Le Brésil a utilisé le numéro "24" en Coupe du monde pour la première fois et ce n’est pas anodin

D.D.F. avec AFP
Publié le 3 décembre 2022 à 18h12, mis à jour le 3 décembre 2022 à 19h05

Source : TF1 Info

Face au Cameroun vendredi 2 décembre, la Seleção a étrenné un maillot au flocage aussi inédit qu’important.
Car dans le pays, le 24 est associé à des pensées homophobes depuis la fin du 19e siècle.
Si les Brésiliens assurent qu’il ne s’agit pas d’un geste politique dans un Qatar où l’homosexualité est punie par la loi, les associations LGBTQ+ applaudissent.

C'est pour lui "un maillot comme un autre". "L'essentiel est d'être en Coupe du monde, le numéro n'a pas d'importance", a assuré Gleison Bremer au début du tournoi. Sauf que jamais le 24 n’avait été porté par l’équipe du Brésil lors d’un match comptant pour un Mondial. Le défenseur de la Juventus l’a étrenné lors de la défaite surprise face au Cameroun (0-1) ce vendredi 2 décembre, lors de la dernière rencontre de la phase de poules. 

À l'origine du mal, le "jogo do bicho"

"Nous aurions aimé qu'il s'agisse d'une action militante, comme celles menées par d'autres équipes, mais c'est génial de voir que cela se passe sur cette scène internationale", explique à l'AFP Railson Oliveira, fondateur de FieL LGBT, un collectif de supporters des Corinthians de Sao Paulo. Qui plus est au Qatar où l’homosexualité est punie par la loi et où les symboles LGTBQ+ ont été bannis. Au Brésil, le numéro 24 inquiète les homophobes presque autant que le numéro 13 les superstitieux. Tout remonte à la création à la fin du 19e siècle dans les rues de Rio d’un loto clandestin appelé le "jogo do bicho". Toujours pratiqué, le jeu de la bête requiert de choisir une case représentée par un animal.

NELSON ALMEIDA / AFP

La case numéro 24 est celle du cerf. L’animal est associé à l'homosexualité dans la culture populaire brésilienne, entre autres parce qu'il appartient aux espèces animales dont les mâles peuvent avoir des relations sexuelles entre eux. Le mot désignant cet animal en portugais, veado, a une consonance similaire à viado, insulte désignant un homosexuel, précise l’AFP. Au Brésil, certains hommes refusent de s’asseoir sur le fauteuil 24 au théâtre ou au cinéma, de vivre dans l'appartement 24 d'un immeuble. D’autres utilisent même des bougies 23+1 pour fêter leurs 24 ans. Dans le football aussi, le 24 a longtemps été proscrit. Les rares joueurs du championnat local à l’avoir porté sont généralement des étrangers ou bien le troisième gardien.

De nombre tabou à symbole de résistance

Le Seleção n’y a eu recours que deux fois, à chaque fois en amical. Taison a joué avec lors de la victoire sur le Japon (3-1) en novembre 2017, Roberto Firmino l’a porté lors du succès face au Ghana (3-0) en septembre mais sans entrer en jeu. Lors de la Copa America l’an dernier au Brésil, chaque nation pouvait convoquer jusqu’à 28 joueurs en raison de la pandémie. Toutes avaient donc un numéro 24… mais pas les Brésiliens. Une ONG avait poursuivi en justice la Fédération brésilienne de football. En vain. S’ils ont affiché un numéro 24 au Qatar, c’est avant tout dû un changement de règle de la Fifa qui a porté les sélections de 23 à un maximum de 26 pour la compétition.

Reste que le 24 est train de devenir un symbole de résistance et de revendication pour certains membres de la communauté LGBTQ+ au Brésil. Lors de la Gay Pride à Rio la semaine dernière, il s’est affiché sur un t-shirt géant de la Seleção avec un brassard arc-en-ciel. Le tout en soutien avec la Fédération brésilienne de football. Il apparaît de plus en plus que les t-shirts d’association et peut aussi souvent être aussi convoité que le 10 du roi Pelé, dont la santé inquiète, dans les tournois de quartiers opposant des équipes gays. "Nous sentons souffler un vent de maturité, dans le sens où (il est maintenant plus évident) qu'un numéro n'a rien à voir avec l'orientation sexuelle de quelqu'un", s'enthousiasme le fondateur de FieL LGBT. Il était temps.


D.D.F. avec AFP

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