Richardson Viano, le premier Haïtien des JO d'hiver : "Un rêve de gosse devenu réalité"

Publié le 11 février 2022 à 19h24, mis à jour le 12 février 2022 à 14h50
Français d'adoption, Richardon Viano va représenter Haïti aux JO de Pékin.
Français d'adoption, Richardon Viano va représenter Haïti aux JO de Pékin. - Source : PIERO CRUCIATTI / AFP

Né à Haïti et élevé en France, Richardson Viano va représenter Haïti en ski alpin aux JO de Pékin.
Une première participation dans l'histoire des Jeux olympiques d'hiver pour "la perle des Antilles".
Le skieur de Puy-Saint-Vincent s'est confié à TF1info.

Il vient d'un pays où il ne neige pas. Rien le prédestinait à glisser sur les pistes enneigées. Ses premières années, Richardson Viano les passe à Haïti, un petit pays caribéen au climat tropical, qui n'a que rarement vu tomber l'or blanc. Abandonné, il grandit dans un orphelinat de Port-au-Prince. En décembre 2005, Andrea et Silvia, un couple franco-italien, installé dans les Hautes-Alpes, l'adoptent. Il a 3 ans, lorsqu'il va vivre son premier choc culturel.

"Ça faisait à peine deux semaines que j'étais en France, quand mon père, guide de haute montagne, m'a mis sur des skis. J'ai tout de suite accroché avec la sensation de vitesse. C'est comme ça que ma passion pour le ski est née", raconte-t-il à TF1info, sans s'imaginer, à l'époque, ce que l'avenir lui réserve. "À l'âge de 5-6 ans, j'ai intégré le ski-club de Puy-Saint-Vincent, au pays des Écrins. Depuis, je me suis toujours entraîné, j'ai toujours skié", explique le jeune homme, à l'autre bout du fil. Adolescent, il intègre à la fin du collège le pôle Espoirs de Briançon et le comité de ski Alpes-Provence. Un parcours naturel qu'il suit en parallèle de sa scolarité.

Je pensais arrêter le ski
Richardson Viano, premier skieur haïtien de l'histoire des JO

Mais il comprend vite que, malgré ses efforts, il lui sera impossible de percer au haut niveau en France. "Je ne suis pas quelqu'un de doué dans le ski, j'ai toujours eu un peu plus de difficultés à sentir la piste que mes camarades. J'ai toujours dû travailler davantage pour être au niveau", avoue-t-il. "Même si quelques entraîneurs ont toujours été gentils, aucun ne me montrait de l'intérêt ni ne croyait vraiment en moi. Il y avait peu de places et beaucoup trop d'élus." Durant la saison 2018-2019, alors que son rêve d'intégrer l'équipe de France s'éloigne et que sa confiance s'étiole, le lycéen pense à ranger ses skis. "Je n'avais pas les résultats que j'espérais. C'était compliqué. Je pensais arrêter le ski pour de bon", confirme-t-il.

Un coup de fil qui a tout changé

Jusqu'à ce qu'un coup de téléphone vienne tout changer. Un jour, Richardson Viano reçoit un appel "à l'improviste" de Jean-Pierre Roy, le président de la Fédération haïtienne de ski. Celui qui a été, pendant longtemps, le seul licencié lui propose de skier pour "la perle des Antilles". "J'ai cru que c'était une blague. Je n'avais jamais entendu parler de cette Fédération. Jean-Pierre ne s'était presque pas présenté, il ne m'avait même pas donné son nom", se souvient-il. "Je me rappelle qu'il m'a dit : 'Bonjour, je suis le président de la Fédération haïtienne. Ça te dirait de skier pour Haïti, de disputer les Championnats du monde et les Jeux olympiques ?'. Ça me semblait un peu louche, alors je lui ai donné le numéro de ma mère pour qu'ils s'appellent. Après avoir raccroché, je suis allé faire des recherches sur Internet. J'ai découvert que la Fédération avait été créée à l'automne 2010", peu de temps après le tremblement de terre du 12 janvier, qui a fait presque 300.000 morts.  

