ENQUÊTE - Débordements au stade de France : qui est en cause ?

Benoit Leroy et Maxence Gevin avec TF1
Publié le 29 mai 2022 à 21h19, mis à jour le 30 mai 2022 à 8h23

Source : JT 20h WE

Samedi, lors de la finale de la Ligue des Champions, des incidents ont émaillé la rencontre, notamment au moment de l'entrée des supporters dans l'enceinte.
105 personnes ont été interpellées par les forces de l'ordre.
Le 20H de TF1 se penche sur ces événements.

Si les Madrilènes se sont bel et bien imposés sur la pelouse du Stade de France (1-0), les incidents en marge du match ont également marqué la finale de la Ligue des Champions, samedi 28 mai. En cause, de très fortes tensions autour de l'enceinte sportive avant le début de la rencontre et un coup d'envoi retardé de plus d'une demi-heure. 

Que s'est-il passé ?

De nombreux supporteurs ont tenté d'escalader les grilles de l'enceinte afin de tenter de forcer l'entrée. Quelques échauffourées ont ainsi opposé les forces de l'ordre à une partie de la foule massée devant les accès du Stade de France. Ceux-ci ont dû faire usage de gaz lacrymogènes. Dans un tweet, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a pointé du doigt l'attitude "des milliers de 'supporters' britanniques sans billet ou avec des faux billets qui ont forcé les entrées" du stade. 

Fait rare pour un match de ce niveau, le début de la rencontre entre le Real Madrid et Liverpool a dû être reporté d'une demi-heure. "Il a fallu retarder de 35 minutes le coup d'envoi pour permettre à un maximum de spectateurs munis de billets valables d'entrer dans le stade", poursuit le communiqué. En vain, puisque des spectateurs munis de billets authentiques n'ont pas pu s'asseoir en tribune avant la fin de la première période de la rencontre. 

Selon deux représentants de supporters présents au stade de France, un problème d'aiguillage de la foule a accentué les engorgements. Venus essentiellement par le RER D - en raison de grèves affectant le RER B-  les supporters de Liverpool se sont retrouvés face à seulement quatre accès de pré-filtrage, alors qu'il y avait 13 accès à la sortie du RER B, rapporte l'une de ces sources. "Cela a créé un phénomène d'étouffement et d'écrasement du côté du RER D", pointe-t-elle, déplorant un manque de stadiers pour orienter les flux.

La deuxième partie du problème se situe aux abords directs de l'enceinte dionysienne. Les spectateurs ont d'abord été confrontés à un premier filtrage, où les billets ont été présentés aux policiers. Mais c'est seulement plus loin, aux tourniquets, que ces titres étaient scannés. Des milliers de personnes sans tickets valides se sont donc retrouvées coincées sur le parvis. Résultat, les détenteurs de documents authentiques n'ont pas tous pu entrer. 

Quel bilan des débordements ?

Durant toute la soirée, ce sont 105 personnes qui ont été interpellées par les forces de l'ordre, que ce soit autour du Stade de France ou dans les deux fan-zones mises en place pour l'occasion. 73 d'entre elles ont été placées en garde à vue, a indiqué le ministère de l'Intérieur dans un communiqué.

Dimanche 29 mai, sur LCI, le secrétaire général adjoint du syndicat indépendant des commissaires de police (SICP) Mathieu Valet a précisé le profil des individus interpellés. "Il n'y avait pas que des Britanniques", celui-ci pointant la présence de jeunes des cités voisines du stade parmi les personnes appréhendées. C'est d'ailleurs ce qu'a confirmé le préfet, Didier Lallement : "300 à 400 jeunes issus des quartiers sensibles de Seine-Saint-Denis ont [...] également tenté de forcer le dispositif". 

Des milliers de faux billets ?

De son côté, l'instance du football européen reste encore prudente sur les suites à donner à ces débordements. Dans un communiqué publié dans la soirée de samedi, l'UEFA explique qu'elle "compatit avec les personnes touchées par ces événements". Par ailleurs, l'organisation annonce qu'elle "va examiner de toute urgence ces questions avec la police et les autorités françaises, ainsi qu'avec la Fédération française de football"

Pour ce qui est de la version officielle, l'UEFA indique que "les portes du côté de Liverpool ont été bloquées par des milliers de supporters qui avaient acheté de faux billets qui ne fonctionnaient pas dans les tourniquets. Cela a créé une accumulation de supporters essayant d'entrer". "Il y a eu énormément de faux billets", admet une source proche de l'organisation. Il y avait des billets "blockchain" (authentifiables numériquement, ndlr) mais l'UEFA a cédé à la demande de Liverpool "qui a demandé à avoir 20.000 billets papier", et il y a eu "des photocopies, des imitations grossières, d'autres très bien faites". "Ce sont sans doute 30.000 à 40.000 personnes qui étaient, au-delà des 80.000 admissibles dans le stade, dans cette situation", abonde la préfecture de Police dans un communiqué diffusé dimanche. 

