Interview

"Je l'ai vécu comme une grande claque" : Marinette Pichon raconte son biopic

Publié le 6 juin 2023 à 17h19, mis à jour le 12 juin 2023 à 9h57
JT Perso
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Source : Sujet TF1 Info

On dit que Marinette Pichon est la première star du football féminin dans l'Hexagone.
Il était donc logique que le premier biopic non fictif sur une sportive français lui soit consacrée, ce à quoi s'est attelée la réalisatrice Virginie Verrier.
"Marinette", qui sort en salles mercredi 7 juin, retrace chronologiquement le parcours de la légende des Bleues, que la vie n'a pas épargnée.

Qui d'autre qu'elle ? Avec 81 buts en 112 sélections avec l'équipe de France, record - femmes et hommes confondus - qu'elle a détenue jusqu'en 2020, Marinette Pichon a ouvert la voie aux filles dans l'univers masculin du ballon rond. Première joueuse professionnelle de l'Hexagone et première footballeuse à faire carrière aux États-Unis, la légendaire attaquante des Bleues a pourtant vécu le pire. Partie de nulle part, avec une enfance marquée par un père violent et alcoolique, elle a réussi à se faire un nom. Son abnégation et sa détermination sans faille lui ont permis d'atteindre les sommets de son sport. 

Une vie faite de combats et de coups bas, relatée en 2018 dans son autobiographie sans filtre, Ne jamais rien lâcher, co-écrite avec le journaliste Fabien Lévêque et parue aux éditions First. Cinq après, l'histoire qu'elle a écrite est adaptée au cinéma. Le 7 juin, la réalisatrice Virginie Verrier (À deux heures de Paris, 2018) lui consacre le premier biopic non fictif sur une sportive réalisé en France. Ce rise and fall, en partenariat avec le Crédit agricole, retrace un parcours de vie incroyable, depuis son petit club local, à l'âge de 5 ans, à une époque où peu de petites filles jouaient au football, à la gloire sous le maillot frappé du coq. Avant sa sortie en salles, TF1info a pu s'entretenir longuement avec Marinette Pichon, incarnée à l'écran par Garance Marillier

Je voulais qu'on respecte mon histoire

Marinette Pichon, ex-joueuse de l'équipe de France

Marinette est un biopic adapté de votre autobiographie Ne jamais rien lâcher, parue en 2018, où vous racontez votre parcours de vie exceptionnel. Pourquoi avez-vous accepté de porter votre histoire sur grand écran ? 

Marinette Pichon : Il y a eu une belle rencontre avec Virginie (Verrier, la réalisatrice-productrice, ndlr). Elle m'a approchée et m'a dit : "J'ai envie de retranscrire ta vie sur grand écran, ton histoire mérite d'être partagée." J'étais honorée, mais je n'ai pas dit "oui" tout de suite. Il fallait que j'en discute avant avec ma mère, ma sœur et ma femme, ça les concernait, elles aussi. Quelque temps après, je lui ai finalement donné mon accord de principe. Ça a marqué le début d'une très belle aventure humaine, qui nous amène là où nous sommes aujourd'hui. Ce film sur ma vie, c'est une fierté. 

Virginie Verrier a réalisé un long travail d'enquête...

Oui, Virginie a fait un super job. On s'est vues beaucoup de fois, vraiment beaucoup. C'était bon enfant, sans pression. Elle a rencontré ma sœur et ma mère, discuté avec ma femme (Ingrid Moatti, basketteuse handisport, ndlr). C'était important qu'elle fasse cette démarche, sinon elle n'aurait pas eu tous les éléments pour collecter au plus proche de ce qu'il s'est vraiment passé. Dans ma vie, il y a eu des combats, des instants très très sombres, mais aussi des moments fabuleux. Je ne voulais pas qu'on tombe dans le voyeurisme. Grâce à ça, je pense que mon histoire trouvera un écho chez beaucoup de personnes.

Lorsqu'un ouvrage est adapté, en particulier une autobiographie, le cinéma a toujours une tendance à romancer l'histoire originelle. Est-ce que ça vous a rassuré de lire un scénario qui collait à votre histoire ?

Ça m'a rassurée effectivement. Je voulais qu'on respecte mon histoire, qu'on ne trahisse pas mes valeurs. On sait les difficultés que l'on peut rencontrer lorsqu'on confie sa vie à quelqu'un, de ne plus avoir de maîtrise sur ce qui est dit ou fait. Virginie a été fidèle à ce que je suis, je ne la remercierai jamais assez. Elle m'a associée au film de A à Z, elle m'a notamment conviée sur le tournage pendant une semaine au mois de mars de l'année dernière. C'est exceptionnel de pouvoir assister au tournage de sa vie. Elle m'a partagée ses choix, non pas pour approbation, mais pour que je sois au courant de l'avancée du projet. On a collaboré main dans la main. Virginie est une fille qui colle à mes valeurs, c'est pour ça qu'on s'entend bien.

