TÉMOIGNAGE - Il a été la star de la natation française du début des années 2010. Seul nageur tricolore à avoir remporté deux titres sur une même édition des JO, Yannick Agnel est aujourd'hui heureux loin des bassins. Le double champion olympique, retiré depuis la fin des Jeux de Rio, est retombé dans un certain anonymat, le temps pour lui de se ressourcer et de décider de quoi sera faite sa "deuxième vie".
"J'ai un souci dans ma vie, je suis très grand. Même si j'essaie de me faire petit, on me remarque tout de suite ! (rires)" Du haut de ses 2,02 mètres, Yannick Agnel ne passe pas inaperçu avec ses mèches blondes et son grand sourire. Le Nîmois, bavard mais réfléchi, prenant bien soin de peser chaque mot qu'il prononce, nage dans le bonheur. D'ordinaire, à l'approche de la trentaine, l'âge de la plénitude, les athlètes professionnels sont en quête de titres et de médailles. À 26 ans, l'ancien patron de la natation tricolore a emprunté un autre chemin. Deux ans et demi après s'être retiré des bassins à la suite à son élimination dès les séries du 200 mètres, sa distance de prédilection, et un imbroglio avec le relais français aux Jeux de Rio, il s'épanouit dans sa "deuxième vie". Apaisé et transformé, il porte un regard nouveau sur le parcours qui l'a façonné en tant qu'homme.
C'est ainsi, avec une grande maturité, qu'il déroule ses sept années au plus haut niveau. Sept années durant lesquelles il a vécu "le plus haut comme le plus bas." Immédiatement, il repense à son titre olympique sur 200m nage libre en 2012, la première médaille de l'histoire de la natation française sur cette distance, et à la ferveur populaire qui en a découlé. "Ce qui est étonnant quand tu deviens champion olympique, c'est que toi tu ne changes pas mais le regard des gens oui. Il te force quelque part presque à changer", explique l'ancien nageur de l'Olympic Nice Natation (2006-2014). "Quand tu gagnes en notoriété, tu te découvres aussi de la "famille". C'est classique. Il y a d'ailleurs un truc ultra marquant que m'a dit mon père lors d'une fête avec mes proches au retour de Londres pour célébrer mes trois médailles. Il m'a pris entre quatre yeux et m'a dit : "Écoute Yannick, tu ne seras plus jamais à nous. Maintenant, tu appartiens à la France et au monde entier."
Dépression, burn-out... et retraite anticipée
Après avoir tutoyé l'Olympe à Londres, le "Squale", surnommé ainsi en raison de son féroce appétit de victoires, rompt en avril 2013 avec Fabrice Pellerin, son mentor depuis sept ans. À Nice, il sombre dans une semi-dépression. Le malaise est profond. Il pense même à tout arrêter. "Il y a eu des remous pour des histoires que je ne veux pas ressasser ici", lâche-t-il, laconiquement.
Épaulé par sa famille, Yannick Agnel quitte l'ONN, le club de natation où il est arrivé à l'âge de 14 ans, et s'en va voir si l'eau n'est pas plus bleue à Baltimore avec Bob Bowman, le génie derrière les razzias de Michael Phelps, le sportif le plus titré de l'histoire des Jeux d'été. Trois mois plus tard, le Nîmois devient champion du monde à Barcelone. Mais très vite, l'armure se fissure et il implose. Les méthodes d'entraînement américaines, trop rudes à son goût, ne lui permettent pas de performer en compétition. En septembre 2014, il décide de rentrer en France pour se poser à Mulhouse, avec Lionel Horter.
Dix-huit mois plus tard, les JO 2016 sonnent la fin de son histoire avec la natation, à seulement 24 ans. Éliminé en séries sur sa distance fétiche et au bord du gouffre physiquement, le Niçois d'adoption est aussi marqué profondément dans sa chair par le décès de Camille Muffat, son amie et sa partenaire d'entraînement, en mars 2015 dans un accident d'hélicoptère.
"Il y a eu maintes péripéties durant ma carrière. J'ai vécu des choses, typiquement mon burn-out aux États-Unis, qui font qu'à un moment j'ai été poussé vers la sortie soit par mon état physique soit par divers événements qui ont eu lieu ces dernières années et qui ont été difficiles à encaisser", analyse-t-il avec le recul des années. "Je m'étais dit, il y a quelques années, le jour où je ne trouve plus ça fun et où je n'apprécie plus ce que je fais au quotidien, j'arrête. J'ai eu cette liberté-là. Je préfère être passionné, être à 100%, en pleine forme et me régaler plutôt que d'être à la peine pendant des années, tout ça pour tirer quelques deniers supplémentaires. Ce n'est pas un truc qui m'intéresse. D'autant plus qu'en natation, on fonctionne par cycle olympique, par cycle de quatre années. Quand il faut se projeter sur quatre nouvelles années, c'est long. J'avais vraiment la volonté d'arrêter jeune pour ne pas avoir à être intégré par défaut à un univers auquel je ne m'identifiais pas."
