurs joueuses de l'équipe de France féminine ont claqué la porte à la sélection à cinq mois du Mondial en Australie et en Nouvelle-Zélande (20 juillet-20 août). Ces mises en retrait successives, annoncées par le biais de longs messages sur les réseaux sociaux, visent à obtenir des changements au plus haut niveau du football hexagonal, à commencer par le départ de l'encadrement, régulièrement sous le feu des critiques ces dernières années.

Engluée dans une crise de gouvernance, articulée autour des polémiques entourant Noël Le Graët, la FFF doit désormais faire face à ce coup de force, qui rappelle l'épisode de Knysna, survenu au cours de la Coupe du monde masculine, en 2010. À la différence près que, cette fois, les joueuses ont choisi de se faire entendre avant le coup d'envoi de la compétition. Toujours est-il que le temps presse, d'autant plus, qu'à moyen terme, les Jeux olympiques, en France, approchent (26 juillet-11 août 2024). 

Mais avant d'envisager un dénouement potentiel de cette crise, qui pourrait intervenir dès ce mardi 28 février avec la réunion du Comex de la "triple F", il est important d'en situer les différents acteurs, ou plutôt actrices. 

Corinne Diacre

Sélectionneuse des Bleues depuis 2017, Corinne Diacre se retrouve, malgré elle, au centre de ce mouvement. Si elle n'est jamais visée nommément, elle cristallise le mécontentement des cadres tricolores. "Corinne Diacre est là depuis six ans, il y a eu des hauts et des bas. [...] Moi, j'ai l'impression que l'on a avancé dans une situation de non-retour", a lancé Jean-Michel Aulas, président de l'Olympique Lyonnais et membre du Comex de la FFF, ce lundi 27 février dans les colonnes de L'Équipe

Si tu as le malheur de dire quelque chose, tu dégages
Laure Boulleau

Plus que jamais, l'ancienne entraineuse du Clermont Foot (2014-2017) semble sur la sellette, malgré sa récente prolongation de contrat jusqu'en 2024. Son management et sa capacité à gérer les égos au sein du groupe France ne font pas l'unanimité, c'est un secret de polichinelle. Gaëtane Thiney, Eugénie Le Sommer, Amandine Henry ou encore Sarah Bouhaddi, personnalités historiques du maillot bleu, ont toute, chacune à leur tour, fait les frais de l'inflexibilité supposée de la technicienne de 48 ans. Leur mise à l'écart pose également la question des choix de la native de Croix (Nord), aussi imprévisibles que catégoriques, qui ont régulièrement fait couler beaucoup d'encre au cours de son mandat. "Ce que les joueuses reprochent à Corinne Diacre, c’est ce climat très pesant en équipe nationale", a expliqué l'ex-internationale Laure Boulleau, sur Canal + dimanche soir. "En face d’elles, il y a un mur. C’est un peu comme une monarchie, des choses ne se passent pas bien et si tu as le malheur de dire quelque chose, tu dégages", ajoute-t-elle.

Corinne Diacre ne fait plus (du tout) l'unanimité en Bleues
Corinne Diacre ne fait plus (du tout) l'unanimité en Bleues - JUSTIN TALLIS / AFP

Les résultats en demi-teinte que la France a obtenu sous la houlette de la Nordiste (52v, 6n, 6d) sont aussi sources de tensions. Rarement prises à défaut par des nations de second rang, les Bleues peinent face aux cadors mondiaux. Malgré une génération très talentueuse, et largement performante en club, elles n'ont pas atteint la moindre finale dans une grande compétition internationale depuis la prise de fonction de l'ex-joueuse de Soyaux. 

De plus, la composition du staff est dans le viseur des joueuses. Il est actuellement composé de trois personnes : Corinne Diacre, Gilles Fouache, entraîneur adjoint en charge des gardiennes de but, et Anthony Grech-Angelini, entraîneur adjoint en charge de la préparation athlétique. Aucune sélection féminine ne possède un staff aussi réduit.

Wendie Renard

C'est elle qui a allumé la première mèche avec un long message sur les réseaux sociaux. "Je ne peux plus cautionner le système actuel, bien loin des exigences requises par le plus haut niveau", a-t-elle affirmé. "C'est un jour triste mais nécessaire pour préserver ma santé mentale", se désole même la défenseuse française, véritable légende de la sélection et dont la voix porte dans le monde du football féminin. D'habitude si discrète, la capitaine tricolore n'a, cette fois, pas pu encaisser un énième rassemblement difficile. "C'est compliqué de dire réellement les choses, car ce sont des choses de vestiaires, il faut plus d'exigence, le curseur doit monter, il faut plus de travail, c'est un tout", précise-t-elle, au micro de TF1. Ça fait des années qu'on souhaite pour tout le monde que ça s'améliore. Quand tu vois d'autres pays passer devant toi, tu te dis qu'on a loupé quelque chose, ou qu'on est en train de dormir."

C'est bien simple, du haut de ses 32 ans et 142 sélections, la joueuse de l'Olympique Lyonnais possède l'un des plus beaux palmarès de son sport (8 Ligues des champions). Véritable roc dans l'axe de la défense et très à l'aise de la tête, notamment sur les coups de pied arrêtés, elle accumule les records. En avril dernier, elle est par exemple devenue la première femme à disputer 100 matchs de C1. 

