Pour la première fois, un équipage féminin de bobsleigh va représenter la France aux Jeux olympiques d'hiver.Margot Boch, la pilote, et Carla Sénéchal, la pousseuse, sont entrées dans l'histoire du sport tricolore.Une belle histoire, débutée en 2018, que les deux bobeuses vont prolonger sur la piste de Pékin.
Une première tricolore dans l'histoire des Jeux. Vingt ans après l'introduction du bobsleigh féminin, à Salt Lake City, en 2002, la France va envoyer un binôme à Pékin. Margot Boch, la pilote, et Carla Sénéchal, la pousseuse, forment le premier équipage féminin de l'Hexagone depuis une décennie. Le 18 janvier, elles sont devenues les premières bobeuses tricolores à se qualifier pour la grand-messe olympique qui s'ouvre le 4 février en Chine. Âgées de 22 et 25 ans, les deux jeunes femmes, qui se voyaient en gymnaste pour l'une et en sprinteuse pour l'autre, dévaleront la piste pékinoise les 18 et 19 février.
En moins d'une olympiade, "les sœurs jumelles" du bobsleigh, motivées et ambitieuses, ont porté un projet auquel personne ne croyait au départ, à l'exception de leurs familles. De leur extraordinaire complicité sur glace est née une amitié de laquelle elles ont su tirer une force renversante pour dompter les virages les plus abruptes jusqu'à atteindre le niveau olympique. Jointes par TF1info, les deux filles on the rocks rêvent désormais de concrétiser leurs ambitions juvéniles.
Vous êtes la première équipe de France féminine de bobsleigh à vous qualifier pour les JO. Qu'est-ce que cela fait de se dire que vous appartenez déjà à l'histoire des Jeux ?
Carla Sénéchal : Tout au long de la saison, on nous a dit et redit : "Vous vous rendez compte, vous pourriez être les premières Françaises à représenter le bobsleigh aux Jeux." À force qu'on nous le répète, c'est entré dans nos têtes. On est hyper fières, c'est un rêve qu'on avait depuis longtemps. Cela nous fait extrêmement plaisir, c'est un véritable honneur.
Margot Bloch : Comme le dit Carla, c'est une vraie fierté. C'est un soulagement de voir tout notre travail et tout ce qu'on a pu construire ensemble, jusqu'à présent, être "récompensés" par cette participation aux Jeux. C'est une chance exceptionnelle qu'on a de pouvoir entrer dans les livres d'histoire, mais ce n'est pas le point final. On veut continuer d'écrire l'histoire, et la nôtre surtout, à la fois en faisant plaisir et en réalisant les meilleurs résultats qu'on puisse offrir à la France.
Pourtant, votre participation aux Jeux de Pékin était tout sauf assurée. Vous ne vous connaissiez pas il y a encore quatre ans. Comment votre duo a-t-il vu le jour ?
C.S : On était en août 2018. J'ai reçu un message de Margot sur Facebook. Elle me parlait de son projet olympique, à savoir monter une équipe féminine de bobsleigh et de remporter une médaille à Cortina d'Ampezzo (qui sera, avec Milan, le site des Jeux olympiques 2026, ndlr). Tout était déjà très clair dans son message. Elle souhaitait que je vienne réaliser des tests le plus rapidement possible. J'étais en vacances à l'étranger, j'ai tout de suite répondu : "Oui, avec grand plaisir !". J'avais toujours eu envie de faire du bobsleigh. On s'est ensuite rencontrées au mois de septembre à Mâcot-la-Plagne (en Savoie). On a fait des tests avec Bruno Mingeon (un ancien pilote de bobsleigh, médaillé de bronze en bob à 4 aux Jeux olympiques de 1998 à Nagano, au Japon). Ça s'est super bien passé. Dès le début, on s'est super bien entendues. On ne s'est plus quittées depuis.
Chaque descente compte, on ne peut pas en faire dix ou quinze par jour
Margot Boch, pilote de l'équipe de France de bobsleigh
Margot, vous avez été à l'initiative de cette collaboration. Vous qui êtes issue d'une famille de bobeurs...
M.B : Mon grand-père a fait du bob sur route, qui est en quelque sort l'ancêtre du bob d'aujourd'hui. Mon parrain et ma tante ont fait du bob sur piste, mon papa en fait toujours. J'ai aussi grandi à La Plagne, qui abrite l'unique piste de bobsleigh et de skeleton de France, donc ce n'est pas une discipline qui m'était inconnue. J'ai baigné dedans depuis toute petite. Je ne sais pas si on peut dire que c'est un héritage de famille, mais mon destin m'a peut-être rattrapée avec le temps.
Dans le bob, vous êtes au poste de pilotage. Comment apprend-on à conduire un bob ?