Des bassins aux arènes de l'eSport
S'ensuit un silence médiatique interminable. "C'était une volonté de ma part", clarifie Yannick Agnel. "Je savais que j'avais une page blanche devant moi après l'arrêt de ma carrière et que j'avais tout à réécrire. Quand tout s'arrête de façon si abrupt, qu'il n'y a plus personne qui répond au bout du fil alors que pendant des années, pendant que tu es en activité, tout est servi sur un plateau en permanence, c'est difficile de se construire une histoire, un sens, une stabilité." Pendant de longues semaines, de longs mois, le jeune retraité se cherche. "J'avais besoin de rompre avec ce fil rouge qu'a été le sport durant toute ma jeunesse, histoire de me recentrer et de me ressourcer. J'ai fait un peu le tour du monde, j'en ai profité pour rencontrer des gens exceptionnels et faire des trucs que je n'avais pas pu faire jusque-là : passer mon permis de conduire, étudier la finance à Dauphine, apprendre une langue, etc... Au final, ça m'a permis d'affiner, un peu comme un entonnoir, la direction à prendre."
Parfois, la bascule peut surprendre, mais pour le Gardois, elle a été évidente. "J'ai trouvé les passions qui me font me lever le matin", témoigne-t-il. Installé à Paris, il partage son temps entre ses sponsors, le futur "café beauté" tenu avec sa compagne, l'écriture d'un livre pour les jeunes et les conférences où il témoigne de son expérience de sportif de haut niveau. En parallèle, Yannick Agnel plonge la tête la première dans l'eSport (ou jeu vidéo compétitif) en parrainant une académie à Marseille. "Il n'y a pas eu de cheminement où je me suis dit : "Il faut que j'aille dans l'eSport. Avant d'arrêter, je vivais beaucoup pour un quotidien rythmé avec de l'adrénaline, des challenges et des défis", confie le directeur sportif de la structure Mon Club eSport (MCES). "C'est un peu comme en amour, c'est quand tu commences à arrêter de chercher que le truc te tombe dessus. Tout est parti d'une rencontre humaine, avec Romain Sombret (fondateur de MCES, ndlr). Ça a été d'un naturel évident."
Gamer passionné et consommateur d'eSport, il a pour mission d'accompagner et de transmettre son savoir, non pas du jeu vidéo mais de la performance sportive, aux as de la manette et du clavier actifs sur plusieurs jeux comme Fortnite, League of Legends et FIFA. "C'est très exaltant de passer de l'autre côté de la barrière, de passer de jeune con à vieux con, d'un coup, si jeune", s'amuse le retraité des bassins, qui retrouve "les sensations" qu'il avait lorsqu'il faisait des longueurs de piscine.
Pour mener à bien sa nouvelle mission, Yannick Agnel s'inspire de personnalités sportives qu'il "adule" et "ont des performances sans forcément se mettre être en avant". "Je pense à un Didier Deschamps. Je ne l'ai jamais entendu dire soit du mal de ses joueurs soit qu'il était plus important qu'eux", explique-t-il. L'ancien nageur tient aussi en haute estime Yannick Noah, avec qui il partage le même prénom grâce à son père, grand fan de tennis. "Étonnamment, on lui crache beaucoup dessus mais, à chaque fois qu'il est dans une équipe, force est de constater que cela lui réussit. Il est super positif."
Mais si le double champion olympique à la retraite a accepté de relever le défi MCES, c'est aussi parce qu'indirectement cela fait écho à sa propre histoire. "Moi, ce qui m'intéresse, c'est le bien-être des gamers. Je souhaite qu'ils puissent vivre le plus longtemps possible de leur passion", poursuit-il. "Je veux éviter que ces jeunes-là, parce qu'ils jouent et qu'ils ont un quotidien sensiblement équivalent à celui que j'avais, c'est-à-dire s'entraîner sept à huit heures par jour, tombent en burn-out avant l'âge de 23 ou 24 ans." Et ainsi qu'ils ne soient pas cramés ou dégoûtés comme lui l'a pu l'être avec la natation.
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