République tchèque-Danemark : Kasper Schmeichel, au nom du père

Publié le 2 juillet 2021 à 21h00, mis à jour le 3 juillet 2021 à 17h56
Kasper Schmeichel rêve de rééditer l'exploit de son père Peter, vainqueur de l'Euro 1992.
Kasper Schmeichel rêve de rééditer l'exploit de son père Peter, vainqueur de l'Euro 1992. - Source : KENZO TRIBOUILLARD / POOL / AFP

HÉRITIER - Ça a tout de la belle histoire. Soudée dans l'adversité, le Danemark est la surprise de cet Euro. Difficile de ne pas faire le parallèle avec la victoire miracle à l'Euro 1992. Dans la cage, il y avait Peter Schmeichel. Trois décennies plus tard, son fils Kasper rêve de remettre le nom Schmeichel sur le toit de l'Europe.

Hériter du nom Zidane, Cruyff ou Weah, lorsqu'on est footballeur, c'est aussi hériter d'une pression. L'étiquette de "fils de", qui colle au maillot, n'est pas un gage de réussite. "C'est difficile de porter un nom, c'est un poids à porter", expliquait Jean Djorkaeff, premier joueur pro et première star du PSG au début des années 70. Son fils Youri, lui aussi footballeur, est sorti de son ombre. Il a remporté la Coupe des Coupes avec le PSG en 1996, avant de soulever la Coupe du monde avec les Bleus deux ans plus tard. À quelques exceptions près, dont celle-ci, très peu de "fils de" se sont faits un prénom sur le nom de leur père. 

Qu'il le veuille ou non, un "fils de" suscite des doutes : est-il aussi bon, voire meilleur, que son père ou n'est-il qu'un "fils à papa", dont le patronyme l'a aidé à percer ? Il aimante, évidemment, les rapprochements. Lui ressemble-t-il, physiquement, dans la gestuelle ou au niveau du caractère ? Pour un "fils de", il n'est jamais simple de se défaire de la comparaison père-fils. Où qu'il aille quoi qu'il fasse, ces interrogations le poursuivent. Kasper Schmeichel, comme tant d'autres avant lui, n'a pu s'y soustraire. 

Pour rajouter à la difficulté, il a choisi d'évoluer au même poste que son père. Peter, lui aussi gardien de but, a été le héros de l'inattendu titre des "Dynamites danoises" à l'Euro 1992. Il est considéré comme une légende vivante au Danemark, tant pour son règne de 129 sélections dans les cages nationales (1987-2001) qu'avec les gants de Manchester United (1991-1999), où il a remporté cinq titres de champion d'Angleterre (1993, 1994, 1996, 1997 et 1999) et une Ligue des champions (1999).

Ce nom de famille ne m'aide certainement pas
Kasper Schmeichel, gardien de l'équipe du Danemark

Avec un patronyme comme le sien, c'était donc loin d'être gagné pour Kasper. À ses débuts, tout n'a pas été facile avec plusieurs prêts successifs dans les divisions inférieures. Il a mis du temps à se stabiliser au haut niveau. "Ce nom de famille ne m'aide certainement pas, c'est sûr, mais pour moi ça n'a pas d'importance du tout", avait-il confié en 2014 dans un entretien accordé à la BBC. "Je pense qu'il m'aurait été plus facile de pratiquer un sport différent." Il aurait pu céder à cette facilité, mais il a persévéré pour réaliser son rêve : devenir gardien comme son père... et finir par se faire un prénom. 

C'est à Leicester que Kasper Schmeichel s'est affirmé au poste qui a rendu son père célèbre. Déterminant dans la montée des Foxes en Premier League en 2014, il s'est révélé comme l'un des meilleurs gardiens, deux ans plus tard, lors de l'improbable sacre de l'équipe coachée par Claudio Ranieri. Lors de cette saison fantastique, entrée dans les livres d'histoire, il a réussi 15 clean sheets (matchs sans prendre de buts), son meilleur total en Premier League. Un total qu'il a approché cette année (13 clean sheets), contribuant à la belle 5e place de Leicester en championnat, présent à 28 reprises sur le podium, et en étant décisif dans la conquête de la première FA Cup du club des Midlands, avec deux arrêts contre Chelsea (1-0).