M.B : C'est avec l'expérience et le travail que le pilotage vient. Apprendre à piloter requiert beaucoup de temps. Chaque descente compte. On ne peut pas en faire dix ou quinze par jour. C'est très fatiguant, ça demande énormément de concentration. C'est aussi un sport qu'on ne peut pratiquer qu'en hiver. Il n'y a pas de simulateur en France, donc ça restreint encore les opportunités. Résultat : si on a deux temps de descente d'une minute à la fin de l'hiver, ça ne fait pas beaucoup d'heures de pilotage. Chaque moment passé à l'entraînement, chaque instant sur la piste doit ainsi être mis à profit. Piloter, c'est très fin. Il faut être dans l'anticipation pour prendre les meilleures courbes. Mais lorsqu'on est dans l'engin, on ne voit pas toutes les parties de la piste. Pour définir les axes d'amélioration, on parle de nos sensations sur la piste. C'est essentiel. Et puis, même si toute la descente n'est pas filmée, on fait aussi des retours vidéo. On mélange feeling et technologie.
Carla, vous êtes à la poussée. C'est un rôle qui fait appel à des qualités de force, de vitesse et d'explosivité. Votre passé de sprinteuse vous a-t-il aidé ?
C.S : Oui, ça m'aidé, ça a été un plus pour moi. Apprendre à courir, je savais faire. J'avais 16 ans d'athlétisme dans les jambes. Je savais mettre un pied devant l'autre, ça allait à peu près. (Elles rigolent) Le truc, c'est que j'avais l'habitude de courir seule. Là, j'ai dû me synchroniser avec Margot pour qu'on parte ensemble. J'ai aussi dû apprendre la technique avec l'engin pour pouvoir le pousser. C'est un mouvement vraiment pas simple à réaliser. Du coup, ça a été un peu compliqué au tout début.
On ne se parle pas pendant la descente
Carla Sénéchal, pousseuse de l'équipe de France de bobsleigh
Votre performance passe aussi par l'engin que vous avez entre les mains...
C.S : On compare souvent le bob à la Formule 1 des glaces. Ça vous dit tout de l'importance du matériel. Les réglages doivent être minutieux. Chaque petit serrage, chaque parallélisme joue sur la performance. Ce sont des heures et des heures de travail au garage. On est des athlètes, mais on est aussi des mécaniciennes, je dirais. Dans ce sport, il faut savoir toucher à tout. C'est une partie qui nous plaît aussi beaucoup, de travailler sur notre bob et d'essayer le faire aller encore plus vite.
M.B : On gère à peu près tout dans notre performance. On est accompagnées par nos coachs, bien sûr, pour les réglages un peu plus techniques sur l'engin, parce qu'on ne peut pas faire tout toutes seules. Mais il y a effectivement beaucoup de paramètres à prendre en compte. Rien n'est laissé au hasard. Il faut être à 100% pour pouvoir tirer le maximum de la machine.
Pendant la descente, avec la vitesse et le bruit, on imagine qu'il est extrêmement compliqué de parler. Comment faites-vous pour communiquer l'une avec l'autre ?
C.S : On ne se parle pas, tout simplement. (Elle rigole) On a notre cri de départ. Ça nous permet d'être synchronisées et de nous élancer ensemble. Ensuite, pendant la descente, on ne communique pas. Pour savoir quand je dois freiner, c'est juste à moi de connaître la piste et savoir où on est. On n'a pas d'oreillette, pas de micro. On pense souvent que je suis copilote, mais pas du tout. Et puis, le bob est un sport très bruyant, donc même si on voudrait échanger, ce serait impossible.
Sur la piste, votre complicité saute aux yeux. En dehors, était-ce aussi évident ?
C.S : On est plus que des coéquipières. En dehors du sport, on se parle au téléphone tous les jours. On est devenue amies. Je considère Margot comme ma petite sœur. Je la protège énormément, je prendrai toujours soin d'elle. On traverse des choses incroyables toutes les deux. On se voit plus souvent qu'on voit nos amis ou nos familles. On est très fusionnelles.
M.B : Il n'y a pas grand-chose à rajouter, Carla vous a tout dit. On s'est créé beaucoup de souvenirs l'une avec l'autre. Il y a eu des passages compliqués qui forgent quelque chose de fort. Les gens qui ont l'habitude de nous voir ensemble perçoivent cette complicité. Nos parents disent que lorsqu'on est ensemble toutes les deux, nous sommes inarrêtables.
Vos familles, d'ailleurs, sont aussi énormément impliquées dans votre projet.
M.B : Autant la famille de Carla que la mienne sont très investies. On travaille tous ensemble, main dans la main. On forme une grande équipe. Ils sont là pour nous aider au quotidien. On a vraiment de la chance de les avoir à nos côtés. Lorsqu'on a débuté, nos papas ont, par exemple, traversé l'Europe en camion pour aller en Norvège ou en Lettonie, de manière à ce qu'on puisse prendre l'avion et se reposer. Mon père nous a aussi beaucoup appris. Il nous a aidées pour les réglages du bob et la préparation du matériel. Nos proches nous apportent aussi un soutien financier important, parce qu'on n'est pas à proprement parler professionnelles. Mes parents nous ont achetées un bob, parce qu'ils savaient que c'était le frein à notre progression. Du coup, on part aux Jeux avec mon bob perso. C'est une fierté et un vrai accomplissement.
