Diego Maradona à l'OM, le récit d'un "coup du siècle" presque réussi

Publié le 26 novembre 2020 à 17h55

Source : JT 20h Semaine

TRANSFERT - À l'été 1989, Diego Maradona a failli signer à l'OM. Bernard Tapie, le président de l'époque, avait déroulé le tapis rouge à l'Argentin. Un intérêt auquel il n'était pas insensible... mais qui ne s'est pas concrétisé.

"Maradona, c'est un rendez-vous manqué avec Marseille, malheureusement". Trente-et-un ans après, Bernard Tapie ne peut toujours pas cacher ses regrets à l'évocation du nom de Diego Maradona. Des regrets ravivés par la disparition soudaine du "Pibe de Oro", à l'âge de 60 ans, terrassé par une crise cardiaque, mercredi 25 novembre, à son domicile de la banlieue de Buenos Aires. À l'été 1989, le président de l'OM avait tenté de le ramener sur la Canebière. Un mois durant, il s'était accroché à l'espoir de recruter ce qui se faisait de mieux au monde à l'époque. En vain. "Si tout le monde avait gardé sa langue... Il aurait fait une saison avec nous, au moins. Voire deux", déplore l'ancien dirigeant dans les colonnes de La Provence

On rembobine. Au début des années 80, l'OM vit des années noires. Le club, proche de la faillite, végète en deuxième division. Courant 1986, poussé par le maire de Marseille Gaston Defferre, Bernard Tapie reprend le flambeau. L'homme d'affaires se fixe l'objectif de remporter la Coupe d'Europe. En trois ans, il améliore son effectif, de façon à être plus compétitif. En 1989, à la tête de l'un des plus bels effectifs d'Europe, avec Papin et Cantona, il veut toujours plus. Il cherche toujours à ce que Marseille fasse l'événement. Le "Boss" ne le sait pas encore mais "une super affaire", nommée Maradona, va se présenter à lui. 

"C'est simple, on cherchait LE joueur qui allait faire passer un palier à l'OM. Et à cette époque, LE joueur, c'est Maradona", avait-il confié à So Foot. Fin mai 1989, fraîchement sacré champion de France avec son OM, Tapie aperçoit une ouverture. Il va s'y engouffrer. Michel Basilevitch, un agent implanté à Naples, informe Michel Hidalgo, le manager de l'époque, que "Dieu" veut quitter Naples. L'Argentin a apporté un Scudetto (1987) au Napoli, le premier de l'histoire du club italien, et une victoire en Coupe de l'UEFA (1989). Mais le Diego solaire a laissé place à un Diego ombragé. Adulé lors de ses premières années, l'idole se morfond, gangréné par ses addictions à l'alcool et à la cocaïne et ses relations avec la Camorra, la mafia locale. 

Je le paierai 20 millions par an, c'est cadeau
Bernard Tapie, à propos du salaire de Diego Maradona à l'OM

"Tapie est parti au quart de tour, m'a expliqué que ce n'était pas une question d'argent et m'a proposé de prendre son avion privé pour aller rencontrer Maradona chez lui à Naples", racontera l'ancien sélectionneur de l'équipe de France, disparu le 26 mars dernier. "Il me dit de tout promettre", poursuivra-t-il dans L'Équipe. Le rendez-vous secret a lieu le 2 juin. Hidalgo est accueilli dans la cuisine de Maradona, qui fête ce jour-là le baptême de sa fille. Les premiers contacts sont noués. "Maradona ne parle pas d'argent, il ne dit jamais oui. Tout ce qui l'intéresse, c'est la villa en bord de mer", à Cassis, expliquera Michel Hidalgo.  

Mais il y a des trous dans la raquette. Le lendemain, tout fuite dans la presse. Corrado Ferlaino, le président du Napoli, crie que "El Diez" ne partira. Pourtant, à l'initiative de l'avocat du joueur Guillermo Coppola, une rencontre Tapie-Maradona est fixée à Milan dans un grand hôtel. Le patron de l'OM se rend en Lombardie, en avion privé, pour participer à l'entrevue. 

Villa en bord de mer, avec piscine, garage fermé pour ses Ferraris : il fait tout et donne tout pour séduire et convaincre l'Argentin d'accoster sur le Vieux Port. Il lui propose même de doubler son salaire. Sur le plateau de Téléfoot à l'époque, le président de l'OM justifie l'investissement auquel il consent pour venir Maradona à Marseille. "Je le paierai 20 millions par an. C'est cadeau, c'est strictement zéro. C'est même beaucoup moins que si vous donnez 50.000 à un joueur de Laval !", lâche-t-il. 

Une rencontre confirmée par "El Pibe de Oro" en personne. "Les dirigeants de Marseille m'ont contacté et m'ont proposé de doubler mon salaire", a-t-il expliqué dans les colonnes de France Football en octobre dernier. "J'évoluais alors à Naples et le président Corrado Ferlaino m'avait dit que, si on décrochait la Coupe d'Europe, il me laisserait partir. Bernard Tapie et Michel Hidalgo sont même venus me voir jusqu'en Italie pour me faire une proposition et pour qu'on en discute tous ensemble". 

L'impossible transfert

Mais, alors que Naples a entrouvert la porte, l'affaire capote finalement. "Une fois que je suis retourné à Naples, j'ai dit à Ferlaino : 'Merci président pour toutes ces belles années, je m'en vais'. À ce moment-là, il a commencé à faire l'idiot, comme s'il ne comprenait pas, et il a fait marche arrière. Fin de l'histoire." Une version remise en cause par Luciano Moggi, le directeur sportif du Napoli à l'époque. "Naples avait décidé de ne pas transférer Maradona. Bernard Tapie savait très bien que ça ne se produirait pas. Il s'en est servi pour faire un peu de publicité et pour servir ses intérêts. Maradona a toujours voulu rester à Naples", affirme-t-il à RMC Sport. "Il y a eu des offres de Tapie, évidemment, mais à aucun moment il n'a demandé à quitter le Napoli."

"Tout était presque prêt", maintient l'ancien président de l'OM dans Le Point, "mais une fuite d'un des cadres de l'OM a fait capoter le transfert, car nos négociations devaient rester secrètes". En coulisses, il se dit que Marco Franchi, l'un des agents du génie argentin, aurait freiné l'éternel numéro 10. "On ne va pas à Marseille, ce n'est pas mieux que Naples", aurait-il soufflé à son client. Diego Maradona continuera finalement à Naples, qu'il quittera par la petite porte en 1991, sali par un contrôle positif à la cocaïne. "Peut-être qu'on aurait pu l'aider à sortir de l'environnement dans lequel il était", regrette aujourd'hui Bernard Tapie, qui est revenu à la charge en 1992, avec le même résultat. Malheureusement, on ne le saura jamais...


Yohan ROBLIN

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