INCERTITUDES - Décalé à la fin de l'été, à cause du Covid-19, le Tour de France s'est élancé ce samedi depuis Nice en quasi huis-clos. La course, verrouillée à double tour en raison de la pandémie, avance sous le signe de l'inconnu et de l'espérance.
"Ce sera un Tour différent et, je l'espère, singulier". C'est par ces mots que Christian Prudhomme, son directeur, a formulé ses attentes à propos de l'édition 2020 de la Grande Boucle. Dans une saison bouleversée, le Tour de France, repoussé de deux mois pour cause de Covid-19, s'est élancé enfin, ce samedi à 14h, depuis Nice. L'épreuve centenaire comporte toutefois de nombreuses inconnues sanitaires et sportives, tant pour les coureurs que pour les spectateurs.
Une Grande Boucle placée sous cloche
Le coronavirus n'aura pas eu la peau du Tour. Un temps envisagée, en raison de la crise sanitaire, son annulation a été évitée. La plus célèbre course cycliste au monde, décalée au crépuscule de l'été, fait figure d'irréductible dans le paysage sportif. Alors que la France fait face à une recrudescence du virus ces dernières semaines, la Grande Boucle a choisi de répondre au risque sanitaire par la mise en place d'une "bulle sanitaire", selon les mots de Christian Prudhomme, le directeur du Tour. Pour éviter la propagation du coronavirus dans le peloton, l'organisateur Amaury Sport Organisation (ASO) n'a pas lésiné sur les moyens.
Régulièrement testés depuis la reprise des stages, les 176 coureurs qui prendront le départ ce samedi à Nice ont subi deux tests PCR (par le nez) dans les jours précédant la course. Pendant le Tour, les 22 équipes engagées vivront en vase clos, déclarant au maximum 30 personnes accréditées. Un point sera réalisé quotidiennement en leur sein. Chaque médecin devra signaler les problèmes éventuels à la cellule Covid. Un cas positif d'un coureur ou d'un membre de l'encadrement entraînera le retrait de la personne concernée, ainsi qu'une étude des cas contacts. L'exclusion d'une équipe du Tour de France sera prononcée si deux de ses membres, encadrement inclus, sont positifs au Covid-19, a finalement annoncé samedi le directeur du Tour Christian Prudhomme. L'Union cycliste internationale (UCI) avait proposé vendredi qu'une telle exclusion n'intervienne que si deux des huit coureurs étaient positifs. "On en reste à deux cas sur 30 personnes d'une même équipe sur une période de sept jours", a déclaré Christian Prudhomme, ajoutant que la décision "avait été prise par la cellule interministérielle de crise".
Mais le Tour, c'est aussi le public. En 2019, 10 à 12 millions de spectateurs s'étaient pressés sur les bords des routes françaises. Et ils devront eux aussi se plier à certaines règles. "Il y aura des zones avec des filtrages au départ et à l'arrivée", a indiqué le patron de la Grande Boucle, avec une jauge fixée à 5000 personnes, évolutive "en fonction de la pandémie". Les filtrages existeront aussi dans les côtes et cols afin de limiter le flux de spectateurs. "Seuls les gens à pied, à vélo ou qui viennent dans des transports collectifs" seront autorisés à monter. Le port du masque y sera obligatoire, tout comme "au départ et à l'arrivée des étapes dans les zones gérées directement par ASO". Deux tonnes de gel hydroalcoolique seront réservées au public.
La victoire se jouera en montagne
Pas de pavés, peu de sprints, un seul chrono. Le tracé de cette édition 2020, long de 3470 kilomètres, fera la part belle à la montagne, avec 29 cols ou côtes classés en 2e, 1ère ou hors catégorie. Pendant les trois semaines de course, le peloton devra avaler pas moins de dix étapes de moyenne ou haute montagne. "Deux cols à plus de 1500 mètres dès le premier week-end, ce n'est pas arrivé depuis 40 ans, on n'était jamais monté aussi vite aussi haut", a commenté Christian Prudhomme.
Quatre étapes en ligne se termineront par des arrivées au sommet : deux dans les Alpes, à Orcières-Merlette et au col de la Loze, le futur toit du Tour avec ses 2304 mètres d'altitude, une dans le Massif Central, au Puy Mary, une dans le Jura, au Grand Colombier. Deux arrivées en altitude sont également prévues, à Mont Aigoual (Cévennes) et à Villard-de-Lans (Alpes), ainsi qu'un contre-la-montre de 36 kilomètres en côte explosif dans les Vosges, à La Planche des Belles Filles.