Dans les faits, il y a deux sortes de billets. Ceux quasi infalsifiables, avec un hologramme, et ceux avec un QR Code. Ces derniers peuvent être imprimés, voire photocopiés. Dans ce cas-là, "c'est le premier billet qui passe dans le contrôle d'accès qui est réputé être le bon. Tous les autres qui sont derrières, qui seraient des photocopies ne pourraient pas passer", indique à TF1, dans la vidéo en tête de ce reportage du 20H, Valérie Rouvert, experte indépendante en billetterie et gestion de publics.  

Le dispositif policier est-il en cause ?

Dimanche, les syndicats de policiers s'insurgeaient contre une éventuelle responsabilité des agents de la préfecture de police dans les incidents. "C'est le fiasco de l'UEFA et pas celui de la police. L'organisation des billets, les inspections et les filtrages de la périmétrie du stade dépendent de l'UEFA", a martelé Mathieu Valet sur LCI. Celui-ci va même en plus loin en estimant que "sans les policiers, la Ligue des Champions aurait été un naufrage". "Il y a eu un retard du match parce que l'UEFA n'a pas su gérer le flux de visiteurs. Les policiers ont pallié l'incompétence d'une organisation européenne du football". "Nous avions demandé à ce que les spectateurs rejoignent le stade le plus tôt possible. Ils sont arrivés un peu tardivement", a également pointé Loubna Atta, porte-parole de la préfecture de police.

Samedi soir, plus de 6.800 policiers et gendarmes étaient mobilisés à travers toute la capitale. Ceux-ci étant répartis entre le Stade de France, les Champs-Élysées et les deux fan-zones notamment. "On était en nombre suffisant (...). L'UEFA n'a pas été à la hauteur", a estimé le policier. De son côté, la préfecture a estimé que "ce sont les arrivées tardives et massives de supporters de Liverpool, pour nombre d'entre eux démunis de billets valables". Ce sont eux "qui ont causé cette pression sur les points de filtrage à l'occasion de laquelle des supporters forçaient l'entrée et pénétraient dans le stade en profitant de ce dysfonctionnement", ajoute-t-elle. 

Une source proche de l'exécutif a, toutefois, admis une insuffisante mobilité des forces de l'ordre, qui ont "surréagi" face aux événements festifs, sur fond d'"insuffisante préparation", et de "sous-évaluation du nombre de supporters".

Quelles suites ?

Quelles qu'en soient les raisons, ces incidents n'ont pas été du goût des Britanniques. Dans un communiqué publié samedi en fin de soirée, Liverpool s'est dit "extrêmement déçu des problèmes d'entrée dans le stade et de la rupture du périmètre de sécurité"

Indirectement pointé du doigt par les autorités françaises et l'UEFA, le club anglais a expliqué avoir "demandé une enquête officielle sur les causes de ces problèmes inacceptables".

Invitée du Grand Jury LCI/RTL/Le Figaro ce dimanche, Marine Le Pen a de son côté exigé une "enquête parlementaire", accusant le ministre de l'Intérieur de "mensonges" et mettant en cause "les traditionnels voyous de banlieues qui ont tenté d'entrer sans billet".

En parallèle, la préfecture de Paris a estimé difficile la mise en place d'un dispositif policier encore plus lourd à l'avenir. "Il me paraît néanmoins indispensable d'anticiper, sur les matchs à haut risque susceptible d'attirer des publics difficiles, un dispositif d'ordre public plus lourd et en capacité de durer", plaide ainsi Didier Lallement, selon qui le dispositif mis en place a "assuré l'essentiel". À savoir "permettre le bon déroulement du match et garantir la sécurité des festivités sans morts ni blessés graves"

Dimanche soir, le préfet de police a finalement décidé de saisir la justice pour "la fraude massive aux faux billets". L'objectif principal de cette procédure est d'identifier les responsables. 


Benoit Leroy et Maxence Gevin avec TF1

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