Alors qu'il envisageait encore une retraite anticipée, le matin même, l'appel de Jean-Pierre Roy, alias "Rasta Piquet", en référence aux "Rasta Rockets" de l'équipe jamaïcaine de bobsleigh, agit comme un déclic : son avenir est sur des skis. "Ça n'a pas tenu à grand-chose. Il aurait suffi qu'il ne trouve pas mon numéro ou qu'il le trouve plus tard quand j'avais déjà pris ma décision d'arrêter. C'est arrivé au moment opportun. Sans ce coup de fil, tout aurait été très différent pour moi", reconnaît-il. Après avoir pesé le pour et le contre, à tête reposée, il accepte finalement de relever ce challenge. 

C'est le nouveau départ qu'il me fallait
Richardson Viano, premier skieur haïtien de l'histoire des JO

"Au tout début, je ne savais pas trop à quoi m'attendre, parce qu'il y a moins de moyens qu'en France. Je craignais que cela soit moins sérieux que ce que j'aurais voulu. Mes doutes se sont vite dissipés. On m'a tranquillisé, en m'expliquant que je n'avais pas une obligation de résultats pour me maintenir dans l'équipe. Je n'avais qu'à à skier et à m'entraîner, sans me soucier du reste. J'ai retrouvé de la confiance et le niveau est revenu. C'est le nouveau départ qu'il me fallait", assure Richardson Viano. Un nouveau départ qu'il acte, en février 2021, avec une 35e place sur le slalom géant des Championnats du monde à Cortina d'Ampezzo, en Italie. Une performance historique pour le ski haïtien. "Par chance ou je ne sais quelle autre raison, je claque ce très bon résultat", rigole-t-il. "Après Cortina, toute une mécanique s'est mise en marche autour de moi." 

Faire plus que de la figuration

Avec ses parents et ses deux sœurs, Natacha et Bellandine, comme supporters numéro un. "Mes proches sont à la base de tout. C'est moi qui skie, mais c'est un projet familial", insiste-t-il, du haut de ses 19 ans. "Mon père, c'est lui qui m'a mis sur les skis. Le ski, c'est sa passion. Tout part de là. Si j'en suis arrivé là aujourd'hui, c'est grâce à leur soutien indéfectible, sur tous les fronts, que ce soit financièrement et moralement." Grâce à eux, seize ans après avoir chaussé ses premières spatules dans les Alpes, l'enfant de Port-au-Prince va marquer l'histoire. Il va prendre part aux Jeux olympiques de Pékin, sous les couleurs exotiques de son pays natal, qui n'avait jusqu'à maintenant participer qu'aux Jeux d'été à 18 reprises. 

Dimanche 13 février, à l'occasion du slalom géant, programmé sur le site venté de Yanqing, Richardson Viano deviendra le premier représentant haïtien aux JO d'hiver. "Plus jeune, on m'a répété que je n'avais pas le niveau, que ce n'était pas pour moi. À force de travail, d'acharnement et de détermination, j'y suis finalement arrivé. Mon rêve de gosse de participer aux JO est devenu réalité", se réjouit-il. "Conscient de porter les espoirs de tout un peuple", il souhaite, avec cette participation inédite, "faire passer un message à toutes les Haïtiennes et tous les Haïtiens" : "Serrez les dents, croyez en vos rêves. L'espoir est possible."

Sur la neige de Pékin, il a pour ambition de porter haut les couleurs de la terre de ses ancêtres, où il "espère" retourner un jour. En attendant de revenir là où tout a commencé pour lui, le premier skieur haïtien de l'histoire de la grand-messe hivernale promet de ne pas faire de la simple figuration. "Ce sont mes premiers Jeux, je suis encore jeune. J'y vais sans objectif de résultats", annonce-t-il, "mais pour prendre le maximum de plaisir sur la piste et montrer qu'à Haïti aussi on peut faire du bon ski."


Yohan ROBLIN

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