Olympique lyonnais : Jean-Michel Aulas, la fin d'un règne prolifique de 36 ans

Publié le 8 mai 2023 à 14h11, mis à jour le 8 mai 2023 à 16h23

Source : TF1 Info

Trente-six ans après avoir pris la tête de l'Olympique lyonnais, Jean-Michel Aulas n'est plus le président du club.
L'une des plus grandes pages de l'histoire du football français se referme.
De sa prise de pouvoir en deuxième division à la construction de l'OL Vallée, retour sur le parcours d'un homme d'affaires qui n'a laissé personne indifférent.

Un temps que les moins de 40 ans n'avaient jamais connu. Et un séisme pour le football tricolore. Président de l'OL depuis 1987, Jean-Michel Aulas quitte ses fonctions après 36 ans d'exercice, a annoncé son club ce lundi. "Le conseil d'administration a nommé Monsieur John Textor", nouveau propriétaire depuis fin 2022, "en qualité de président du Conseil d'administration [...] à la suite de la cessation des fonctions de Monsieur Jean-Michel Aulas en tant que président-directeur général", selon un communiqué publié dans la matinée.

Un départ précipité - Jean-Michel Aulas avait noué un "contrat de gouvernance" de trois saisons - qui plonge le club du Rhône dans une nouvelle ère. Car le chapitre qui se referme ce lundi est sans doute l'un des plus chargés de l'histoire du foot français.

1989, adieu D2

Nous sommes le 15 juin 1987. Jean-Michel Aulas, homme d'affaires de 38 ans et ancien handballeur de bon niveau, vient à peine de créer son entreprise de logiciels de gestion, la Cegid, lorsqu'il est poussé par Bernard Tapie à prendre les rênes de l'Olympique lyonnais. Le club, au statut associatif, est alors loin d'être celui que l'on connaît aujourd'hui. Entre Rhône et Saône, le quotidien se déroule en deuxième division : l'équivalent de trois millions d'euros de budget, trois salariés hors joueurs, un stade de Gerland municipal de 45.000 places avec des virages éloignés de la pelouse, un terrain d'entraînement engazonné et un autre en stabilisé, des vestiaires en préfabriqués... Tout est à construire.

Mais Jean-Michel Aulas ne manque pas d'ambitions. Ce "modeste président d'un club de province", comme il se décrit, rêve déjà de placer Lyon sur la carte de l'Europe. "Nous ambitionnons à deux ou trois ans d'avoir une équipe qui joue les premiers rôles pour parvenir au niveau européen", indique-t-il alors. La première étape est d'abord de retrouver la première division. Deux ans après son arrivée, en 1989, l'OL de Raymond Domenech domine son groupe (la deuxième division est alors composée de deux poules) et valide officiellement sa montée. "Adieu D2", se réjouissent les supporters de Gerland, après un match nul libérateur contre Alès (0-0).

Deux ans, c'est aussi le temps qu'il faudra au club avant de retrouver les saveurs européennes auxquelles il n'a plus goûté depuis 1975. En 1991, l'OL termine cinquième de D1, et se qualifie pour la coupe UEFA. La promesse de "JMA" est (déjà) tenue.

2002-2008, indétrônable OL

L'OL poursuit sa mue dans les années 1990 et un événement va permettre au club de prendre une nouvelle dimension. En février 1999, le groupe Pathé investit 100 millions de francs (15,24 millions d'euros) et entre dans le capital du club. Un montant bien maigre dans le football actuel, mais qui permet à l'époque de passer un cap. Dès le mercato suivant, l'OL bat tous les records, avec notamment l'arrivée du Brésilien Sonny Anderson, en provenance du FC Barcelone.

Résultat : le club se qualifie chaque année en Ligue des champions, et commence à garnir l'armoire à trophées. En 2001, les Gones remportent leur première (et unique) Coupe de la Ligue face à Monaco, puis triomphent le 4 mai 2002 face à Lens pour glaner le titre de champion de France. Le début d'une domination sans partage. Entre 2002 et 2008, le club de Jean-Michel Aulas remporte sept D1/L1 consécutives, un exploit monumental dont aucun autre club de l'Hexagone ne s'est approché depuis.

Jean-Michel Aulas lors du titre de champion de France de l'OL, en 2008.
Jean-Michel Aulas lors du titre de champion de France de l'OL, en 2008. - PHILIPPE MERLE / AFP

Dans le même temps, "JMA" s'active en coulisses. En 2004, précurseur, il permet au club de se doter d'une section féminine. Et en 2007, l'OL devient le premier club français à entrer en bourse. Avec un objectif à long terme : construire un grand stade pour en devenir propriétaire et ainsi générer plus de revenus.

