La FFF refuse les pauses pendant le ramadan : l'ex-arbitre Saïd Ennjimi plaide pour le "pragmatisme"

par Pierre Antoine VALADE
Publié le 31 mars 2023 à 19h15
JT Perso

Source : Sujet TF1 Info

Depuis jeudi, plusieurs arbitres ont publié un mail envoyé par la Fédération française de football.
La FFF y indique qu'il est interdit d'interrompre le jeu pour permettre aux joueurs musulmans de rompre leur jeûne, en pleine période de ramadan.
Interrogé par TF1info, Saïd Ennjimi, ancien arbitre professionnel, partage la position de la 3F, mais aurait souhaité davantage de pragmatisme.

Jeudi 30 mars, la Fédération française de football (FFF) a adressé un mail à ses arbitres via la Commission fédérale dirigée par Eric Borghini afin de rappeler sa politique concernant les matchs en période de ramadan. La 3F a expliqué qu'elle ne permettait pas d'interruption de match pour permettre aux joueurs de confession musulmane de rompre leur jeûne. 

Sollicité par TF1info, Saïd Ennjimi, actuel président la Ligue de Football Nouvelle-Aquitaine et ancien arbitre professionnel ayant officié à l'échelon national et international, rejoint la ligne défendue par la Fédération, mais aurait aimé que le communiqué fasse preuve de pragmatisme.

La séparation entre la religion et le sport est une évidence absolue

Saïd Ennjimi, ancien arbitre professionnel

En tant qu'ancien arbitre professionnel, que pensez-vous de la décision de la FFF ? 

D'abord, sur le principe, je pense qu'on est tous d'accord d'écarter le sport de toutes caractéristiques religieuses. J'aurais préféré, bien sûr, qu'on rappelle les règles évidentes en matières de neutralité du sport par rapport aux religions, mais que, dans le même temps, autour de la rupture du jeûne, au moment où ça s'interrompt, on fasse preuve de pragmatisme. Peut-être pas organiser, mais en tout cas permettre une petite rupture. Je ne suis pas d'avis d'arrêter le jeu pendant 10 minutes, mais il ne faut pas se leurrer : les joueurs vont le faire. Sur le terrain, vous verrez que les arbitres vont soit le subir pour certains parce qu'ils vont vouloir suivre les consignes à la lettre, soit essayer d'organiser ça le plus intelligemment possible. Ce qui aurait été mon cas. Vous imaginez si les joueurs restent sur le bord de la touche ? Dans ce cas, je ne vois pas l'arbitre intervenir de manière un peu rude pour les obliger à repartir. 

Certains arbitres affirment avoir déjà accordé de courtes pauses pendant des matchs, afin de permettre aux joueurs musulmans de rompre leur jeûne. Êtes-vous favorables à ces initiatives ? 

Elles sont pragmatiques. Si vous avez, à l'heure de la rupture, 4-5 joueurs qui, dès que le ballon sort, s'arrêtent sur le banc de touche, vous allez faire quoi ? Le plus simple est de l'anticiper, de l'accompagner, même si ça doit être un temps extrêmement court. Et dans ce cas de figure, il vaut mieux faire preuve de pragmatisme. S'accorder avec les deux équipes pour que les choses se passent bien et qu'elles ne soient pas mal vécues, ce qui serait de nature, notamment dans le monde amateur, à créer une tension supplémentaire. Pour autant, évidemment qu'on va suivre les recommandations de la Fédération, que je partage en totalité, la séparation entre la religion et le sport est une évidence absolue.

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Cette politique de la FFF contraste fortement avec celle mise en place sur les gazons de nos voisins britanniques. Pensez-vous que la France est en retard sur ces questions ?

Non, je ne le pense pas. Je pense qu'on fait parfois preuve de trop de dogmatisme et qu'on est très à cheval sur les règlements, alors que selon moi, encore une fois, c'est une question de pragmatisme. Je ne pense pas que les joueurs souhaitent une coupure d'un quart d'heure. On n'en est pas là, on dit juste que les joueurs apprécieraient qu'il y ait une forme de considération, de bienveillance, d'écoute. De leur expliquer que ce n'est pas possible d'interrompre le match, mais dès lors qu'on s'approche de l'heure de la rupture du jeûne, on ferait preuve d'un brin de souplesse et on accorderait 15 ou 20 secondes. Après, je comprends la position de la Fédération et je la partage, mais je pense qu'un brin de pragmatisme dans le communiqué n'aurait pas fait de mal.


Pierre Antoine VALADE

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