Décès de Christophe Dominici : "Il avait la liberté de parler et de jouer"

Propos recueillis par Yohan ROBLIN
Publié le 24 novembre 2020 à 19h22, mis à jour le 25 novembre 2020 à 0h08

Source : JT 20h Semaine

HOMMAGE - Légende du XV de France, Christophe Dominici a été retrouvé mort ce mardi. Il était âgé de 48 ans. L'ancien sélectionneur des Bleus Pierre Villepreux, qui l'a eu sous ordres entree 1997 et 1999, raconte à LCI un homme attachant et tiraillé.

Le monde du rugby est sous le choc. L'ancien ailier du XV de France Christophe Dominici est décédé brutalement ce mardi 24 novembre. Son corps a été retrouvé sans vie dans le parc de Saint-Cloud, dans les Hauts-de-Seine. Selon les premiers éléments, rapportés par plusieurs médias et confirmés par l'AFP, l'ancien rugbyman du Stade Français, âgé de 48 ans, a sauté du toit d'un bâtiment désaffecté. Il a fait une chute mortelle de plusieurs mètres. Une enquête a été ouverte. La thèse du suicide est privilégiée.

À l'annonce de sa disparition, les hommages se sont amoncelés pour saluer l'homme et le joueur qui a marqué son époque. Joint par LCI, son ancien sélectionneur Pierre Villepreux nous parle de "Domi".

Il pouvait passer de l'euphorie au désespoir
Pierre Villepreux, ancien sélectionneur du XV de France

Vous avez eu sous vos ordres Christophe Dominici en équipe de France. Que retenez-vous de lui ?

Effectivement, j'ai connu Christophe lorsque j'ai entraîné le XV de France, dans une période où nous avons gagné des Grands Chelems (1997 et 1998, ndlr) et joué la finale de la Coupe du monde en 1999 (après avoir signé un exploit retentissant face aux All Blacks en demi-finale, ndlr). Dans ce cadre, Christophe s'est complétement épanoui. C'était un garçon qui aimait avoir de la liberté pour jouer, intuitif, qui prenait son plaisir dans la prise d'initiatives. À l'époque, ce type de comportement me convenait parfaitement parce qu'on pouvait s'appuyer sur lui pour amener collectivement une envie de jeu qui faisait toujours plaisir. Ça, c'était le côté joueur. L'homme, lui, était un peu à géométrie variable. C'était quelqu'un qui était souvent dans l'émotion, parfois pour des petites choses, et dans l'euphorie quelques fois.

Derrière l'image de gaillard qu'il renvoyait, il était sensible et fragile. En 2001, il avait raconté à Libération avoir vécu une dépression nerveuse après le Mondial 1999. Le sentiez-vous à fleur de peau ?

Oui, un peu. C'était quelqu'un qui pouvait passer de l'euphorie au désespoir. C'est toujours gênant parce que c'est difficilement maîtrisable. Après, excepté la dépression qu'il avait affrontée quand il était en équipe de France, je me rappelle plutôt d'un Dominici enjoué, disponible et aimant rigoler. Christophe avait ce que j'appelle la liberté de parler et de jouer. Je l'avais retrouvé après sa carrière. Il avait passé le diplôme de Droit et Économie du Sport pour lequel j'interviens. Il avait suivi et réussi cette formation de deux ans. Je pensais que ça aurait pu lui amener un plus. Malheureusement, ce n'est pas sûr que cela ait fonctionné comme je l'imaginais... (Il marque une pause) Je suis choqué par l'annonce de sa mort.  

Pour les athlètes de haut niveau, la retraite n'est jamais un cap évident à franchir...

Il a essayé de se réinvestir. Il l'a fait notamment au Stade Français, où ça n'a pas toujours très bien marché. Ce ne sont pas des échecs mais ces petits revers, ça a dû le miner un peu, le fragiliser. Je me demande où on s'est trompé avec lui. On a toujours une responsabilité quand on s'occupe de jeunes. Peut-être qu'à un certain moment on s'est raté. En définitif, on n'a pas su trouver ce qui faisait sa faiblesse.

Sans lui, il n'est pas sûr que nous aurions gagné
Pierre Villepreux, ancien sélectionneur du XV de France

De Christophe Dominici, nombreux sont ceux qui ont en mémoire son essai lors de la demi-finale d'anthologie face à la Nouvelle-Zélande en 1999. Est-ce l'image que vous gardez aussi en tête ?

Bien évidemment, on l'a tous devant les yeux, mais je retiens tout autant le premier essai de Christophe Lamaison. C'est Dominici qui le fait marquer. Il s'infiltre dans un petit couloir de rien du tout, il crochète deux All Blacks, il est bloqué et libère sa balle rapidement et on conclut l'action en marquant l'essai. Cet essai, qu'il n'a pas inscrit mais qu'il a fait marquer, est tout aussi significatif. Il est déterminant dans ce match-là contre la Nouvelle-Zélande. Sans lui, il n'est pas sûr que nous aurions gagné. 

Jugez-vous que Christophe Dominici a sa place au Panthéon du rugby français ?

Il a eu, au cours de sa carrière, des résultats exceptionnels, que ce soit avec le XV de France ou le Stade Français (où il a gagné cinq titres de champion de France, ndlr). C'était un garçon au physique "normal", pas très grand (1,72 m), pas très costaud (82 kg), mais avec du talent. Ça, c'est mieux que tous les kilos du monde. Il y a des joueurs qui ont ce petit plus et cela fait certainement la différence dans leur carrière. 


Propos recueillis par Yohan ROBLIN

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