"L'Espanyol est sa maison" : Mauricio Pochettino, l'anti-Barça qui a Barcelone dans la peau

Publié le 16 février 2021 à 12h27, mis à jour le 16 février 2021 à 13h29
Mauricio Pochettino, avec Iván de la Peña, lors de la victoire de l'Espanyol au Camp Nou face au Barça (2-1) en 2009.
Mauricio Pochettino, avec Iván de la Peña, lors de la victoire de l'Espanyol au Camp Nou face au Barça (2-1) en 2009. - Source : LLUIS GENE / AFP

FUSIONNEL - Légende vivante de l'Espanyol, "l'autre club" de Barcelone, où il est passé deux fois comme joueur, puis comme entraîneur à succès, Mauricio Pochettino revient sur ses terres. L'Argentin, installé sur le banc du PSG depuis janvier, défie mardi 16 février le Barça, le rival éternel des "Pericos", sa deuxième famille.

Inévitablement, il ne devait y en avoir que pour lui. Des deux côtés des Pyrénées, tous les regards étaient braqués sur un seul homme avant Barça-PSG. Quatre ans après son départ avec fracas à Paris, pour la somme record de 222 millions d'euros, Neymar devait enfin remettre les pieds en Catalogne. Blessé à l'adducteur gauche à Caen (0-1), mercredi 10 février, à six jours du huitième de finale aller de Ligue des champions, le Brésilien ne refoulera finalement pas la pelouse du Camp Nou, ce mardi 16 février (à 21h, en live commenté sur LCI.fr), à l'occasion du huitième de finale aller de la Ligue des champions. 

Malgré cet imprévu, il y aura bien des retrouvailles en marge de ce classique européen. Des retrouvailles, moins attendues certes, mais toutes aussi passionnelles, entre Mauricio Pochettino et Barcelone. Le taire serait oublié l'histoire affective qui lie le nouvel entraîneur parisien à la cité de l'architecte Gaudi. Appelé début janvier à prendre la relève de Thomas Tuchel, remercié à six mois de la fin de son bail avec le club parisien, l'Argentin va, en effet, revenir dans la ville qui l'a vu éclore en Europe. 

C'est à l'Espanyol, "l'autre club" barcelonais, que le natif de Murphy a découvert le Vieux-Continent. Repéré à l'âge de 13 ans par Jorge Griffa, directeur de l'académie des Newell's Old Boys de Rosario, et son bras droit Marcelo Bielsa, Pochettino fait ses débuts, à 17 ans, dans le championnat argentin. En 1994, le même Griffa, qui a couvé Gabriel Batistuta, Carlos Tévez ou encore Gabi Heinze, lui fait traverser l'Atlantique pour rejoindre les Pericos (les Perruches, le surnom des supporters de l'Espanyol, ndlr). 

"La première fois que j'ai vu Mauricio, c'est cet été-là. J'ai séché des cours pour aller à sa présentation", raconte à LCI Francesc Via, journaliste à La Grada, journal en ligne spécialisé sur le RCD Espanyol. "Il était fort, maigre et robuste. Il se peignait les cheveux avec un mulet typique des Argentins de l'époque, et coupait les manches de son maillot pour s'entraîner, laissant ses bras exposés. Il avait une image peu sophistiquée qu'il a modelée peu après, surtout à son retour de Paris. Griffa, élégant, a déclaré à un groupe de fans parmi lesquels je m'étais faufilé : 'Ils ne se trompent pas, il écrira l'histoire ici'. Et il l'a fait !"

Il est un symbole maximum de l'Espanyol
Francesc Via, journaliste La Grada

Lors de son premier passage à l'Espanyol, entre 1994 et 2001, Mauricio Pochettino s'affirme. Leader positif et défenseur intelligent, il participe à la victoire face au Barça (2-0), voisin et rival numéro 1 des Periquitos, à l'Estadio de Sarriá le 9 février 1997. La première depuis dix ans contre les Blaugrana. Étouffé financièrement, le club barcelonais se voit contraint de le céder au PSG à l'hiver 2001. Après deux saisons et demi à Paris et une courte expérience à Bordeaux, "Poche" revient finir sa carrière à Barcelone (2004-2006), à la demande de Luis Fernandez, qu'il l'avait ramené dans la capitale française.

"Pochettino est un symbole maximum de l'Espanyol", nous raconte Francesc Via, devenu, au fil du temps, proche de l'Argentin. "Il est le joueur étranger qui a porté notre maillot le plus souvent (304 matchs) et l'un des rares à avoir qualifié le club trois fois pour l'Europe. Le seul avec Raúl Tamudo qui a remporté deux Coupes d'Espagne en 2000 et 2006. Il était l'architecte du salut du club en tant que joueur, à son retour en 2004." C'est aussi là-bas qu'il réussit la transition joueur-entraîneur en 2009. Appelé à la rescousse fin janvier, alors que le club est promis à la descente, "il accomplit un miracle" en assurant le maintien. 

Le jour où "Poche" a battu le grand Barça

Un mois après sa prise de fonctions, il décroche sa première victoire sur un banc, le 21 février, en allant gagner au Camp Nou (1-2). Le premier derby remporté par les Pericos depuis 27 ans dans l'antre du Barça, entraîné à l'époque par Pep Guardiola. Tout un symbole. "La victoire de 2009 a été spectaculaire et irremplaçable", estime le journaliste catalan, bible de l'histoire de l'Espanyol. 