On vise un top 10, même si on se laisse rêver
Margot Boch, pilote de l'équipe de France de bobsleigh
Le sport est fait de visages et d'histoires, auxquels les gens peuvent s'identifier. Vous avez les visages et l'histoire. Comment vivez-vous d'être érigées en porte-étendards de votre sport ?
C.S : On ne réalise pas trop ce qu'il nous arrive. On est authentiques, on ne joue pas un rôle, donc c'est assez surprenant de voir que tout le monde s'intéresse subitement à nous. On est hyper fières de pouvoir parler de notre discipline, qui est si peu connue et si peu médiatisée. En France, on sait que pour faire parler de notre sport, il faut avoir des résultats. On est compétitrices, on a envie de ramener des médailles, mais on a aussi l'objectif, avec Margot, d'aider le bobsleigh à se développer. On a envie de faire rêver les petites filles et les petits garçons pour qu'ils viennent faire du bob un jour.
Pour vos premiers Jeux, qu'espérez-vous ramener de Pékin ?
M.B : Le bob est une discipline qui requiert beaucoup d'expérience et qu'on commence tardivement. Nous, on avait 18 et 22 ans. Penser à une médaille en bob à deux à Pékin, c'est encore un peu précoce. On vise un top 10, même si on se laisse rêver parce que c'est aussi la magie des Jeux. Rentrer dans un top 10 aux Jeux pour une petite nation comme la France en bobsleigh, ce serait déjà très beau. Par contre, on aura les crocs pour aller chercher une médaille en 2026.
Avec le Covid, tout a été anticipé
Carla Sénéchal, pousseuse de l'équipe de France de bobsleigh
Margot, en octobre 2021, vous vous êtes rendue en Chine pour reconnaître la piste olympique. Quel a été votre ressenti sur place, malgré le spectre du Covid ?
M.B : Je suis partie seule là-bas, sans Carla. On a été mis dans une bulle et on a été tester chaque jour. C'est un protocole qu'on connaît et qu'on a pu appréhender tout l'hiver. Si c'est le prix pour aller aux Jeux, ce n'est pas un problème. On fera avec. À vrai dire je commence à avoir vraiment hâte d'y être. La structure est magnifique et énorme, le profil de la piste est très technique. Les virages sont impressionnants. C'est une piste avec de nouvelles sensations, où le pilotage s'avère très important. La moindre faute coûtera cher. J'ai pu la découvrir, sentir les retours au niveau des manettes. J'ai hâte de présenter la piste olympique à Carla. Je lui en ai tellement parlée qu'elle doit avoir l'impression de la connaître un petit peu.
La présidente de la Fédération des sports de glace, Nathalie Péchalat, nous confiait récemment les difficultés d'acheminement du matériel que vous avez pu rencontrer depuis deux ans, à cause des contraintes liées au Covid. Est-ce le même casse-tête pour les JO ?
C.S : Quand Margot est partie en Chine au mois d'octobre, les délais étaient un peu justes pour pouvoir envoyer les bobs par cargo. On avait toujours un peu peur de savoir s'ils allaient arriver ou revenir à temps. On n'a pas voulu revivre la même expérience pour les JO. Si on se retrouve sans bob, ce sera un peu compliqué. Du coup, tout a été anticipé. On a pris de la marge pour être confort et ne pas être stressées. Les bobs sont partis depuis longtemps, donc on ne devrait pas avoir de souci. On est aussi bien entourées par la Fédération, ils nous accompagnent très bien pour qu'on soit libérées dans nos têtes.
Avoir convoyé votre bob aussi tôt en Chine vous empêche donc de vous entraîner...
M.B : Même si on avait notre bob avec nous, je ne pense pas qu'on serait descendues. On s'est mises depuis plusieurs jours dans une bulle pour se protéger du Covid et ne pas être au contact des gens, avant le départ pour Pékin. C'est vrai que ça commence à faire un petit moment depuis la dernière fois qu'on est montées dans notre bob. On a hâte de le retrouver, il faut juste qu'on soit encore un peu patientes. Une fois qu'on sera là-bas, on pourra retrouver les sensations fortes.
C.S : C'est vrai qu'on est impatientes. On est comme des petites filles avec des étoiles dans les yeux, avant même d'avoir pu poser un pied à Pékin. On a hâte de découvrir le village olympique, de partager la cérémonie d'ouverture avec tous ces grands champions qu'on admire et qu'on regarde à la télé depuis longtemps. On espère que ces Jeux seront un moment de partage malgré les conditions particulières. On veut profiter de chaque instant et en prendre plein les yeux.
Tout
TF1 Info
- InternationalHaut-Karabakh : l'enclave au centre des tensions entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan
- Police, justice et faits diversDisparition inquiétante de Lina, 15 ans, en Alsace
- Police, justice et faits diversAttentat de Magnanville : sept ans après, l'heure du procès
- SportsRC Lens
- Sujets de sociétéLe pape François à Marseille, une visite historique