COHÉSION - L'hymne déclamé à gorges déployées, les explosions de joie, les embrassades endiablées... Avant de retrouver l'Espagne en demie, mardi 6 juillet (à 21h, en direct sur TF1), l'Italie affiche des attitudes et des comportements qui ne trompent pas. La notion de groupe, si chère à Roberto Mancini, a été érigée en pilier.
Les images parlent d'elles-mêmes. Celle des Italiens, solidaires de Leonardo Spinazzola, victime d'une rupture du tendon d'Achille contre la Belgique (1-2), vendredi 2 juillet, vaut tous les mots. Dans le bus puis l'avion du retour de Munich, après avoir validé leur qualification pour les demies, les Azzurri ont repris un chant de soutien, lancé par Federico Bernardeschi dans le rôle du capo, pour leur coéquipier, sorti en larmes sur un brancard la veille. Cet hommage improvisé, filmé et partagé sur le compte Twitter de la Nazionale, a touché "Spina". "Avec ce grand groupe, rien n'est impossible", a-t-il réagi sur Instagram.
"Le groupe vit bien", a-t-on souvent l'habitude d'entendre. L'expression, bien pratique pour évacuer les soupçons de crise interne, est souvent galvaudée. Le football est fait de ces phrases creuses. Avec cette équipe d'Italie, rafraîchissante et emballante, la formule n'est pour le coup pas usurpée. "Elle a une envie incroyable, il y a un grand respect des rôles, de l'énergie, de l'amitié entre les joueurs et de l'envie de s'entraider", analysait, exalté, l'ex-international Alessandro Del Piero sur Sky Italia, après Italie-Belgique.
Les victoires, comme les défaites, sont fréquemment liées à la cohésion du groupe. Sur un terrain, il ne suffit pas d'aligner une somme d'individualités pour gagner. Il faut réussir à créer un équilibre, un collectif, un groupe. Une équipe soudée et unie a plus de chances que des joueurs œuvrant chacun de leur côté. Le sélectionneur italien Roberto Mancini, à l'origine de la renaissance de la Squadra Azzurra, y a toujours cru. Il a su façonner cette alchimie vers le succès, comme y étaient parvenus Fernando Santos avec le Portugal à l'Euro 2016 ou encore Didier Deschamps avec la France à la Coupe du monde en 2018.
Il y a une volonté de revanche des Italiens
Denis Troch, préparateur mental et ex-entraîneur adjoint du PSG
L'émulation collective nourrit le dépassement de soi. "Chaque joueur italien sait pourquoi il est sur le terrain. Ils sont là, avec une envie et une détermination prononcées. Ils font très bonne figure et ce n'est pas le fruit du hasard", analyse pour LCI Denis Troch, ex-entraîneur adjoint du PSG (1991-1994 puis 1998-1999), et coach mental. "La compétition est longue et difficile. Pour aller au bout, il est nécessaire pour que l'équipe se disperse le moins possible, qu'elle dépense le moins d'énergie sur des situations hors normes, comme d'être mené 1-0 et d'être obligé de revenir au score." Ce n'est d'ailleurs arrivé qu'une fois à l'Italie - contre la Bosnie-Herzégovine (1-1), le 4 septembre 2020 - au cours des 23 derniers matchs.
Dans le cas de la Nazionale, invaincue depuis 32 matchs, record absolu de sa longue et glorieuse histoire, "il y a aussi une volonté de revanche sur les derniers championnats internationaux", précise le champion de France 1994, reconverti dans le management et la préparation mentale. "L'Italie a besoin de se reconnecter au plus haut niveau", elle, qui, tombée en barrages contre la Suède (1-0, 0-0), a été condamnée à regarder la dernière Coupe du monde de son canapé, pour la première fois depuis 1958.
Ils ne sont pas obligés de se parler pour se comprendre
Denis Troch, préparateur mental et ex-entraîneur adjoint du PSG
Au-delà de cette intention de bien faire, "il y a une véritable confiance aux autres", complète Denis Troch. "On se rend compte, au fil des matchs, qu'ils ne sont pas obligés de se parler pour se comprendre. Il s'agit simplement de voir les comportements et les attitudes, individuels et collectifs, pour comprendre ce qu'ils se transmettent." Dans cet Euro, il y a des images qui marquent. On se souvient de la version habitée de l'hymne italien lors de Turquie-Italie (0-3) au Stadio Olimpico, avec un staff et des joueurs transcendés, qui s'époumonent sur Fratelli d'Italia. On repense aux embrassades des Italiens, à Wembley, fêtant avec la même joie les buts contre la Belgique et le sauvetage héroïque de Spinazzola revenu à grandes enjambées sur sa ligne devant Lukaku. Ou encore au bonheur incommensurable, presque enfantin de Mancini et de son staff - Vialli et De Rossi en tête - après la qualification pour les demies.
Ces attitudes et ces comportements gomment les quelques lacunes apparentes. Un joueur se donnera à fond pour rattraper l'erreur d'un coéquipier, quand un autre va se montrera décisif lorsque son équipe peine à faire la différence. "Pour gagner, on sait qu'il ne faut pas être prêt tous en même temps. Dans certaines circonstances, un arrêt d'un gardien ou un ballon aérien capté va soulager l'équipe. Pareil avec un joueur qui marque vite pour ne pas avoir à courir après le score. Ces choses-là, les Italiens les ont déjà réalisées. Ce n'est jamais le même joueur qui a eu un impact sur le résultat", note l'ancien adjoint d'Arthur Jorge au PSG, demi-finaliste de la Coupe des Coupes en 1994. "Même un absent (Leonardo Spinazzola, ndlr) va avoir un impact sur l'engagement qu'ils peuvent avoir. Ils vont se donner davantage pour ce joueur."
Ce groupe, dont les liens se sont resserrés au point de devenir une bande de copains, peut raisonnablement envisager aller décrocher son deuxième Euro, le premier depuis 1968, disputé à domicile et avec trois équipes seulement en phase finale. "Les Italiens ont des raisons de croire en leurs possibilités, puisqu'ils connaissent ce genre de situations. Ils ont une référence situationnelle, qu'eux ou leurs prédécesseurs ont vécue", estime Denis Troch. "Ils peuvent travailler sur, ce que j'ai appelé, des objectifs de réalisation, c'est-à-dire créer son futur en allant chercher ce que l'on a déjà fait et réalisé récemment. Leurs derniers matchs sont de belles références pour eux." La victoire contre les individualités belges, la meilleure équipe au classement Fifa, l'a confirmé : rien n'est plus grand et plus fort qu'un groupe soudé.
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