PROUESSE - Amputé des quatre membres, le nageur français et double vice-champion du monde Théo Curin est parvenu à traverser en onze jours le lac Titicaca, aux côtés de ses deux coéquipiers. C'est la première fois que des athlètes réalisent l'exploit en autonomie.
Il s'était préparé pendant plus d'un an à réaliser cette prouesse. Le nageur français quadri-amputé Théo Curin, âgé de 21 ans, a terminé samedi à 3.800 mètres d'altitude la traversée du lac Titicaca, le plus haut lac navigable du monde niché au cœur des Andes, en arrivant aux îles de los Uros, au Pérou, à 122 km de son point de départ en Bolivie, après onze jours d'efforts.
Amputé des quatre membres quand il avait 6 ans à la suite d'une méningite foudroyante, le jeune athlète a réalisé cet exploit aux côtés de deux autres sportifs français, l'ex-nageuse médaillée d’argent aux JO en 50 mètres nage libre Malia Metella, 39 ans, et Matthieu Witvoet, 27 ans, qui se présente comme un "éco-aventurier". Le trio, qui s'est entraîné dans le lac de Matemale dans les Pyrénées, a dû affronter le froid dans cette étendue d'eau de 8.562 km² d'à peine 10 degrés, en sus du manque d'oxygène dû à l'altitude, note Le Parisien.
Originaire de Lunéville, en Meurthe-et-Moselle, Théo Curin avait terminé quatrième du 200 m nage libre aux Jeux paralympiques de Rio-2016, et il est double vice-champion du monde. Le nageur dit être inspiré depuis ses jeunes années par Philippe Croizon, quadri-amputé auteur d'une traversée historique de la Manche à la nage en 2010.
"Les premiers à avoir traversé le lac Titicaca à la nage en totale autonomie"
Il s'était jeté dans les eaux glacées du lac le 10 novembre sur la plage du village de Copacabana en Bolivie. "C’est beaucoup d'émotions. Il y a beaucoup de monde sur la plage, je ne m’attendais pas forcément à ça", avait-il alors déclaré. Les athlètes ont nagé à tour de rôle en tirant un bateau fabriqué à partir de déchets, dans le but de faire passer un message sur le respect de l'environnement, en mangeant et en dormant à bord. Selon Le Parisien, le radeau pesait 500 kg.
Sur son compte Instagram aux 150.000 abonnés, le nageur a partagé une photo et une vidéo du trio sabrant le champagne à leur arrivée. "De la joie, de la peur, des larmes… Mais surtout, nous sommes les premiers à avoir traversé le lac Titicaca à la nage en totale autonomie", a-t-il écrit, ajoutant : "Je n’en reviens toujours pas… (...) Hâte de vous raconter tout ça". L'épopée du trio fait la une de nombreux journaux boliviens et péruviens et un comité d'accueil les attendait à leur arrivée.
"Si ça se retourne, qu'est-ce qu'on fait ?"
Confronté à une météo difficile, l'équipage a souvent eu peur que son éco-embarcation ne chavire. "On a vécu une nuit terrible en dérivant, on a cru qu'on allait se renverser plusieurs fois", a confié Théo Curin à France Bleu, ajoutant : "forcément, quand on est à trois sur une plate-forme de 8 mètres carrés à peine, on se dit : 'si ça se retourne, qu'est-ce qu'on fait ?' On est à 90 km du bord." "Tous ces moments-là m'ont fait vraiment peur, a-t-il poursuivi. Au huitième jour, j'étais à deux doigts de craquer. J'étais fatigué, épuisé, je n'en pouvais plus." Le jeune athlète se dit "très fier" d'avoir pu finalement relever son défi.
Dans un reportage du 20H de TF1 vendredi 19 novembre dans les coulisses de l'expédition, nos envoyés spéciaux découvraient un athlète éreinté, en larmes, après une nuit d'intempéries. "C'était le pire orage de ma vie", avait-il alors confié, avant de reprendre la nage une fois les nuages dissipés. "On ne lâche rien, mais ce lac est plein de surprises, et on n'est pas au bout de nos surprises justement", avait-il lancé.
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"Ils ont cru mourir"
Selon Le Parisien en effet, si l'équipe a tenu le calendrier qu'elle s'était fixée pour la traversée, ce n'était pas gagné d'avance, à cause des jours de nage écourtés face à la météo capricieuse qui a obligé les athlètes à ancrer leur radeau près des côtés.
"N’ayons pas peur des mots, ils ont cru mourir, a indiqué au journal Anne Bayard, la directrice du projet et agente de Théo Curin. Ça a été terrible. Ils ont eu de la grêle, ils se sont réveillés un jour avec 10 cm de glace sur le radeau. Ils ont eu très peur avec les orages. Ils ont craint de se faire foudroyer." La dixième journée a permis de rattraper le retard pris, puisque le trio a parcouru 25 km en un seul jour.