Al-Khelaïfi se fâche avec un dirigeant lillois, Mbappé fou de rage, Tuchel règle ses comptes... Récit de la soirée où le PSG a implosé

par Hamza HIZZIR
Publié le 15 avril 2019 à 13h14, mis à jour le 15 avril 2019 à 14h31
Al-Khelaïfi se fâche avec un dirigeant lillois, Mbappé fou de rage, Tuchel règle ses comptes... Récit de la soirée où le PSG a implosé
Source : FRANCK FIFE / AFP

FOOTBALL – Balayé dimanche soir à Lille dans des proportions inédites en Ligue 1 (5-1), le PSG version Qatar a révélé ses failles au grand jour dans les minutes qui ont suivi le coup de sifflet final.

Heureusement, Martin Aubry était là. La scène, surréaliste, a été capturée par un photographe de L'Équipe au début de la seconde période, alors que le score était encore de 1-1 : on y voit la maire de Lille, aussi placide que possible, assise entre Nasser Al-Khelaïfi, le président du PSG, et Luis Campos, le conseiller du président du Losc, en train de sérieusement se prendre le bec au beau milieu de la tribune présidentielle du stade Pierre-Mauroy, au mépris des règles les plus élémentaires de courtoisie et de diplomatie en vigueur dans ces hautes sphères. 

Le quotidien sportif révélera ensuite qu’à la mi-temps du match, le Qatari, jugeant trop sévère l’expulsion de Juan Bernat à la 36e minute et les deux buts refusés aux siens pour hors-jeu, avait entrepris de s’expliquer avec les arbitres, et que le Portugais s’était interposé, ce que le dirigeant parisien n’a guère apprécié...

Quarante minutes plus tard, Lille infligeait une correction inédite (5-1) à Paris et, comme un symbole, lorsque les Dogues ont célébré leur 5e but devant leurs supporters, est apparu en arrière-plan dans les tribunes du stade Pierre-Mauroy un maillot... de Manchester United. Comme un symbole de cette réalité, étouffée dans une forme de déni : c’est bien la douloureuse et invraisemblable élimination du club parisien, un peu plus d’un mois plus tôt, face aux Red Devils en Ligue des champions, qui a fait naître l’amertume, l’aigreur, la nervosité, le doute chez une équipe jusqu’alors implacablement sereine dans les joutes domestiques. C’est cette désillusion qui a abouti à la déroute lilloise.

L'arbitrage en trompe-l’œil

Cette déroute peut, du reste, se lire de différentes manières. Les Lillois, qui il y a pile un an se trouvaient englués en position de relégables avec exactement les mêmes joueurs qu'aujourd'hui, baignent désormais dans une euphorie provoquant une chance insolente, allant jusqu’à lui épargner les blessures de certains hommes clés, faire rebondir le ballon dans le bon sens, ou faire pencher dans ce même sens certaines hésitations arbitrales. Mais ce score fleuve renvoie aussi aux ressorts collectifs de l’épopée actuelle des Dogues, nés dans l’acceptation de la souffrance et dans une stabilité managériale.

Le PSG, lui, baigne dans le chaos à chaque mercato, accentué par la menace du fair-play financier de l’UEFA, l’invitant à brader ses biens pour compenser les salaires somptuaires de Neymar ou Kylian Mbappé, sous peine de sanctions à échelle européenne. Nasser Al-Khelaïfi, pourtant, a préféré en rester à la malchance, et même au seul aspect arbitral de celle-ci. C’est, en soi, l’un des symptômes du mal qui ronge à présent le PSG, dans sa globalité. Comme en témoigne cette séquence captée, juste après le coup de sifflet final, par les caméras de Canal+.

On y voit Thomas Tuchel, l’entraîneur parisien, foncer vers son président et Antero Henrique, le directeur sportif, eux-mêmes en train de guetter la sortie de l’arbitre du terrain. L’Allemand attrape Nasser Al-Khelaïfi par l’écharpe ( !) et lui glisse, comme on glisserait une pièce dans un juke-box : "C’est le même arbitre que contre Guingamp, celui qui a sifflé trois penalties contre nous." Puis quand l’arbitre passe, le patron du club parisien lui lance : "Il faut élever le niveau du football français !" Comprendre : il faut élever celui des arbitres à hauteur... de celui du PSG.

