GROGNE - Depuis plusieurs jours, l'atmosphère est devenue irrespirable à Melbourne, qui accueille l'Open d'Australie, en raison d'un amas de fumées toxiques provenant des incendies qui sévissent dans le sud-est du pays. Plusieurs joueuses et joueurs, incommodés, s'inquiètent pour leur santé et appellent les organisateurs à la raison.
La pluie n'a pas chassé la polémique. Alors que les premières gouttes sont tombées ce jeudi 16 janvier sur les courts de Melbourne, qui accueille l'Open d'Australie jusqu'au 2 février, la grogne chez les joueuses et les joueurs ne faiblit pas. La faute à la décision prise par les organisateurs, au mépris des recommandations, de maintenir malgré tout les deux premières journées de qualifications , mardi et mercredi.
Les fumées nocives, dégagées par les gigantesques feux qui ravagent le pays depuis des mois, ont en effet enveloppé la capitale de l'État du Victoria dans un épais nuage toxique. Un niveau de pollution qualifié de "dangereux" par les autorités locales, qui ont invité les habitants de la région à rester cloîtrés chez eux, portes et fenêtres fermées, et à ne sortir sous aucun prétexte leurs animaux.
Sans surprise, l'air rendu irrespirable par les incendies, avec des taux de pollution relevés 20 fois supérieurs aux normes sanitaires, couplé aux très fortes chaleurs de l'été australien, a fait ses premières victimes du côté du Melbourne Park. "Nous avons entendu une panoplie de symptômes, allant d'étourdissements aux maux de tête, pendant (et après) les matches", a évoqué la Canadienne Gabriela Dabrowski, qui fait partie du Comité des joueuses de la WTA, l'Association des joueuses du circuit féminin. "(Les joueuses et les joueurs) ont aussi ressenti des picotements aux yeux et de la difficulté à respirer".
Un abandon et des malaises en série
Mardi, la Slovène Dalila Jakupovic, pourtant partie pour se qualifier, a abandonné en plein match après avoir été terrassée par une violente quinte de toux. "Je n'ai jamais ressenti ça. J'ai vraiment eu peur de m'évanouir (...) Ce n'est pas sain", a-t-elle confié, une fois remise de ses émotions. Plus tard, c'est Bernard Tomic qui s'est plaint de difficultés à trouver son souffle lors de sa défaite contre l'Américain Denis Kudla. "Il n'y a pas d'air. Je me fatigue facilement", a expliqué l'Australien, qui a eu recours à de la Ventoline.
Également incommodée, Eugénie Bouchard a souffert de "pointes dans les poumons" face à la Chinoise Xiaodi You, l'obligeant à rentrer se reposer dans les vestiaires. "Je ne vous mentirai pas, les conditions ont été difficiles. Vers la fin du deuxième set, c'était difficile de respirer", a raconté la Québécoise.
Awful scenes in Melbourne. Dalila Jakupovic has abandoned her #AusOpen qualifying match after suffering a coughing fit while playing in thick smoke caused by the #AustralianFires . pic.twitter.com/WAJv6TzTjW — ESPN Australia & NZ (@ESPNAusNZ) January 14, 2020
Avez-vous pensé aux conséquences sur notre santé ?
Mandy MINELLA, 140e joueuse mondiale
Dans ce contexte, Elina Svitolina, numéro 5 mondiale, est la première à être montée au créneau. "Pourquoi avons-nous besoin d'attendre qu'il se passe quelque chose de grave pour réagir ?", a écrit l'Ukrainienne, accompagnant son tweet d'un relevé de la qualité de l'air. Engagés sur les qualifications, la Luxembourgeoise Mandy Minella, l'Américain Noah Rubin et la Belge Kirsten Flipkens ont également fait part de leur incompréhension. "Avez-vous pensé aux conséquences sur notre santé ? Sur le long terme ?", a demandé la 79e joueuse mondiale aux organisateurs du premier tournoi du Grand Chelem de l'année.