Cinq an après la Premier League, Kasper Schmeichel a décroché la FA Cup avec Leicester City.
Cinq an après la Premier League, Kasper Schmeichel a décroché la FA Cup avec Leicester City. - KIRSTY WIGGLESWORTH / POOL / AFP

Si vous dites "Schmeichel", tout le monde pense à Kasper
Martin Laursen, ancien international danois

Devenu une idole à Leicester, comme son père l'a été à MU, Kasper s'est aussi attaqué au mythe Schmeichel avec le maillot rød-hvide. Il aurait pu céder aux avances de la Fédération anglaise (FA), venue se renseigner en août 2007. Peter leur avait tout de suite adressé une fin de non-recevoir. "Kasper est Danois, il n'a absolument aucune chance de jouer pour l'Angleterre et la discussion doit cesser maintenant", avait-il déclaré. "Si vous lui demandez, il vous répondra : 'Je suis Danois et je joue pour le Danemark.'" Convoqué à l'Euro 2012 comme troisième gardien, il ne fait ses débuts avec sa sélection dans une compétition majeure qu'à la Coupe du monde 2018. Il commence par un clean sheet face au Pérou (1-0), qui lui vaut d'être désigné "homme du match" et de battre le record danois de minutes sans encaisser de but établi par son père (470 minutes, qu'il porte à 571 minutes). 

Sa solidité contre l'Australie (1-1) et la France (0-0) avait porté les Scandinaves jusqu'aux huitièmes de finale, où Kasper Schmeichel avait posé de sérieux problèmes aux futurs finalistes croates. Il avait réalisé de nombreux arrêts et repoussé deux frappes lors de la séance de tirs au but, ne pouvant toutefois pas empêcher l'élimination du Danemark. Sa performance l'a installé dans le cœur des Danois, faisant presque oublier son père Peter, que la nouvelle génération n'a jamais vu à l'œuvre. "Aujourd'hui, tout le monde parle de Kasper Schmeichel", a déclaré l'ancien international Martin Laursen à talkSPORT 2. "Si vous dites 'Schmeichel', tout le monde pense à Kasper Schmeichel, pas à Peter Schmeichel. Ma génération était évidemment Peter Schmeichel, mais maintenant, quand je dis à mes enfants 'Schmeichel', ils ne pensent pas à Peter. Évidemment, c'est Kasper Schmeichel. C'est la grande star." 

Pourquoi pas nous ?
Kasper Schmeichel, gardien de l'équipe du Danemark

Un attachement qui a grandi depuis le début de l'Euro. Les images de Kasper Schmeichel, accompagné du capitaine Simon Kjaer, réconfortant Sabrina, la compagne de Christian Eriksen après son arrêt cardiaque, ont ému les Danois. "Au niveau sportif, le fils ne peut pas dépasser le père. Dans les cœurs danois, il est clair que Kasper est le plus grand", assure à LCI Stéphanie Surrugue, correspondante pour la télévision publique DR. "La façon dont il a réagi lors du malaise d'Eriksen et dans les jours suivants montre qu'il est un coéquipier et un être humain extraordinaire. Il est vraiment entouré d'amour par les fans, d'une manière que le père ne l'a pas été. Peter est d'ailleurs extrêmement fier de lui, comme nous le sommes tous."

S'il a eu la bonne attitude, en portant secours son coéquipier, Kasper Schmeichel a refusé de se considérer comme un héros. "Nous avons fait ce que nous devions faire, sans réfléchir. Les seuls vrais héros, ce sont les médecins qui ont sauvé Christian", a-t-il expliqué, en toute humilité, après coup. "Nous ne sommes que des joueurs de foot, mais ces médecins consacrent leur vie à sauver des gens." 

Cet événement, comme la leucémie diagnostiquée à la fille de Kim Vilfort lors de la victoire miracle à l'Euro 1992, a soudé les liens au sein de l'équipe, qui rêve de réitérer cet exploit, trois décennies plus tard. Loin d'être favori mais avec un Schmeichel entre les poteaux, le Danemark croit en ses chances. "Vous devez rêver grand... et la question que nous devons nous poser est 'Pourquoi pas nous ?'", a affirmé le grand blond à la télévision danoise TV2. "Quand tu es petit et que tu joues au foot, à quoi tu rêves : de participer ou de gagner ? Évidemment, tu rêves de gagner !" Gagner pour poursuivre l'histoire initiée par Peter. Gagner pour faire du clan Schmeichel le premier duo père/fils de l'histoire à soulever le trophée Henri Delaunay.


Yohan ROBLIN

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