Le Graët, Thiriez, Moulin : trois candidats, un seul sera président de la FFF

Publié le 11 mars 2021 à 10h11, mis à jour le 11 mars 2021 à 10h38
Le Graët, Thiriez, Moulin : trois candidats, un seul sera président de la FFF
Source : PHILIPPE LOPEZ / AFP

SCRUTIN - Samedi 13 mars, la Fédération française de football se choisit un nouveau président. En poste depuis 2011, Noël Le Graët est candidat à un quatrième mandat à la tête de l'instance. Il fera face à deux autres prétendants : l'ancien président de la LFP Frédéric Thiriez et à l'homme d'affaires Michel Moulin.

Trois candidats pour un siège. Samedi 13 mars, Noël Le Graët remet son poste en jeu. Président de la puissante Fédération française de football depuis 2011, le dirigeant breton a l'intention de briguer un nouveau mandat de quatre ans à la tête de l'instance tricolore. Face à lui, il aura deux autres personnalités du football français, en la personne de Frédéric Thiriez, avocat et ancien président de la Ligue de football professionnel (LFP) et Michel Moulin, entrepreneur et conseiller de clubs.

À 79 ans, l'actuel président de la 3F est donné favori à sa propre succession. Toutefois, c'est encore loin d'être gagné d'avance. Un brin complexe, ce scrutin multiple les singularités. Dont une, qui pourrait faire basculer l'issue du vote : les suffrages des représentants du football amateur (63%) pèseront davantage que ceux des clubs professionnels (37%). De quoi rajouter du piquant à une élection qui n'en manque déjà pas. Avant le jour J, LCI fait l'état des forces et faiblesses en présence dans les trois camps.

Noël Le Graët, le favori

Jamais trois sans quatre. En poste depuis 2011, Noël Le Graët a candidaté, jeudi 21 janvier, à un quatrième mandat. "Après avoir largement consulté les acteurs du football français ces dernières semaines et les membres du Comité Exécutif de la FFF, j'ai décidé de solliciter le renouvellement de votre confiance", a écrit l'ex-président de l'En Avant Guingamp (2002-2011), réélu en 2012 et 2017, dans un courrier aux familles du foot. Dans un "contexte inédit", dans lequel se débat "l'ensemble du monde du football amateur et professionnel", lequel "est frappé durement par les conséquences de la crise sanitaire", l'ex-président de la LFP (anciennement Ligue de foot, de 1991 à 2000) a promis de tenir "un discours vrai, honnête, sans démagogie, pragmatique, mais aussi résolument constructif et optimiste pour l'avenir du football français".

Pour l'accompagner dans cette énième campagne, celui qui a choisi pour slogan "Le club au cœur du jeu" peut se prévaloir de bénéficier d'un réseau solide et diversifié, tant au niveau professionnel que dans les ligues et districts, antennes du football amateur. Parmi ses alliés de poids, le dirigeant, affaibli par une leucémie lymphoïde en 2018, compte des personnalités de renom, à l'instar de l'actuel sélectionneur Didier Deschamps. "Ce n'est un secret pour personne, j'apprécie beaucoup mon président", déclarait au Figaro le champion du monde 1998 et 2018, pour qui sa candidature est "une très bonne chose"

Malgré des visions divergentes au printemps dernier sur l'arrêt des championnats au printemps dernier, Jean-Michel Aulas le supporte aussi dans sa démarche. "Il sait qu'il a mon soutien, un soutien de plusieurs dizaines d'années donc il peut compter sur moi. Il sait ce que je peux apporter ou pas donc je m'en remets totalement à ses besoins", a fait savoir à l'AFP le président de l'Olympique lyonnais.

Favori à sa réélection, Noël Le Graët avance un bilan ô combien honorable. Appelé au chevet de la FFF, un an après le fiasco de Knysna au Mondial 2010, il a redressé l'instance. À la barre des négociations du juteux contrat Nike, avec qui les Bleus ont re-signé pour 50 millions d'euros par an jusqu'en 2026, l'homme d'affaires breton de 79 ans a surtout réussi un coup de maître, en confiant les clés de la maison tricolore à Didier Deschamps. Bien lui en a pris, puisqu'après un quart de finale de Coupe du monde en 2014 puis une finale à l'Euro 2016, l'équipe de France masculine est remontée sur le toit du monde en 2018. Une réussite sportive qu'il a transposée chez les Bleues et les Espoirs, qui disputeront le prochain Euro.

Mais quelques nuages viennent obscurcir le ciel bleu au-dessus de sa tête. Dépeint en président autoritaire par ses opposants, il lui est reproché son traitement du football amateur, qu'il a "délaissé"  selon eux. Sa gestion du cas Karim Benzema lui vaut de nombreuses critiques. Tout comme sa prise de position tardive dans le conflit ouvert entre la sélectionneuse Corinne Diacre et sa capitaine Amandine Henry. Ses propos controversés sur l'homophobie dans les stades ("Je trouve qu'on arrête trop de matchs !"), le racisme dans le foot ("Ça n'existe pas ou peu") et les tensions au sein de l'équipe de France féminine ("Elles peuvent se tirer les cheveux, ça m'est égal") sont encore en travers de quelques gorges.

