Championnat arrêté, difficultés économiques ... le casse-tête du mercato pour les clubs français

par Allan DELAMOTTE
Publié le 14 juin 2020 à 14h50
Championnat arrêté, difficultés économiques ... le casse-tête du mercato pour les clubs français
Source : CLOSON DENIS/ISOPIX/SIPA

MERCATO - Comme tous les secteurs d'activité en cette période inédite, le football français est fortement impacté par les conséquences économiques de l'épidémie de Covid-19. Sans rentrée d'argent depuis des mois, les clubs hexagonaux vont devoir revoir leurs dépenses à la baisse en vue du mercato estival. Christophe Hutteau, agent de joueurs, revient sur cette situation particulière.

Depuis le 11 mai dernier, la France reprend petit à petit des couleurs après avoir été plongée dans un confinement strict de près de deux mois. Conséquence directe de ce confinement, dicté par l'épidémie de Covid-19 qui a touché le monde entier, de nombreux secteurs d'activité ont enregistré des pertes colossales et peinent à remonter la pente. Et le football français ne fait pas exception à la règle. Selon le président de l'Olympique Lyonnais, Jean-Michel Aulas, les clubs hexagonaux ont enregistré un "déficit d’exploitation" d'1,2 milliard d’euros.

Pour ne rien arranger, le football français a été la seule nation du "Big 5" européen à acter la fin de ses championnats dès la fin du mois d'avril, alors que la Bundesliga a repris la compétition, tout comme la Liga. La Serie A et la Premier League devraient emboîter le pas dans les prochains jours. Une situation qui a un impact important sur le mercato estival, qui est donc coupé en plusieurs segments.

La France, le dindon de la farce ?

Contacté par LCI, l'agent de joueurs Christophe Hutteau revient sur ce cas de figure inédite : "Le problème est simple : hormis la France, tous les autres grands championnats ont décidé de reprendre la compétition. Donc, de facto, il est impossible pour les clubs étrangers de recruter, ils sont obligés d’attendre la dernière journée de leur propre championnat avant de passer à l’action. Et c’est l’un des points d’inquiétude majeurs du football français aujourd’hui. C’est pourquoi un mercato franco-français s’est ouvert il y a quelques jours (ndlr : le 8 juin), et qui ne durera pas longtemps, à peine un mois, avant de laisser place, j’ai envie de dire, au vrai mercato avec l’ensemble des pays européens. Mais celui-ci ne pourra pas débuter avant début août, voire mi-août."

C'était sans compter sur l'Italie, qui a décidé de fixer son mercato du 1er septembre au 5 octobre prochain. Une décision qui pourrait tout bouleverser sur le marché européen, et plus particulièrement en France : "Lorsque le mercato dure douze semaines, jusqu'à fin août, on assiste régulièrement à une frénésie du mercato dans les derniers jours. Si tout le monde s’aligne plus ou moins sur ce qui a été déterminé en Italie, on risque d’assister à un mercato qui va vraiment commencer début septembre. Le problème, c’est que début septembre, la compétition en France aura repris, donc nos clubs vont, une nouvelle fois, se retrouver désavantagés et en situation de concurrence déloyale."

Des budgets totalement bouleversés

De plus, la décision du Conseil d'Etat de suspendre les relégations d'Amiens et de Toulouse, ordonnant à la LFP de réexaminer le format de la Ligue 1 pour la saison 2020-2021, n'est pas pour faire les affaires des clubs de l'élite : "Les clubs, aujourd’hui, sont quasiment tous dans l’attente. Ils avaient tablé sur une augmentation importante des droits TV avec l’arrivée de Mediapro la saison prochaine, cette décision veut donc dire que le budget prévisionnel qu’ils avaient établi ne sera plus le même. Donc c’est un vrai motif d’inquiétude qui n’incite pas les clubs à passer l’action au niveau du mercato. Il ne faut pas oublier que les clubs français n’ont eu aucune activité économique pendant cinq mois et se retrouvent aujourd’hui dans une situation précaire."

"Ils avaient tablé sur une augmentation importante des droits TV avec l’arrivée de Mediapro la saison prochaine, cette décision veut donc dire que le budget prévisionnel qu’ils avaient établi ne sera plus le même. Il sera moindre. Donc c’est un vrai motif d’inquiétude qui n’incite pas les clubs à passer l’action au niveau du mercato. Si Toulouse et Amiens restent en L1, ils vont très certainement vendre moins de joueurs que prévu. Aujourd’hui, je peux affirmer que les enveloppes allouées au recrutement de joueurs sera bien moindre que celle qu’ils imaginaient il y a trois mois, c’est une évidence. Le manque de recettes impliquent une baisse des dépenses, notamment sur les transferts et salaires" poursuit l'agent de joueurs.

On a perpétué le lien entre le football et eux, c’était important.
Christophe Hutteau, agent de joueurs.

Christophe Hutteau explique également que la manière d'opérer sur le terrain des transferts a, de fait, totalement été modifiée : "La grande différence, c’est que jusqu’à présent, on ne pouvait pas se déplacer, comme tout le monde. De fait, on a beaucoup travaillé par téléphone, par visio, alors que notre métier est basé sur le contact, la rencontre, la négociation autour d’une table. Donc oui, le changement a été brutal et très particulier", explique-t-il.

"En revanche, pour nous agents, on n’a pas observé d’accalmie. J’ai même envie de dire qu’on a plus travaillé qu’à l’habitude. Il a fallu être propre des joueurs et entraîneurs dont on gère les intérêts, car il y avait beaucoup d’inquiétude, beaucoup d’interrogations, il fallait être présent pour y répondre. (...) Pour certains de mes joueurs, je les avais tous les jours au téléphone ! Donc oui, la période a été "énergivore" pour nous. On a perpétué le lien entre le football et eux, c’était important", a-t-il ajouté.

Quid des joueurs en fin de contrat ?

Dans ce mercato "historique", la question des joueurs en fin de contrat pose également question. Seront-ils obligés d'étendre leurs contrats avec leurs clubs pour disputer la fin des championnats ? Pour Christophe Hutteau, cela paraît hautement improbable : "Le fait d’étendre les contrats des joueurs en fin de contrat pour leur permettre de disputer la fin d’un championnat ou la Ligue des champions, cela ne pourra se faire que sur la base du "volontariat". Quand je parle de "volontariat", je parle d’une décision qui ne devra pas être unilatérale."

Pour ceux déjà engagés ailleurs, ils ne pourront jouer avec leurs futurs clubs qu'une fois la saison terminée : "Ils peuvent déjà s’engager depuis le 1er janvier en faveur de leur futur club à compter du 1er juillet. Maintenant, en ce qui concerne les compétitions en cours, même si le joueur en France s’est engagé avec son futur club à l’étranger, il ne pourra pas disputer les compétitions de la saison en cours. On assisterait sinon à des situations d’injustice totale, ce n’est pas entendable."


Allan DELAMOTTE

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