Et votre entourage, a-t-il eu des doutes en amont de ce projet ? 

À vrai dire, on avait toutes des appréhensions. On se demandait comment cela allait être perçu, si des personnes allaient être malveillantes vis-à-vis de nous. Au final, c'est la chose dont on a eu le plus peur, que l'on puisse se permettre de nous juger. Et puis, on s'est dit qu'on s'en foutait, que notre histoire mériterait d'être racontée. Ma mère n'a pas encore vu le film, mais ma sœur a assisté à une avant-première à Châlons. Ce qui est marrant, c'est qu'après la séance, elle a parlé avec le public et elle leur a dit : "Je ne sais pas vous, mais la vérité, ça me colle comme un string à la peau." J'ai aimé cette anecdote parce que c'est tout à fait l'humour de ma sœur. (rires) J'ai trouvé ça fort, j'étais contente que ça lui plaise. Ce long-métrage, c'est aussi sa vie. 

Je me suis dit : "Mais merde, c'est moi à l'écran !"

Marinette Pichon, ex-joueuse de l'équipe de France

Révélée dans Grave (2016) et Titane (2021) de Julia Ducournau, dont elle est l'actrice fétiche, Garance Marillier vous incarne. Ce choix rajoute du réalisme puisqu'elle joue elle-même au football. Cela vous a-t-il aidé à vous rapprocher ?

On ne s'était jamais rencontrées. On avait échangé par messages, mais sans jamais s'être vues. Je n'en menais pas large, vous savez ce n'est quand même pas rien de voir sa vie être retranscrite à l'écran. Garance, elle, était angoissée parce qu'elle avait peur de ne pas être à la hauteur. Mine de rien, ce biopic a une particularité, et pas des moindres : très souvent, on fait des films sur des personnes mortes, moi je suis bien vivante. Mais Garance a relevé le défi, elle a été formidable. Elle interprète mon rôle de manière époustouflante, avec une justesse dingue. Je comprends mieux pourquoi elle est la muse de Julia Ducournau. 

À l'écran, ce qui saute aux yeux, c'est la ressemblance confondante entre vous deux...

C'est fou, je me suis fait la même remarque. Je me suis dit : "Mais merde, c'est moi à l'écran !" C'est pareil quand je vois Émilie (Dequenne) jouer ma mère. Le cœur qu'elles mettent, toutes les deux, donne plus de profondeur à cette histoire.

Les scènes de match sont tout aussi réalistes. Tout est travaillé, chorégraphié, avec soin. Il y a un souci du détail pour plonger le spectateur au cœur de l'action. Vous qui y étiez pour de vrai à l'époque, avez-vous été transportée ?

Clairement, oui. Le traitement de la partie sportive était un point très important, autant pour Virginie que pour moi. On ne voulait pas faire du copier-coller, mais il fallait que ça soit le plus réaliste possible, que ça ne détonne pas avec le reste. La façon dont Virginie a fait ses prises de vues et les moyens qu'elle a injectés pour filmer ces scènes, en termes d'outils et de matériels, ont fait que je n'ai eu aucun souci à me projeter et à me reconnaître dedans. Ç'a été une très belle surprise.

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Ce long-métrage retrace trois décennies de votre existence, de 1980 à 2006, sous forme de séquences courtes. Ça parle bien sûr de football, mais il aborde aussi des sujets sociétaux, comme les violences intrafamiliales et l'homosexualité. Cela a dû faire ressurgir tout un tas de souvenirs en vous. Qu'avez-vous ressenti au premier visionnage ?

Je l'ai vécu comme une grande claque. Émotionnellement, ça a été un ascenseur. Pourtant, j'arrive en terrain conquis, je connais ma vie, je sais par quoi je me suis passée. De me voir à l'image et d'assister à ce condensé de ma vie pendant 1h36, je me suis dit : "Putain, j'ai fait tout ça ! Je suis passé à travers tout ça, on a affronté tout ça et on est toujours en vie." Car, outre les mauvais souvenirs, ça rappelle aussi la résilience qu'on a mise pour franchir tous ces obstacles. J'en dégage une vraie fierté. J'ai eu longtemps du mal à être fière de moi, de mes performances et de mes combats. J'ai tout ressassé au fond de moi, j'ai beaucoup pleuré, c'était compliqué, mais désormais je suis apaisée et fière de ce que j'ai réussi dans ma vie.

>> Marinette de Virginie Verrier. Avec Garance Marillier, Emilie Dequenne, Alban Lenoir. 1h36. En salles mercredi 7 juin. 


Yohan ROBLIN

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