Et si c'était le Tour des Français ?
Ils ont marqué le Tour 2019, ils sont attendus en 2020. L'un, Julian Alaphilippe (Deceuninck-Quick Step), a été en jaune pendant 14 jours - une première depuis cinq ans - et remporté deux victoires étapes. L'autre, Thibaut Pinot (Groupama-FDJ), a levé les bras au Tourmalet, lâché tous ses rivaux à la pédale au Prat d'Albis et a longtemps cru pouvoir jouer le podium, voire même se battre pour la gagne à Paris, avant d'abandonner à deux jours de l'arrivée. Présents parmi les 38 Français au départ, comme Warren Barguil (Arkéa-Samsic), Guillaume Martin (Cofidis) et Romain Bardet (AGR2-La Mondiale), les deux Français vont accaparer toute l'attention.
"L'objectif est très clair. Je ne suis pas venu ici pour le classement général", a objecté Alaphilippe, qui tenait peu ou prou le même discours l'an dernier, avant de réaliser le Tour complètement fou que l'on connaît. "Je suis là pour essayer de gagner une étape. Avec l'équipe, on n'est pas là pour gagner le Tour. Sur le papier, il y a pas mal d'étapes à ma convenance, il y a vraiment de quoi faire". Le puncheur, moins flamboyant cette saison que l'an passé, malgré un Milan - San Remo de fort belle facture, pourra s'illustrer dès dimanche lors de la 2e étape dans l'arrière-pays niçois. Le profil, une sorte de super étape de Paris-Nice, pourrait parfaitement lui convenir s'il a les jambes. "Si je me sens bien, dimanche, c'est une bonne opportunité d'aller chercher la victoire et le maillot jaune", a-t-il indiqué.
Si Alaphilippe verra "jour après jour" ce que peut lui réserver ce Tour, Thibaut Pinot assume lui pleinement son statut. "Je ne m'interdis rien", affirme le Franc-Comtois, qui se rêve en successeur de Bernard Hinault, dernier vainqueur français en 1985. Récent deuxième du Dauphiné, il fait partie des favoris de ce tracé taillé pour ses mollets. Marc Madiot l'a bien compris : le boss de la Groupama-FDJ a mis sur pied une équipe entièrement dévouée à son poulain, se privant même de son sprinteur Arnaud Démare. Un an après son abandon crève-cœur, le grimpeur, qui devra éviter le piège des bordures lors de l'étape de l'île de Ré, s'attend toutefois à une course bloquée. "Le parcours du Tour est magnifique, il n'y a rien à dire", a-t-il confié, "mais avec les armadas (Ineos et Jumbo-Visma), ce sera beaucoup plus cadenassé."
La fin de la domination Sky/Ineos ?
Depuis 2012, le Tour de France a souvent rimé avec Ineos (ex-Sky). Une seule fois lors des huit dernières éditions, une équipe - Astana avec Vincenzo Nibali en 2014 - a mis à mal l'hégémonie sans partage de l'équipe de Dave Brailsford sur le maillot jaune. L'an passé, après les succès de Bradley Wiggins, Chris Froome (à quatre reprises) et Geraint Thomas, la formation britannique a pris un virage latin avec le sacre du prodige colombien Egan Bernal. Mais cette fois, la dynastie Sky/Ineos va devoir faire à son double : les Jumbo-Visma. Pour contrer la puissance de feu de l'équipe néerlandaise, qui a écrasé les courses de préparation, les Grenadiers ont revenu leurs plans : exit Froome et Thomas, l'Équatorien Richard Carapaz, vainqueur surprise du dernier Giro, a été appelé à la rescousse.
Est-ce que cela sera suffisant pour stopper les "abeilles tueuses" ? Peut-être pas. Après des années troubles, l'équipe née sur les cendres de la Rabobank s'est attirée les faveurs des pronostics. Elle compte en effet plusieurs coureurs capables de gagner le Tour. Primoz Roglic, vainqueur de la Vuelta en est le leader, épaulé par une armada réputée "invincible". "Primoz et moi visons le classement général, on essaiera d'être près du podium en dernière semaine et on verra ce qu'il se passera", a avoué son coéquipier Tom Dumoulin, autre prétendant à la victoire finale. Mais gare à ne pas se focaliser sur ce duel. "Ce n'est pas Jumbo-Visma contre Ineos, mais ça va être une vraie bataille entre plein de coureurs", a-t-il rappelé. "Il y a au moins une vingtaine de coureurs qui peuvent viser le podium ou la victoire." De quoi relancer l'intérêt de la course au maillot jaune.
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