L'UEFA pourrait punir les douze clubs fondateurs de la Super Ligue, mais comment ?

Publié le 23 avril 2021 à 14h27, mis à jour le 3 mai 2021 à 15h21
Le président de l'UEFA Aleksander Ceferin, le 20 avril 2021.

Le président de l'UEFA Aleksander Ceferin, le 20 avril 2021.

Source : RICHARD JUILLIART / UEFA / AFP

PUNITION - Après s'être écroulée, suite aux désistements de la grande majorité des douze clubs fondateurs, la Super Ligue va connaître son épilogue. L'UEFA réfléchit à de possibles sanctions. Me Tatiana Vassine, avocate en droit du sport, apporte à LCI son éclairage sur les "conséquences" promises par l'instance européenne.

"Chacun devra subir les conséquences de ses actes." Après le fiasco de l'éphémère Super Ligue, les frondeurs vont devoir rendre des comptes. L'UEFA s'est réunie, vendredi 23 avril, pour étudier le cas des douze clubs dissidents ayant monté leur projet de compétition privée, avant d'abandonner face à l'ampleur du tollé. Elle a examiné en comité exécutif ses "options" pour solder ce dossier, sans annoncer pour l'heure de sanctions. Mercredi 21 avril, dans un long entretien à Pop TV, une chaîne slovène, Aleksander Ceferin avait assuré que l'instance européenne allait "devoir régler ce qu'il vient de se passer". "Je ne peux pas entrer dans les détails, nous discutons avec notre département juridique", avait évacué le président. 

De quelle nature pourraient être les "conséquences" à l'encontre des clubs ? Sportives, économiques ou disciplinaires ? Parmi les multiples représailles envisagées par l'UEFA, Jesper Møller, président de la Fédération danoise et membre du comité exécutif, avait réclamé, lundi 19 avril, l'exclusion du Real Madrid, Chelsea et Manchester City des demi-finales de la Ligue des champions, prévues les 27-28 avril et 4-5 mai. "Il y a relativement peu de chances que les matches n'aient pas lieu", avait toutefois admis Ceferin, à la télévision slovène. Si sanction il devait y avoir, ce qui paraît peu probable d'après La Gazzetta dello Sport, il s'agirait de punir le Real et la Juve, les leaders du putsch. Un an d'interdiction de C1 a ainsi été suggéré.

Les instances ont peut-être plus intérêt à se contenter de leur victoire par "forfait"'

Tatiana Vassine, avocate spécialisée en droit du sport

"Les clubs à l'initiative du projet sont clairement plus exposés à la menace de l'exclusion des compétitions", explique à LCI Me Tatiana Vassine, avocate spécialisée en droit du sport. "Si l'UEFA entend entrer dans une démarche de sanction, elle devra identifier la faute dont ils se seraient rendus coupables et là, il n'y a rien d'évident. Les statuts de la Fifa interdisent, par exemple, la participation des clubs à des compétitions non reconnues. Pour autant, s'exprimer en faveur d'une compétition de ce type ne tombe pas sous le coup de cette interdiction. Il conviendrait donc de trouver une base légale claire dans les textes, comme l'atteinte aux valeurs du football, à son éthique ou la déloyauté desdits clubs pour la justifier."

"Celle-ci se heurterait, cependant, au fait que cette prise de position n'a été suivie d'aucune action, relève de la liberté d'expression et que, sur le fond, rien ne permet aujourd'hui d'affirmer que la création d'une Super Ligue serait illégale (les précédents européens étant au contraire favorables à la libre concurrence)", rappelle-t-elle. "Les instances ont peut-être plus intérêt à se contenter de leur victoire par 'forfait' plutôt que de se lancer dans des 'chasses à l'homme' dont l'issue pourrait, à terme, leur être défavorable." Ressortie renforcée de cet épisode, qui a mis l'Europe en émoi, l'UEFA prévoirait un jugement "éthique" à l'encontre des douze, rapporte La Gazzetta dello Sport, et surtout de baliser ses compétitions.

Les dirigeants putschistes seuls sanctionnés ?