Wendie est légitime car c'est une professionnelle, compétitrice, attachée au maillot bleu
Sonia Bompastor

"Je ne pense pas qu'il y ait une personne comme elle dans le football féminin", pose l'internationale norvégienne Maren Mjelde. "Wendie est légitime car c'est une professionnelle, compétitrice, attachée au maillot bleu. C'est une décision très difficile à prendre pour elle. Elle a été très courageuse. Cela faisait un petit moment que c'était dur à porter", abonde son entraîneuse à Lyon Sonia Bompastor.

Marie-Antoinette Katoto

La déflagration s'est rapidement transformée en incendie. Incontournable à la pointe de l'attaque de l'équipe de France, mais actuellement sur le flanc en raison d'une longue blessure au genou, Marie-Antoinette Katoto n'a pas tardé à apporter son soutien à sa coéquipière. "Les paroles de notre capitaine m'amènent à mon tour à parler de ma situation en équipe de France. Les événements de 2019 (année lors de laquelle elle n'avait pas été retenue pour la Coupe du monde à domicile), la blessure de 2022 puis les récents événements me montrent que je ne suis plus en adéquation avec le management de l'équipe de France et les valeurs transmises", indique-t-elle. 

Avec 26 réalisations en 32 sélections, la buteuse de 24 ans s'est récemment affirmée comme la pièce centrale de l'attaque des Bleues. Meilleure buteuse des trois dernières saisons de D1 féminine, elle est devenue l'une des meilleures joueuses du monde à son poste. Puissante, rapide et létale à la finition, elle est parfois comparée... à Kylian Mbappé. "Ça me fait rire… On se connait depuis petits avec Kylian. C’est un très grand joueur. [...] Quant à la comparaison, c’est normal : Kylian fait parler", a-t-elle confié à RMC sport. Comme son homologue masculin, qui a égalé dimanche le record d'Edinson Cavani, "MAK" est d'ailleurs la meilleure réalisatrice de l'histoire du PSG (83 buts). 

Cheffe de file de la nouvelle génération tricolore, également adoubée par les anciennes, Marie-Antoinette Katoto donne, de fait, une nouvelle dimension à la grogne des joueuses de l'équipe de France. 

Kadidiatou Diani

L'insaisissable Kadidiatou Diani se met aussi en retrait des Bleues.
L'insaisissable Kadidiatou Diani se met aussi en retrait des Bleues. - Jose Jordan / AFP

Comme sa compère d'attaque au PSG, Kadidiatou Diani est rapidement sortie du silence. Assurant l'intérim à la pointe de l'attaque tricolore en l'absence de Katoto, l'ailière a mis prématurément (et certainement provisoirement) fin à son aventure en Bleues.  Elle pointe les "récents résultats" décevants et le "management en équipe de France". "Première fan de l'équipe de France, si les changements profonds nécessaires arrivent enfin, je me remettrai au service du maillot tricolore", a-t-elle souligné. 

La native d'Ivry-sur-Seine se distingue par sa force de percussion et son sens du dribble acéré. Avec 82 capes (22 buts), la joueuse de 27 ans fait partie des plus expérimentées du groupe France. Généralement alignée sur un côté, la droitière raffole des débordements le long de la ligne de touche, tout en vitesse, pour repiquer dans l'axe ou trouver une coéquipière en position idéale. 

Et aussi...

D'autres bleues se sont mises en retrait de l'équipe de France, le temps qu'une véritable mue soit engagée, à l'instar de Griedge Mbock, la compère de charnière de Wendie Renard, ou de Perle Morroni. Inexorablement, certaines joueuses déjà loin de la sélection, comme Sarah Bouhaddi, ont renouvelé leurs griefs à l'endroit de Corinne Diacre. "Gagner un titre avec cette sélectionneuse me paraît impossible", avait fustigé la gardienne aux 149 sélections, en 2020. Elle en a remis une couche samedi dernier en rappelant qu'elle s'était "retirée afin de dénoncer une situation psychologiquement intenable. Aujourd'hui, mes coéquipières prennent la même direction pour tenter, encore une, fois de faire bouger les choses"

Depuis le Mondial-2019, on n'a pas su surfer sur la bonne vague
Sonia Bompastor

Inévitablement, cette affaire éclabousse une Fédération française de football déjà affaiblie. Au-delà, du staff actuel, c'est tout le fonctionnement du football français qui est dans la tourmente, à commencer par le manque de moyens et d'infrastructures pour la branche féminine. "Depuis le Mondial-2019 (défaite 1-2 en quarts de finale contre les États-Unis, futures championnes), on n'a pas su surfer sur la bonne vague. Beaucoup de choses auraient dû être résolues avant ce coup de gueule de Wendie", a Sonia Bompastor, qui évoque aussi "des points d'insatisfactions sur le championnat". "Depuis un moment, j'alerte sur la concurrence qui s'organise en Espagne, en Italie ou en Angleterre. À un moment, on ne pourra plus suivre. Il faut une réaction collective, clubs, fédération et ensemble", conclut-elle. 


Maxence GEVIN

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