On a joué comme des débutants.
Kylian Mbappé après le match

Plus étonnant, on voit aussi dans ces images Kylian Mbappé perdre son sang-froid et hurler son dépit, lui aussi dirigé contre l’arbitrage de Benoît Bastien : "Il nous prend la Coupe de la Ligue, cet arbitre (Paris avait été éliminé de cette compétition le soir où M. Bastien avait sifflé trois penalties pour Guingamp en quarts de finale, ndlr), il nous prend des joueurs (sous-entendu : il nous les blesse en ne les protégeant pas assez), il nous prend tout !"

Un peu plus tôt, au micro de Canal+, le jeune prodige français avait déjà éructé, mais il avait alors ciblé... ses propres coéquipiers, lâchant : "On va être champions mais il faut perdre avec la manière. On doit jouer avec plus de personnalité. C’est l’un de nos défauts et il va falloir vite corriger ça. On a joué comme des débutants. Il faut se reconcentrer. Il faut arrêter de perdre comme ça."

C'est la dixième fois de la saison qu'on joue avec 14 ou 15 joueurs parce qu'on n'a pas la possibilité de choisir 16 joueurs.
Thomas Tuchel après le match

Des propos presque aussitôt repris de volée par Thomas Tuchel, quelques minutes plus tard en conférence de presse : "Ah oui, il manquait Edi Cavani, Angel Di Maria, Neymar, Marquinhos, Thiago Silva... Beaucoup de personnalités (sourire). Et ceux qui ont joué ? Qui ? Colin Dagba ? Moussa Diaby ? (de très jeunes élements, ndlr) Ils doivent montrer, à dix, de la personnalité ? Ou Thilo Kehrer qui est malade ? Non, ce n’est pas comme ça. C'est l'inverse. Cette défaite montre la personnalité dont l'équipe a fait preuve depuis plusieurs semaines, à chaque match, parce qu'on a eu 20 points d'avance et c'est notre mentalité. Je dois défendre mon équipe et ce n'est pas mon avis."

Outre cette critique de l'analyse de Kylian Mbappé, taxé d'individualisme (lui ne défend pas son équipe), l’entraîneur allemand, lui aussi, a choisi de jouer sa propre partition lors de cet après-match anarchique. Et lui aussi a tenu à extérioriser le véritable fond de sa pensée... "On a dû jouer avec Moussa Diaby, qui n'a fait que deux entraînements depuis sa blessure, et Thilo Kehrer, qui est malade. Normalement, ce n'est pas possible qu'il soit avec nous... C'est la dixième fois de la saison qu'on joue avec 14 ou 15 joueurs parce qu'on n'a pas la possibilité de choisir 16 joueurs (c’est même 18 normalement, ndlr). Mais tout le monde pense qu'on peut gérer ça parce qu'on gagne, on gagne, on gagne. Sauf que contre une équipe comme Lille, c'est trop."

"C'est clair, non ?"

Thomas Tuchel pointe ici les manques de l’effectif mis à sa disposition, mais aussi l’accumulation des blessés ("Ça ne peut pas être que de la malchance") et par ricochet toute la politique sportive parisienne. "Il nous manque Adrien Rabiot et Lass Diarra pour la saison", a-t-il en effet enfoncé, révélant finalement son désaccord concernant la mise à l’écart de ces deux joueurs par les dirigeants. Un journaliste a ensuite demandé si le coach visait alors spécifiquement son directeur sportif, Antero Henrique. Réponse : "Je ne sais pas, c'est clair, non ? C'est la réalité, je suis entraîneur et depuis dix semaines, on n'a pas la possibilité de choisir 16 joueurs."  S’il est rare de voir le PSG humilié en Ligue 1, il l’est peut-être encore plus d’entendre un entraîneur critiquer ainsi sa hiérarchie à haute voix... Et, ces prochains jours, Martine Aubry ne sera plus là pour faire rempart.


Hamza HIZZIR

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