Les clubs mutins, "qui doivent vivre avec leur honte" d'après Karl-Erik Nilsson, un des vice-présidents de l'UEFA, s'en sortiraient plutôt bien après leur coup d'État avorté. Après le désistement des six clubs de Premier League, Aleksander Ceferin a tendu la main aux dissidents, en guise de réconciliation, selon l'expression consacrée "faute avouée, à moitié pardonnée". "Nous prendrons en considération le fait qu'ils ont reconnu leur erreur, qu'ils ont compris qu'ils avaient tort. Nous faisons tous des erreurs", a assuré le président de l'instance européenne. À l'inverse, leurs dirigeants pourraient se retrouver sur le banc des accusés. Seraient visés le président de la Juventus Turin Andrea Agnelli, patron démissionnaire de l'Association des clubs européens (ECA), qualifié de "traître" en Serie A pour avoir joué un double jeu, le boss du Real Madrid Florentino Perez et le vice-président de Manchester United Ed Woodward, qui avait accès à des informations confidentielles de part de sa position auprès de l'UEFA.

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"Les sanctions sont multiples. Elles peuvent aller de la mise en garde, du blâme, à l'amende ou encore l'interdiction d'exercer tout activité liée au football", détaille l'avocate associée au sein du cabinet RMS Avocats. Serait-ce, pour autant, tenable en droit ? "Les sanctionner est délicat sur le plan juridique. Pour bien comprendre, il convient de distinguer la personne physique, le président du club, de la personne morale, le club, dont le représentant légal est le président. Les présidents qui se sont exprimés en faveur de la Super Ligue ont agi non pas en leur nom personnel, mais en tant que représentants légaux de leurs clubs. Les sanctionner à titre personnel signifierait qu'ils aient commis une faute personnelle engageant leur responsabilité, qu'ils soient en quelque sorte sortis de leurs fonctions de représentants de clubs."

"Or, la création d'une compétition comme la Super Ligue, qu'on y soit favorable ou non, reste une initiative des clubs", précise Me Vassine. "Cela ne signifie pas pour autant que cette décision échappe à tout contrôle, mais c'est avant tout un contrôle interne au club qui doit s'opérer avec une éventuelle responsabilité politique à mettre en jeu (et qui peut impliquer un renouvellement des instances dirigeantes)."

Projet de Super Ligue : des montants colossaux en jeuSource : JT 20h Semaine

Plusieurs présidents de clubs pourraient se désister de leurs mandats pour rétablir la "paix sportive"

Tatiana Vassine, avocate spécialisée en droit du sport

Sans attendre l'UEFA, la Premier League a déjà commencé à faire le ménage. Selon Sky News, Richard Masters, le directeur général de la Ligue, a demandé aux dirigeants associés à la Super Ligue de se retirer, de leur propre chef, des principaux groupes de travail dans lesquels ils siègent, sous peine d'être renvoyés. "Ceux qui se sont prononcés en faveur de la Super Ligue vont être exposés à de multiples pressions", nous confirme l'avocate en droit du sport. "Nous avons déjà vu une désolidarisation de plusieurs acteurs clés du monde du football au nombre desquels se trouvent les fans, les joueurs, les sponsors, mais aussi les Fédérations. Celles-ci voient dans leur projet de Super Ligue une volonté de scission, voire de concurrence qui serait nécessairement fautive puisque menaçant le monopole de fait des instances du football."

De là à imaginer une désertion volontaire des douze dissidents de tous les postes à responsabilité ? "Plusieurs présidents de clubs pourraient se désister de leurs mandats pour rétablir la 'paix sportive', mais cette décision n'a rien d'obligatoire. S'ils peuvent céder à cette pression politique (sur fond de menace de sanctions), d'autres pourraient tout aussi bien lui tenir tête", estime Me Tatiana Vassine. "Et renvoyer la balle dans le camp des Fédérations sportives, qui n'auront plus qu'à décider de l'opportunité de les poursuivre disciplinairement..." L'histoire est encore loin d'être terminée. 

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Yohan ROBLIN

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