JO 2024 à Paris : "Il ne faut pas se contenter de ressortir Catherine Deneuve et de faire visiter Montmartre..."

par Sebastien COCA
Publié le 13 avril 2015 à 16h50
JO 2024 à Paris : "Il ne faut pas se contenter de ressortir Catherine Deneuve et de faire visiter Montmartre..."

JO - Première étape vers une candidature officielle de Paris pour les Jeux olympiques d’été 2024 auprès du Comité international olympique, le conseil municipal a donné lundi le feu vert de la ville pour le projet. L’occasion pour metronews de demander à Patrick Clastres, spécialiste de l’histoire du sport et de l’olympisme à Sciences politiques Paris, quels sont les atouts et les limites du dossier parisien.

Pensez-vous que les leçons du précédent échec de la candidature de Paris face à Londres pour les JO 2012 ont été depuis tirées ?
Oui, car la première chose que l’on constate cette fois, c’est que cette candidature est d’abord celle du monde sportif et pas seulement celle du politique. Le CIO a en sainte horreur l’idée d’être utilisé à des fins politiques. Ça lui est arrivé par le passé, et c’est presque inévitable car une candidature est toujours la volonté d’un pouvoir en place, mais cela ne doit pas être trop visible.

La France est donc sur la bonne voie ?
Oui, mais il ne faut pas oublier que, d’après la charte olympique, c’est bien une ville et non pas un pays qui présente sa candidature. D’où l’importance du vote soumis par Anne Hidalgo au Conseil de Paris et de la validation par ce dernier. Et même s’il y a peut-être eu quelques réticences de sa part au début, je ne pense pas que cela soit pénalisant. Aujourd’hui, dans toutes les démocraties, il est normal de voir les leaders politiques qui ont un peu de conscience se poser la question de l’intérêt des Jeux et de leur coût. Il ne faut pas oublier que les JO 2004 ont ruiné Athènes et que Montréal a mis trente ans à rembourser ceux de 1976…

"Faire le récit d'un pays blanc, masculin et CSP+ n'intéressera pas le CIO"

Pour être choisie, quelle image doit montrer Paris ?
Celle de son vrai visage, celui d’une "ville monde" qui est métissée. C’est d’ailleurs le souci, sur la forme, de nos deux porteurs de projet : Bernard Lapasset (président du Comité Français du Sport) et Tony Estanguet (triple champion olympique et membre du CIO). Sans remettre en question leurs compétences, on a là deux hommes et deux blancs… On ne manque pas d’athlètes issus de la diversité mais le problème, c’est qu’au niveau des décideurs, on n’en trouve plus. Une candidature, c’est surtout mettre en place une stratégie qui doit raconter un pays. Et si c’est pour faire le récit d’un pays blanc, masculin et CSP+, Paris n'intéressera pas le CIO. Il ne faut pas oublier que depuis 2008, un tiers des 102 membres de l’instance ont été renouvelés et qu’on y trouve un tiers de femmes et un tiers d’athlètes. Le CIO est aujourd’hui un espace globalisé et divers.

Comment le convaincre dans ce cas ?
En construisant une candidature de la diversité et de la modernité. Paris ne doit pas se contenter de ressortir Catherine Deneuve (qui avait accueilli les membres du CIO en 2005) et de faire visiter Montmartre. Ça, ce n’est plus possible… Il faut contribuer à ce que le Comité international olympique poursuive son entrée dans le XXIe siècle. Après ses révolutions politiques et économiques dans les années 1970 et 1980, l’olympisme doit désormais opérer un changement de son logiciel culturel. La question qui est posée, c’est : “qu’est-ce que la France peut apporter au monde du sport ?”

"L'écologie n'a jamais un vrai critère de choix pour le CIO"

Quelles réponses peut dans ce cas apporter cette candidature ?
La France possède beaucoup de champions dans les nouveaux sports, aussi appelés les sports fun (de bord de mer, de glisse…). C’est un immense atout. D’ici à 2024, la liste des disciplines olympiques va forcément évoluer, question de vie ou de mort pour le CIO. Il faut donc s’adapter à la jeunesse du monde entier, et cette dernière ne pratique plus une bonne partie des sports qui sont actuellement aux JO. On peut même imaginer que les iSports, basés une vraie activité corporelle dans un contexte virtuel, pourront faire à court terme leur entrée au programme. 

L'argument de Jeux écologiques peut-il aussi jouer ?
C'est un peu des foutaises ça. Même s'il y a un pilier environnemental dans la charte, cela n'a jamais été un vrai critère de choix pour le CIO. Seul Sydney avait basé sa candidature sur le développement durable et ça avait marqué les esprits car, en 2000, la ville australienne était la première à faire ce pari. Mais depuis, ce sont des problématiques oubliées. Il n'y a qu'à regarder Sotchi (JO d'hiver 2014, ndlr), où l'on a détruit un espace naturel incroyable, et Pékin (JO 2008, ndlr) qui est la ville la plus polluée au monde. 

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Sebastien COCA

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