Ons Jabeur, 1ère femme arabe qualifiée pour le 3e tour d’un Grand Chelem, raconte comment elle concilie islam et Roland-Garros

par Hamza HIZZIR
Publié le 1 juin 2017 à 13h53, mis à jour le 2 juin 2017 à 11h02
Ons Jabeur, 1ère femme arabe qualifiée pour le 3e tour d’un Grand Chelem, raconte comment elle concilie islam et Roland-Garros

TENNIS – Focus sur la Tunisienne Ons Jabeur, devenue la première femme arabe à se qualifier pour le 3e tour d'un tournoi du Grand Chelem en dominant la Slovaque Dominika Cibulková, 7e mondiale, 6-4, 6-3 mercredi à Roland-Garros. Elle affrontera ce vendredi la Suissesse Timea Bacsinszky pour entrer un peu plus dans l’Histoire… Et mieux préparer son ramadan.

Son adversaire n’avait rien d’une enfant de chœur : la Slovaque Dominika Cibulková, 7e joueuse mondiale et tête de série n°6, a mordu la poussière orange du court Suzanne-Lenglen mercredi. Une vraie surprise, pour ne pas dire un miracle, car la Tunisienne Ons Jabeur, 114e mondiale, n’avait encore jamais passé le 2e tour d’un tournoi du Grand Chelem. Et pour cause : aucune femme arabe ne l’avait fait avant elle. L’exploit est d’autant plus retentissant qu’elle avait perdu en qualifications et a été repêchée en tant que "lucky loser" à la suite du forfait de Laura Siegemund. Avant de poursuivre son chemin ce vendredi face à la Suissesse Timea Bacsinszky (31e) sur le court n°1, elle décrit son parcours et parle sans complexe de ce qui fait sa singularité sur le circuit.

On peut mettre des jupes, en Tunisie on est ouverts

Ons Jabeur

"On pratique beaucoup moins le tennis que le foot en Tunisie ! Moi, j’ai commencé à l’âge de 5 ans à faire des tournois nationaux. Mon premier tournoi international était en France. Depuis, je suis allée étudier dans un lycée sportif (à Menzah, ndlr) pour pouvoir m’entraîner et étudier en même temps. J’ai commencé à jouer les Championnats d’Afrique, les tournois internationaux, je viens ici (à Paris), je gagne les juniors. Et tout commence. Je commence à y croire encore plus. Le passage entre juniors et seniors n’a pas été facile. Je me suis entraînée à Paris. Maintenant je suis en Slovaquie. Je commence vraiment à bien jouer et à entrer parmi les meilleurs", retrace-t-elle.

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Aujourd’hui, elle assume son rôle de porte-drapeau. "J'aimerais bien donner de l'espoir à tous les jeunes qui veulent être pro, à tous les Tunisiens qui rêvent d'être ici. Ce n'est pas impossible, il faut travailler et on peut y arriver. Alors on essaie d’encourager les jeunes à pratiquer ce sport. J’espère pouvoir dire qu’il y aura plus de licenciés dans mon club après ma victoire à Roland-Garros. C’était le cas quand j’ai gagné en juniors. Dans le monde arabe, quand on réussit quelque chose de bien, tout le monde s'intéresse à vous. Ça ne concerne pas seulement la Tunisie mais aussi les autres pays et même tout le continent africain. C’est incroyable !", s’enthousiasme-t-elle ainsi. 

J'espère que Dieu m'aura pardonnée pour le ramadan

Ons Jabeur

Certains s’étonnent de voir une Arabe jouer en jupette ? Elle ne s’offusque pas et, dans un sourire, assure qu’il n’y a aucun problème : "C’est tout à fait normal de jouer au tennis quand on est une femme en Tunisie. On peut mettre des jupes, en Tunisie on est ouverts." Au début du tournoi, un journaliste l’avait même interrogée sur le ramadan. "Je suis musulmane mais, malheureusement, je ne peux pas le faire. Je suis une athlète et je dois boire et me nourrir, a-t-elle aussi calmement expliqué. En fait, je vais devoir le rattraper plus tard. C’est comme un système de crédit. Je vais manger pendant plusieurs jours à cause du tournoi et je commencerai mon jeûne quand j’aurai fini, avec le crédit que m’aura donné Dieu pour mes victoires. J’espère qu’il m’aura pardonnée."

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On lui a reparlé de cette déclaration après sa victoire historique de mercredi, sur le ton de la blague. Et elle est apparue un peu plus embarrassée. Mais toujours aussi pédagogue et désarmante de sincérité : "Honnêtement, c’est dur de penser au ramadan en ce moment. Je le ferai quand j’aurai le temps et après je retrouverai avec plaisir le goût de ce que je mange, jour après jour. A l’évidence, je ne pourrai pas faire les 30 jours de suite. Et vous (les journalistes) ne pouvez pas m’aider (sourire)… Mais il faudra que je cumule ces 30 jours d’ici au prochain ramadan." Surtout que, l’an prochain, avec les "crédits" obtenus cette année sur la terre battue parisienne, elle pourrait bien sortir victorieuse des qualifications cette fois.


Hamza HIZZIR

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