Sur les traces du patient Clément Lenglet, qui débarque ce mercredi en équipe de France

par Hamza HIZZIR
Publié le 29 mai 2019 à 7h00
Sur les traces du patient Clément Lenglet, qui débarque ce mercredi en équipe de France

Source : Josep LAGO / AFP

PORTRAIT – Parmi les trois nouveaux arrivants ce mercredi à Clairefontaine pour le rassemblement des Bleus, Clément Lenglet est celui qui a le plus de chances de rester. Bien avant de devenir titulaire en charnière du FC Barcelone, en lieu et place de Samuel Umtiti, avant même d’exploser à la face du monde à Séville, le défenseur, aujourd’hui âge de 23 ans, avait mis tout le monde d’accord à Nancy.

Il venait d’avoir 19 ans, il était beau comme un enfant, fort comme un homme. Et il a alors découvert, dans les entrailles du stade Marcel-Picot, antre de son club formateur, l’AS Nancy-Lorraine, un drôle d’objet. "Juste avant un match contre Châteauroux en Ligue 2, j’entre dans le vestiaire et je vois qu’à ma place est posé un brassard de capitaine. Je demande à l’intendant et il me dit que c’est bien ça, qu’il n’y a pas d’erreur", se remémorait, en janvier 2017 dans So Foot, un certain Clément Lenglet. Ce Clément Lenglet qui est attendu, ce mercredi à Clairefontaine, pour son tout premier rassemblement de l’équipe de France. Mais sans doute pas le dernier.

Il a une disposition pour travailler, s’améliorer, grandir, lutter pour du temps de jeu... Je ne l’ai pas mis capitaine parce qu’il souriait au vestiaire.

Pablo Correa

Évidemment, très peu de joueurs de moins de 20 ans sont désignés capitaines de leur équipe. L’entraîneur qui l’a lancé dans le grand bain professionnel, avant de lui confier ledit brassard, Pablo Correa, se justifiait ainsi l’été dernier sur le site Barça Inside : "J’ai dû subir les critiques de certains, qui voyaient seulement en lui un jeune garçon. Mais il fait partie des joueurs qui ont une maturité n’étant pas conforme à leur âge. Ça vient de son éducation. Il a une disposition pour travailler, s’améliorer, grandir, lutter pour du temps de jeu... Je ne l’ai pas mis capitaine parce qu’il souriait au vestiaire. Un capitaine c’est un tout : c’est quelqu’un qui donne l’exemple, qui tire les autres vers l’avant... Être capitaine d’un vestiaire à 20 ans, ça veut tout dire."

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Et cela n’a pas échappé aux plus grands clubs européens. La première approche, de la Juventus, date de 2015. Clément Lenglet refuse. "Ils m’avaient repéré via les matchs de sélection de jeunes, puis ils m’ont suivi quand j’ai commencé en pro à Nancy. J’ai visité leurs installations, mais il n’y avait quasiment aucune chance d’avoir du temps de jeu là-bas, argue-t-il aujourd’hui. Donc j’ai dit non et je n’ai pas eu à le regretter. La suite m’a donné raison. Avec Nancy, je me devais de progresser, je suis devenu titulaire, et l’année suivante, on monte en Ligue 1 en terminant champions."

Snobé par les gros clubs français

Le Séville FC raflera la mise à la fin 2016, contre la modique somme de 5 millions d’euros. Une affaire (Séville le revendra 36 millions). Les clubs français ? Aucun ne l’a, ne serait-ce que contacté. "Ce n’est pas simple à expliquer. À leurs yeux, je ne devais certainement pas donner encore les garanties pour le plus haut niveau. C’est peut-être aussi une question de mentalité. En France, on a un peu plus peur à l’idée de mettre de l’argent sur un jeune", jugeait Clément Lenglet, interrogé là-dessus par Foot Mercato en mars 2017. Monchi, le directeur sportif du club andalou, ne s’y est, lui, pas trompé. : "Quand j’avais 17 ans, il avait au moins une vingtaine de rapports sur moi !"

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On connaît la suite. À Séville, il s’impose vite comme un des meilleurs défenseurs du championnat d’Espagne, le FC Barcelone le recrute l’été dernier, Samuel Umtiti se blesse, il prend sa place et ne la lâche plus, malgré le retour de son compatriote.

Moins le début. Clément Lenglet est né à Beauvais, et a grandi dans le petit village picard de Fresneaux-Montchevreuil, à 3.000 km de Nancy. Il fait ses premières classes à Chantilly, puis au Pôle Espoirs de Liévin, sorte de Clairefontaine du Nord, avant de taper dans l’œil de Patrick Gabriel, le directeur du centre de formation nancéien, qui fut le coach de son père... à Chantilly (4e division). "On l’a réalisé au moment de la signature", rigole-t-il rétrospectivement.

Premier de la classe

Son coéquipier d’alors, le latéral droit Joffrey Cuffaut, le décrivait ainsi : "Il est très réservé, peut-être un peu trop. Il est très calme et vraiment agréable à vivre. Il s'est intégré progressivement dans le vestiaire, sans faire de bruit. Sur le terrain, il a de la prestance et une maturité importante. Il a une bonne relance pied gauche et, dans les duels, il est très présent. Dans la lecture du jeu aussi. Je le trouve très, très fort malgré le peu d'expérience qu'il a. En fait, au fur et à mesure des entraînements, il a été performant. Quand il a eu l'occasion d'entrer en jeu, il a été bon aussi. On va dire qu'il a acquis de la confiance et de la reconnaissance à travers ses performances. C'est vraiment rassurant d'avoir un défenseur central comme ça." Ses partenaires à Barcelone ou à Séville auraient pu dire exactement la même chose.

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Ce mental, lui ayant permis de faire fi de la pression et d’axer son jeu sur l’anticipation, a aussi développé, chez lui, un sens certain de la discipline. Il obtient, par exemple, son Bac ES tandis qu’il dispute ses premiers matchs professionnels. "C’était pour que l’école ne soit pas un problème pour le foot, a confié au Monde, le 12 mars dernier, le premier de la classe. Au centre de formation, je me faisais parfois charrier par rapport à mon côté très sérieux. (…) J’aurais pu sortir en boîte avec mes potes, mais je ne l’ai jamais fait. Alors oui, je me suis privé, mais j’en suis très heureux quand je vois où j’en suis."

C’est limite un moine.

Un ami d'enfance

"Il pense, mange et dort football, c’est limite un moine. Il est tellement attentif à son hygiène alimentaire que je ne l’ai jamais vu dans un fast-food", souligne, dans Le Parisien, son ami d’enfance Matthieu Quesmel, partenaire à Fresneaux-Montchevreuil puis à l’US Chantilly. Ce que l’ex-coach à Nancy, Pablo Correa, appuie : "C’est le type de garçon dont on dit : ‘C’est le gendre idéal.’ Il est très respectueux des personnes, au-delà de la hiérarchie. C’est quelqu’un qui a des valeurs très ancrées. Si tous les joueurs étaient comme lui, ce serait trop facile." Une certitude : pas plus que les autres, Didier Deschamps ne s’en plaindra.


Hamza HIZZIR

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