Décès de David Stern : l'héritage monumental de l'architecte de la NBA moderne

Publié le 2 janvier 2020 à 14h17, mis à jour le 2 janvier 2020 à 15h58
David Stern, patron de la NBA de 1984 à 2014, est décédé mercredi 1er janvier à 77 ans.

David Stern, patron de la NBA de 1984 à 2014, est décédé mercredi 1er janvier à 77 ans.

Source : BRENDAN SMIALOWSKI / AFP

PORTRAIT - Grand patron de la NBA de 1984 à 2014, David Stern est décédé mercredi à l'âge de 77 ans, trois semaines après avoir été hospitalisé d'urgence. L'Américain, aux affaires pendant 30 ans, a révolutionné la Ligue nord-américaine de basket-ball, devenue durant son mandat l'une des plus puissantes et prospères.

"Sans lui, la NBA ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui." Par ces quelques mots, Michael Jordan résume le visionnaire qu'était David Stern, décédé ce mercredi 1er janvier à 77 ans, trois semaines après avoir été hospitalisé d'urgence à la suite d'une hémorragie cérébrale. Patron de la Ligue nord-américaine de basket-ball de 1984 à 2014, il fut le stratège qui lui a (re)donné ses lettres de noblesse. Il en a fait, sous son ère, l'une des organisations les plus puissantes, prospères et populaires. 

"Quand David a repris la NBA en 1984, la Ligue était à la croisée des chemins. Mais, en 30 ans en tant que commissaire, il a inventé la NBA mondiale moderne", a rappelé Adam Silver, son successeur au poste de "commissionner" qu'il a lui-même choisi, dans un communiqué lui rendant hommage.

Du "bad trip" à la "Dream Team"

Car, lorsque ce fils d'épicier, né à New York en 1942, reprend la Ligue en main au milieu des années 80, la NBA est en plein "bad trip". Larry O'Brien, son prédécesseur, lui a laissé une organisation en proie à de graves difficultés financières, avec des salles vides et des franchises qui perdent de l'argent. Boudé par le public qui lui préfère le football américain (NFL) et le baseball (MLB), le basket nord-américain est - pour ne rien arranger - plombé par la répétition des affaires de racisme et de drogue. Selon une étude du Los Angeles Times, 40 à 75% des joueurs prenaient de la cocaïne à cette période.

Une vision claire de ce que doit être la NBA

Certain d'avoir, avec la NBA, un diamant brut entre les mains, le "commish" choisit de mieux l'exposer. D'abord, aux États-Unis, en renégociant à la hausse les droits télévisés avec les chaînes nationales. Puis, à l'échelle mondiale, en œuvrant à l'internationalisation du basket nord-américain. Outre la participation de la "Dream Team" de Michael Jordan, Magic Johnson et Larry Bird aux JO de 1992, qui installe définitivement la Ligue comme une marque globale, David Stern se lance à l'assaut de l'Europe, de l'Asie, de l'Amérique latine, en délocalisant des matches et en recrutant des joueurs sur ces marchés. 

Une stratégie florissant à plus d'un titre puisque, durant son mandat, la NBA se métamorphose - sept équipes dont deux au Canada s'ajoutent aux 23 existantes, la "lottery" est créée -, se décline avec la WNBA et la G-League, et devient prospère avec une explosion de ses revenus globaux (de 118 millions de dollars en 1983 à 4 milliards en 2014). En trois décennies, le salaire moyen des joueurs est, lui, multiplié par 20, atteignant 5 millions dollars. "Lorsque j'ai repris la NBA, du fait de leur réputation, nos joueurs étaient en bas de la pyramide des célébrités. Maintenant, ils sont en haut. Ils sont les plus écoutés, les plus aimés et les athlètes les plus importants tous sports confondus", se félicitait Stern ces dernières années. "Chaque membre de la famille NBA bénéficie de la vision, de la générosité et de l'inspiration de David", a reconnu Adam Silver, son ex-collaborateur, qui a poursuivi le travail entrepris avec l'arrivée de la publicité sur les maillots, le développement multimédia et l'ouverture aux paris sportifs.

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Désireux de polir l'image de la Ligue, pour la rendre de nouveau éclatante, il s'attaque à tout ce qui, selon lui, n'a pas sa place en NBA. Le drogue en tête. Intransigeant en matière de dopage, il est à l'origine de la suspension à vie en 1986 de Michael Ray Richardson, l'un des meilleurs joueurs, quatre fois All-Star et élu trois fois meilleur intercepteur, après un troisième contrôle positif à la cocaïne. En 2005, échaudé par les dérives vestimentaires des joueurs, dont les frasques d'Allen Iverson, il leur impose un "dress-code". 

David Stern a fait l'histoire

Magic Johnson

En parallèle mais toujours de front, l'architecte de la NBA moderne mène plusieurs combats sociaux. Outre la promotion des minorités et le développement de programmes d'éducation à destination des jeunes populations de pays pauvres, il est en première ligne lors de l'annonce en 1991 de la séropositivité de Magic Johnson, son joueur préféré. "David Stern a fait l'histoire. Lorsque j'ai annoncé que j'avais le VIH, les gens pensaient qu'ils pouvaient l'attraper en me serrant la main. Lorsque David m'a autorisé à jouer le All-Star Game d'Orlando en 1992 puis pour la Dream Team, nous étions en capacité de changer le monde", a salué sur Twitter l'ancien meneur des Los Angeles Lakers, "dévasté" à l'annonce de la nouvelle. 

"Je ne peux mettre de mots sur ce qu'a représenté pour moi l'amitié de David Stern", a pour sa part réagi Bill Russel, joueur le plus titré de l'histoire de la NBA avec 11 trophées. "David était un grand novateur et a fait du jeu que l'on aime ce qu'il est aujourd'hui". Parmi les nombreuses personnalités à avoir croisé au moins une fois sa route, le jeune retraité Tony Parker a posté un cliché le montrant serrer la main de l'ancien commissaire de la NBA sur l'estrade du Madison Square Garden lors de la draft de 2001.

Toujours aux affaires... même retraité

Mais le règne de David Stern n'est pas qu'un long fleuve tranquille. En décalage avec les évolutions culturelles de la société, provoquant un début de scission avec la nouvelle génération, il se met par deux fois à dos l'Association des joueurs. Il se révèle être en effet un homme d'affaires redoutable au moment de partager les billets verts avec les joueurs et les propriétaires de franchises. Ses conflits ouverts conduisent aux "lock-out" des saisons 1998-1999, amputée de 32 matches, et 2011-2012, allégée 16 matches. De longues grèves, surtout la dernière, dont il ressort éprouvé physiquement et mentalement.

En coulisses, il prépare savamment sa succession. Une sortie orchestrée plus d'un an à l'avance. Sur sa proposition, Adam Silver, l'un de ses plus fidèles, est choisi à l'unanimité en 2012 par le conseil d'administration de la Ligue pour reprendre son costume au terme de son mandat, le 1er février 2014. Intronisé au "Hall of Fame" du basket en 2016 et nommé "commissaire émérite", David Stern ne restera jamais très loin du jeu, s'assurant jusqu'au bout que le monde soit sans frontières pour la NBA.


Yohan ROBLIN

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