Why do we need to wait for something bad to happen to do an action 🤷🏼♀️🥵 #Melbourne pic.twitter.com/bYpXyQAfKe — Elina Svitolina (@ElinaSvitolina) January 14, 2020
Confrontés à l'entêtement de Craig Tiley, le directeur de l'Open d'Australie, qui avait expliqué qu'une annulation, la première depuis la Seconde Guerre mondiale, était peu probable, la grogne s'est étendue à des noms plus connus. Vasek Pospisil, ancien numéro 25 mondial, a estimé que la situation était "absurde" et qu'il était "temps pour un syndicat des joueurs". Une idée soutenue par Alizé Cornet. "Nous devons rester unis et mettre fin à ce non-sens", a tweeté l'ex-numéro 1 française. Gilles Simon, lui, a ironisé sur les choix allant à l'encontre de la santé. Une critique sur les risques encourus mise en image par un post Instagram de Nicolas Mahut, où on peut voir le Français arborer un masque de protection facial avant son match.
Mercredi, en raison de la persistance des fumées toxiques sur Melbourne, les entraînements des têtes d'affiche ont été annulés ou, comme pour Rafael Nadal, délocalisés en intérieur à la Rod Laver Arena. Pourtant, bien que retardés de trois heures, les matches de qualification se sont eux déroulés... comme si de rien n'était. Car, malgré une qualité de l'air définie comme "très mauvaise", se retirer du tournoi serait trop risqué financièrement pour la plupart des joueurs. De fait, même une défaite au premier tour des qualifications rapporte environ 12.000 euros. Ici, l'impératif financier prime donc sur la santé.
Où est la protection des joueurs ?
Liam BROADY, 234e joueur mondial
"Plus je pense aux conditions dans lesquelles nous avons joué il y a quelques jours, plus j'enrage", a tweeté ce jeudi Liam Broady, dénonçant la décision de laisser les matches se jouer après consultations d'experts. "On ne peut pas laisser filer ça. Le mail que nous avons reçu était comme une gifle au visage, les conditions étaient "jouables". Étaient-elles "saines" ?", s'est interrogé le Britannique, 234e mondial. "Le jour où j'ai joué, les habitants de Melbourne avaient reçu la consigne de garder leurs animaux à l'intérieur. Et pourtant, on attendait de nous que nous réalisions dehors un effort physique de haute intensité ! Que doit-on faire pour créer un syndicat des joueurs ? Où est la protection des joueurs, des hommes comme des femmes ?".
Un cri d'alarme relayé en masse sur les réseaux sociaux par une bonne partie du circuit, à l'instar de Dustin Brown. L'Allemand, 203e mondial, a retweeté le message de Broady, expliquant avoir été fortement dérangé par la pollution ambiante pendant son match face à Dennis Novak. "En 35 ans, c'est la première fois que j'ai dû utiliser un spray contre l'asthme pour m'aider à mieux respirer", a-t-il témoigné.
„I Have A Virus Coming On“ I Was Told By The Doctor On Court... In 35 Years, Its The 1st Time I Had 2 Use An Asthma Spray 2 Help Me Breathe Better... #WellSaidLiam 🤜🏻🤛🏾 https://t.co/AUHUcN3jwV — Dustin Brown (@DreddyTennis) January 15, 2020
La contestation doit venir d'en haut
Bryan SCHNUR, 103e joueur mondial
Une fronde qui se met en ordre de marche et qui attend désormais que les têtes d'affiche du circuit rejoignent la contestation. La semaine passée, le numéro 2 mondial Novak Djokovic, président du Conseil des joueurs de l'ATP, avait jugé que la question d'une annulation méritait d'être posée. Une prise de position loin d'être suffisante pour Liam Broady. "Nous laissons passer pendant les tournées tellement de choses qui ne vont pas. Mais il y a un moment où il faut dire les choses", a déclaré le Britannique.
"La contestation doit venir d'en haut", a ajouté Brayden Schnur, fustigeant le silence de Roger Federer et Rafael Nadal, qualifiés d'"égoïstes" qui "ne pensent qu'à eux et à leur carrière". Des paroles fortes que le Canadien, 103e joueur mondial, a tempérés par la suite. "Égoïste" était un mauvais choix de mot et je le regrette", a-t-il assuré, expliquant avoir "besoin de leaders comme eux" pour qu'"ils parlent au nom des joueurs qui (...) ne font pas partie du top 100". Vendredi, une réunion au sommet est prévue au Conseil des joueurs de l'ATP. Tout le circuit retient son souffle en attendant ce qu'il en ressortira.
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