Ligue 1 : Amiens et Toulouse sont-ils vraiment sauvés de la descente ?

Publié le 10 juin 2020 à 17h32, mis à jour le 11 juin 2020 à 10h36
Le Conseil d'État a suspendu mardi 9 juin les relégations d'Amiens et Toulouse en Ligue 2.
Le Conseil d'État a suspendu mardi 9 juin les relégations d'Amiens et Toulouse en Ligue 2. - Source : FRANCOIS LO PRESTI / AFP

L'OMBRE D'UN DOUTE - Le Conseil d'État a suspendu mardi 9 juin la relégation en Ligue 2 d'Amiens et de Toulouse. Si les deux clubs se voient déjà dans une Ligue 1 à 22 clubs la saison prochaine, leur combat semble pourtant déjà perdu d'avance.

C'est un sursis qui entretient un (faux) espoir. S'il a rejeté le recours de Lyon, qui plaidait pour une reprise de la saison après l'arrêt de la Ligue 1 le 30 avril dernier, le Conseil d'État a suspendu la descente en Ligue 2 d'Amiens et Toulouse pour une question de forme. Ce dont se sont réjouis les deux relégués, fêtant peu après cette annonce leur maintien dans l'élite française. Mais les 19e et 20e de la saison écoulée ne sont encore tirés d'affaires. L'optimisme suscité par la décision du juge des référées de la plus haute juridiction française pourrait être vite balayé, car "suspension" ne veut pas dire "annulation". 

Saisi fin mai, le juge administratif suprême a ordonné à la Ligue de football professionnel (LFP), en lien avec la Fédération française (FFF), "de réexaminer la question du format pour la saison 2020-2021". Or, alors que Amiens et Toulouse se voyaient déjà dans un championnat à 22 clubs, les montées de Lorient et Lens ayant été actées, le directeur général exécutif de la Ligue Didier Quillot a douché leurs espoirs. "Le Conseil d'État ne s'est absolument pas prononcé sur le format et n'a absolument pas dit qu'il fallait élargir la Ligue 1 à 22. Il faut juste réexaminer la question pour la rendre juridiquement complète", a-t-il expliqué à RTL. "Amiens et Toulouse ne peuvent pas dire qu'ils sont maintenus en Ligue 1", a-t-il assuré à l'AFP. 

Le Conseil d'État a motivé son ordonnance en expliquant que la convention liant la LFP à la FFF qui interdisait, pour la saison 2019-2020, une L1 avec plus de 20 participants, expirait le 30 juin et, de facto, "ne sera plus applicable" pour l'exercice suivant. Mais les instances se sont déjà entendues tacitement pour la prolongation du texte, renouvelé lors de l'Assemblée générale de la Ligue du 20 mai, et qui n'a plus qu'à être validé par la 3F. Il prévoit toujours un championnat à 18 ou 20 équipes, sur la période 2020-2024. "Nous allons convoquer nos instances. La FFF va aussi convoquer son Assemblée fédérale, tout ça avant le 30 juin", a précisé Didier Quillot. En s'appuyant sur ce document, le Conseil d'administration de la LFP devrait confirmer le principe de deux montées et deux descentes. Celles d'Amiens et Toulouse.

Plus de matches, moins de droits TV

Par ailleurs, si le Conseil d'État venait à ne pas s'en satisfaire juridiquement, plusieurs autres arguments plaident en faveur de cette solution à 20 clubs. Sportivement, alors que la Coupe de la Ligue a été supprimée pour dégager des dates dans un calendrier de plus en plus surchargé, un championnat à 22 équipes aurait l'effet inverse de celui qui était recherché en amont par les acteurs du foot français. "Jusqu'à il y a quelques mois, tout le monde militait pour une Ligue 1 à 18 voire à 16, se félicitait la suppression de la Coupe de la Ligue, affirmait que cela permettrait d'améliorer la compétitivité du football français, surtout en Europe, en jouant moins de matches. Et maintenant, on voudrait nous en rajouter ?", s'étonnait mi-mai le président Montpellier Laurent Nicollin sur la chaîne L'Équipe.

Avec une Ligue 1 à 22 participants, la saison serait rallongée et passerait de 38 à 42 journées, soit quatre matches de plus à jouer par club. La Ligue pourrait ainsi démontrer qu'un calendrier à 42 journées est trop contraignant à mettre en place. L'argument de la compétitivité du football français en Coupes d'Europe pourrait être avancé. Mais celui qui a le plus de chances de faire mouche concerne la santé des joueurs, d'autant plus que la saison 2020-2021 se prolongera avec l'Euro 2021, reporté d'un an. La perspective de jouer plus de rencontres avec des délais de récupérations plus courts, et donc d'augmenter les risques de blessure et de fatigue, pourrait trouver un écho du côté de l'UNFP, le syndicat des footballeurs.

Économiquement, la LFP a aussi de quoi défendre sa position initiale. Dès la saison prochaine, les droits télévisés vont augmenter de 400 millions d'euros avec l'arrivée de Mediapro. Il a été acté, en mars dernier, que ce cachet supplémentaire sera partagé à parts strictement égales. Avec une L1 à 20, c'est 20 millions d'euros de plus par club qui doivent entrer dans les caisses. Si Amiens et Toulouse se maintiennent, l'enveloppe par équipe diminuera. Elle ne sera plus "que" de 18 millions d'euros, soit une perte sèche de 2 millions lors de la distribution finale. De quoi handicaper les plus petites formations de L1, Nîmes, Brest ou Angers, pour lesquelles ce manque à gagner peut représenter environ 7 à 10% de leur budget. Et qui peut, à raison, pousser le présidents de ces clubs à ne pas soutenir l'idée d'une Ligue 1 à 22. 

Déjà gravement affectés par la crise économique liée au coronavirus, ils ont plus que jamais besoin de s'assurer des liquidités pour survivre. Les huis clos à venir dans les stades, au moment de la reprise du football français, ne vont pas pouvoir leur garantir de rentrer dans leurs frais. En l'absence de recettes billetterie et marketing, faire une croix sur 2 millions d'euros paraît insensé. Autant d'arguments qui peuvent laisser penser qu'Amiens et Toulouse ont peut-être crié victoire... trop vite. 


Yohan ROBLIN

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