2016, de Gerland à l'OL Vallée

Le chantier est coûteux. Et provoque une période de vache maigre. La demi-finale de Ligue des champions jouée en 2010 face au Bayern Munich - la première de l'histoire du club - et la victoire en Coupe de France en 2012 - le dernier trophée majeur remporté par l'équipe première - font encore vibrer les supporters. Mais l'OL entame surtout une décennie où ses meilleurs éléments quittent le foyer à leur éclosion - de Karim Benzema à Alexandre Lacazette en passant par Samuel Umtiti - et où le centre de formation devient l'ADN du projet sportif.

Jean-Michel Aulas se console avec sa section féminine, à son tour indétrônable. Depuis 2007, les coéquipières de Wendie Renard n'ont laissé qu'une miette à leurs adversaires en remportant tous les titres de championnes de France, à l'exception de celui de 2021 (au PSG). Avec sept Ligues des champions au compteur, elles s'inscrivent comme la meilleure équipe féminine du monde. Jean-Michel Aulas en est le principal bâtisseur.

Côté finances, les revenus du club passent essentiellement dans le chantier du grand stade. À Décines, à l'est de Lyon, une enceinte de 58.000 places, inaugurée en janvier 2016, sort de terre : le Parc OL, devenu Groupama Stadium, au sein de l'OL Vallée, un complexe à plus de 600 millions d'euros qui réunit hôtel, restaurants, loisirs, bureaux, et bientôt une salle multifonctionnelle de 16.000 places. Propriété d'OL Groupe, l'édifice doit permettre de diversifier les sources de revenus et de doper les investissements du club, indépendamment des résultats sportifs.

Jean-Michel Aulas lors de l'inauguration du Parc OL, en janvier 2016.
Jean-Michel Aulas lors de l'inauguration du Parc OL, en janvier 2016. - JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

2022, le début de la fin

Plus de sept ans après son inauguration, difficile de qualifier le projet de franc succès sportif. L'OL (masculin) n'aura pas connu pareil succès que l'OL (féminin) : aucun titre remporté depuis, malgré deux demi-finales de coupe d'Europe (dont une de Ligue des champions en 2020), et une fin de série après 23 qualifications européennes consécutives (entre 1998 et 2020).

La coupe d'Europe, justement, restera sans doute comme la principale frustration de "JMA", qui en aura longtemps rêvé. Dès 2002, il souhaitait "gagner une coupe d'Europe d'ici à trois ans". Un vœu reformulé 15 ans plus tard : "dans les cinq ans, nous gagnerons une coupe d'Europe", promettait-il en 2017. Six ans après, la machine est déréglée. Son équipe ne se mêle plus à la course à la Ligue des champions, n'a pas disputé de match européen cette saison, et il faudrait un exploit pour entendre une musique européenne la saison prochaine au Groupama Stadium, alors que l'OL ne pointe qu'à la septième place de Ligue 1.

John Textor et Jean-Michel Aulas, en juin 2022.
John Textor et Jean-Michel Aulas, en juin 2022. - OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP

Le Groupama Stadium, son héritage le plus fort, aura toutefois été une pièce maîtresse dans la vente du club. Poussé par plusieurs coactionnaires désireux de vendre leurs parts, Jean-Michel Aulas n'est plus l'actionnaire majoritaire du club depuis le rachat, en décembre 2022, par l'Américain John Textor. Mais l'ancien délégué syndical de l'Unef avait noué un "contrat de gouvernance" avec l'investisseur venu d'outre-Atlantique pour rester à la tête de "son" club trois années supplémentaires.

Le chronomètre aura finalement tourné plus rapidement que prévu. 35 ans, 10 mois et 23 jours après son arrivée, avec plus de 50 titres au compteur, l'emblématique homme d'affaires au ton provocateur, aussi adulé à Lyon que jalousé ailleurs, prêt à répondre directement aux supporters sur Twitter ou à saisir la justice pour protester contre une décision des instances, n'est plus le président de l'Olympique lyonnais. Malgré ses espoirs et son désir de retrouver les étoiles, l'OL plonge dans l'inconnu. Avec une certitude : son passé a un visage, celui de Jean-Michel Aulas. Son nouveau "président d'honneur".


Idèr NABILI

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