Frédéric Thiriez, le challenger

C'est un autre visage bien connu des amateurs de football. Absent des instances dirigeantes depuis 2016, et sa démission surprise du poste de président de la LFP, qu'il a occupé pendant 14 ans (2002-2016), Frédéric Thiriez revient requinqué. "Après quatre années où j'ai pris du recul et beaucoup réfléchi, je me porte candidat parce que le football français traverse une crise sans précédent", a-t-il annoncé à L'Équipe le 15 décembre dernier. À 68 ans, "le moustachu le plus célèbre du foot français" se dit prêt à imposer ses idées et à défendre ses convictions face à Noël Le Graët, avec qui il entretient des relations distendues. 

Pour partir à l'assaut de la Fédération, l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation a axé sa candidature sur le foot amateur, sa "priorité absolue" qui est, selon lui, "au bord de l'asphyxie". Il prévoit dans son plan de sauvetage de débloquer 40 millions d'euros à destination des petits clubs. En matière de gouvernance, le dirigeant du club de futsal de Garges Djibson, dans le Val-d'Oise, souhaite se démarquer du président sortant. Il fait campagne pour une décentralisation du football afin de donner plus de pouvoir aux ligues et aux districts, qui sont au plus près des clubs et de leurs préoccupations. Dans sa feuille de route, il ambitionne de faire passer à la FFF le cap des "quatre millions de licenciés" contre 2,2 millions en 2019. 

Son expérience à la tête de la LFP, fructueuse financièrement avec des droits télévisés qui sont passés de 271 millions d'euros en 2002 à 800 millions d'euros pour la période 2016-2020, en fait un candidat sérieux. Pour mener à bien sa vision, il s'appuie sur Basile Boli, champion d'Europe avec l'OM en 1993, et Luis Fernandez, qui l'a soutenu publiquement. Frédéric Thiriez a néanmoins vu sa campagne contrariée des "couacs" dans sa liste de soutiens. Le basketteur Tony Parker et le tennisman Jo-Wilfried Tsonga ont démenti l'avoir rallié, l'obligeant à s'excuser auprès des principaux concernés. Le haut fonctionnaire, qui avait proposé de remplacer l'ENA dans un rapport que lui avait commandé en 2019 le président Macron, traîne quelques autres boulets. On retiendra les accusations de supposée connivence avec le PSG à propos de l'arbitrage, les tensions avec les dirigeants du Sporting Club de Bastia qui lui ont valu d'être traité de "raciste anti-corse", et surtout l'affaire Luzenac, empêché de monter en Ligue 2 en 2014.

Michel Moulin, la surprise

Il se pose comme le candidat de la "rupture utile". Michel Moulin s'est dévoilé, le 8 janvier, dans Le Figaro. À 60 ans, le fondateur du journal de petites annonces ParuVendu et du mensuel Le 10 Sport veut secouer un football amateur "en fin de vie". Joueur amateur, entraîneur, directeur sportif puis dirigeant du Red Star, d'Istres, du Mans et, brièvement, du PSG, l'entrepreneur gardois articule son programme autour de 35 propositions, parmi lesquelles la nomination de 18 ambassadeurs "de renom" amenés à agir sur le terrain dans les différentes régions, le lancement d'un plan d'urgence Covid ou la restructuration de fonctions de direction à la FFF. L'actuel président-délégué de Blois Foot 41 veut porter sa voix au chapitre. 

Une voix passionnée, mais surtout clivante. Il a ainsi mis en cause les choix du sélectionneur concernant Adil Rami ou Karim Benzema. Des choix dictés, selon lui, par des critères non sportifs. "Didier Deschamps est un salarié de la Fédération. Si au-dessus de lui, on lui dit de faire jouer Karim Benzema, il doit le faire jouer", a-t-il notamment lancé avec son style franc et direct. Ce qui a déclenché une passe d'armes avec le champion du monde 1998, Michel Moulin jugeant, dans un entretien à Eurosport, "inadmissible" qu'il "s'exprime publiquement pour un candidat", en l'occurrence le président sortant Noël Le Graët.

Avec son "collectif" hétéroclite, composé d'anciens footballeurs comme Pascal Olmeta et Fabien Barthez, du champion olympique de judo David Douillet, de l'ex-président du Stade français Max Guazzini, du publicitaire Franck Tapiro ou encore de l'ancien patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) Bernard Squarcini, le chef d'entreprise multi-casquettes cherche à imposer son nom. Un nom qu'il entend aussi laver en cassation, après avoir été condamné en appel à six mois de prison avec sursis et 10.000 euros d'amende dans l'affaire dites des matches présumés truqués de Nîmes en 2014.

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Bien sûr, il a été champion du monde de football en 1998. Il a porté 142 fois le maillot de l'équipe de France. Un record. Pourtant, très tôt, il a regardé au-delà du ballon rond et su que son statut lui permettrait d'être une voix forte de la lutte contre les discriminations. Aujourd'hui, c'est son combat quotidien. Lilian Thuram écrit, il s'engage et lorsqu'il prend le temps de se confier, c’est de l’émotion à fleur de peau.


Yohan ROBLIN

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