"En premier lieu, elle a été obtenue contre le meilleur Barça de tous les temps. C'est aussi la première et la seule fois, dans l'histoire de la Liga, qu'une lanterne rouge a battu un leader chez lui. Il l'a aussi décrochée grâce à un doublé d'un ami proche et une idole culé, Iván de la Peña. C'est pourquoi ce match est connu sous le nom de 'DeLaPeñazo'. C'était émotionnel, symbolique et nécessaire." Dernier de Liga, à huit points du premier non relégable, à dix journées de la fin, l'équipe de Pochettino déjoue tous les pronostics. Les Perruches se sauvent finalement miraculeusement en récoltant 25 points sur 30 possibles.

Les fans qui le considèrent comme l'un des leurs
Francesc Via, journaliste La Grada

Coach à la plus grande longévité à l'Espanyol, Mauricio Pochettino "a été à tous les moments cruciaux de l'histoire contemporaine du club", précise Francesc Via, qui par hasard était avec "Poche" lors du décès de Dani Jarque, un joueur retrouvé mort à 26 ans d'une insuffisance cardiaque dans sa chambre durant un stage de pré-saison. Un épisode tragique qui a resserré les liens entre le club et son entraîneur. "L'histoire récente de l'Espanyol ne peut être expliquée sans Mauricio Pochettino ni, bien sûr, son histoire personnelle sans le club bleu et blanc. Bien qu'il voyage dans le monde entier, l'Espanyol est sa maison." La porte numéro 6 du stade Cornellà-El Prat, le numéro qu'il portait à l'Espanyol, lui est dédiée. 

Finalement écarté du poste le 26 novembre 2012, l'Argentin n'a jamais senti faiblir l'amour des supporters. "Pour moi, il a la même importance pour l'Espanyol que (Pep) Guardiola ou (Johan) Cruyff au Barça", déclare en 2019 Joan Collet, le président qui l'a pourtant débarqué. "Il a un charisme incroyable parmi les fans qui le considèrent comme l'un des leurs et un sauveur", nous confirme le journaliste de La Grada. "C'est pourquoi les gens rêvaient de lui venir sauver le club l'année dernière quand il a quitté Tottenham, mais c'était impossible. Mauricio a trop grandi pour l'Espanyol. Un jour, il reviendra, j'en suis convaincu, mais son heure n'est pas encore venue, pas avant d'avoir remporté une Ligue des champions."

Un Perico pur et dur pour la vie

Huit ans après avoir quitté Barcelone, c'est en tant qu'entraîneur du PSG qu'il va donc y revenir. Le temps d'une soirée. Ironie du sort, il affrontera le Barça, dont il a refusé le banc par deux fois. "Je serai toujours 'espanyolista' et entraîner le Barça serait une forme de trahison personnelle, car il a toujours été mon rival", avait-il expliqué en octobre 2018, lorsqu'il était aux affaires à Tottenham. En janvier de la même année, le finaliste de la Ligue des champions 2018-2019 avec les Spurs avait déclaré qu'il préférait "travailler dans (sa) ferme en Argentine qu'aller entraîner certains clubs", sous-entendu le FC Barcelone.

"Ayant grandi à l'Espanyol, Pochettino sait ce que ressent un Perico pour le Barça. Toutes les humiliations et injustices que l'Espanyol subit dans sa propre ville, avec toutes les puissances économiques, publiques et médiatiques aidant Barcelone, il les a vécues. Il a déjà expliqué que sa réponse sur le Barça n'était pas très subtile, même si ça a rendu les supporters fous de joie. Le voir partir là-bas aurait été un coup dur émotionnel pour les Pericos", témoigne Francesc Via. "Je suis content qu'il n'est pas accepté l'offre, la plupart des culés (les supporters du Barça, ndlr) aussi. Cela n'aurait pas été facile pour eux non plus."

Mauricio Pochettino sur le banc de l'Espanyol Barcelone.
Mauricio Pochettino sur le banc de l'Espanyol Barcelone. - JOSE JORDAN / AFP

Partout où il se trouve, les supporters sont derrière lui
Francesc Via, journaliste La Grada

Catalogué comme un "anti-Barça", le coach du PSG "ne le déteste pas" pour autant. "Il respecte le club en tant qu'institution. Il a des amis là-bas, comme Ramón Planes (l'actuel directeur sportif, qu'il a connu à l'Espanyol et dont il est très proche, ndlr), qui a sûrement beaucoup poussé pour qu'il accepte le banc des culés", ajoute-t-il. "Mais Pochettino est un gars très compétitif et il voudra toujours gagner, à cause de ce que le Barça représente dans le contexte du football mondial et aussi, sur le plan personnel, pour la joie qui le donnerait à son peuple", les Perruches de l'Espanyol, chez qui il a laissé une trace indélébile.

Des supporters qui n'ont d'yeux que pour lui, avec qui il entretient aujourd'hui encore un rapport unique. "Partout où il se trouve, ils sont derrière lui", nous assure le journaliste. Fier de la réussite de l'un des siens, l'Espanyol Barcelone avait même décidé d'offrir à ses fans le flocage "Pochettino" pour célébrer la qualification de son ancien entraîneur pour la finale de la Ligue des champions. "Ils l'ont soutenu lors son passage dans le football anglais et le font désormais en France. Les supporters de l'Espanyol auraient déjà soutenu le PSG, même s'il n'était pas là, par pure animosité avec le Barça, à qui ils souhaitent toujours le pire. Mais maintenant, avec Mauricio là-bas, les Pericos endossent fièrement la devise : 'Ici c'est Paris !'".

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Yohan ROBLIN

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