Direction le cercle polaire arctique pour les skippers du Vendée Globe.Le 12 juin, ils lèveront l'ancre pour un parcours théorique de 3500 milles, qui contourne l'Islande.Vainqueur de la seule édition du Vendée Arctique à ce jour, Jérémie Beyou (Charal) s'est confié à TF1info sur la course exigeante qui l'attend et l'état des mers et océans sur lesquels il navigue à l'année.
Un mini-Vendée Globe vers le cercle polaire. À mi-chemin entre deux éditions du tour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance, la flotte va mettre le cap vers le Nord pour la Vendée Arctique. Le 12 juin, 17 des 25 skippers ayant participé à la plus éprouvante des courses au large - parmi lesquels Charlie Dalin (Apivia), Louis Burton (Bureau Vallée), Pip Hare (Medallia) et Isabelle Joschke (MACSF), pour ne citer qu'eux - seront au départ sur le ponton des Sables-d'Olonne. Un parcours exigeant de 3500 milles (6482 kilomètres) les attend dans les eaux du Grand Nord. Sur leurs Imoca, leurs montures de carbone, de titane et d'aluminium, ils vont pénétrer, pour la première fois, en solitaire, dans le cercle polaire arctique.
Cette première course qualificative au Vendée Globe 2024 va aussi voir s'aligner le vainqueur de la seule édition à ce jour, Jérémie Beyou, qui sera pour la dernière fois à la barre de son Charal 1. Avant de lever l'ancre pour cette boucle, qui le verra contourner l'Islande puis redescendre vers les Sables, le triple lauréat de la Solitaire du Figaro (en 2005, 2011 et 2014) s'est longuement confié à TF1info. Outre le tracé exigeant et atypique auquel il se prépare depuis des mois, ce grand défenseur des océans et de la faune marine nous a raconté ce qu'il voit et constate, à chacune de ses sorties en mer.
Je m'attends vraiment à un truc costaud
Jérémie Beyou, skipper Charal
Vous avez participé à toutes les plus grandes courses au large dans votre carrière. En 2020, vous avez remporté la première édition de la Vendée Arctique. En quoi cette course diffère des autres solitaires ?
C'est un parcours très nord. On est l'été, il y a très peu de nuit et, tout de suite, il fait froid. Sur une course transatlantique, le départ est un peu rude, mais après on se dirige vers le soleil, donc ça ne fait que s'arranger. Là, au contraire, les conditions de navigation se dégradent au fur et à mesure. Ça ressemble un peu à ce que l'on peut rencontrer sur un Vendée Globe. Toute la partie qu'on monte vers l'Irlande puis l'Islande peut être compliquée et engagée. Je dirais qu'il y a un petit air des transatlantiques qu'on fait à l'envers, de New York à l'Angleterre. L'atmosphère y est particulière, un peu comme lorsqu'on passe sur les Grands Bancs de Terre-Neuve. Il y a du vent fort, voire très fort, de la brume à couper au couteau et pas mal de trafic maritime. Ce sont des ambiances un peu glauques, qui ne sont pas faciles à gérer en solitaire.
Le parcours a été rallongé par rapport à 2020. Vous allez contourner l'Islande et monter sur le cercle polaire arctique. C'est un sacré défi qui s'annonce. Vous attendez-vous à devoir repousser vos limites ?
Oui, absolument. Statistiquement, lorsqu'on approche de l'Islande, il y a plutôt pas mal de vent. Et puis contourner une île, ce n'est jamais simple. Pour faire au plus court, il faut la raser. Ça implique une navigation qui ne laisse aucune place au repos, avec des manœuvres fréquentes et risquées. Quand on va attaquer la partie nord-ouest, on va entrer dans un goulot d'étranglement avec une zone de glaces. On va devoir se faufiler dans ce couloir-là, ça ne va pas être évident. Si en plus il y a du vent fort, du courant et peu de visibilité, ça risque d'être très engagé. Je m'attends vraiment à un truc costaud.
Les jours polaires, le manque de sommeil, la glace qui dérive... Pendant ces 10 à 12 jours de course, vos nerfs vont être mis à rude épreuve. Comment vous préparez-vous à affronter ces conditions de course extrêmes ?
On se prépare en évitant de trop y penser. (rires) Ça va être vraiment rude mentalement et balèze physiquement. Avant le départ, on travaille un petit plus sur la fiabilité de notre bateau. On va dire qu'on y prête un peu plus d'attention qu'à l'habitude. En course, on doit être en mesure de tirer dessus, sans retenue. Tout doit fonctionner à bord. On doit être capable de réajuster les trajectoires et de voir le moindre coup de vent venir. L'été, à ces latitudes-là, il y a des enchaînements météorologiques très rapides. Il faut être en permanence sur la tactique et la stratégie. Une fois que tout le volet technique et fiabilité est OK, le meilleur moyen de se préparer, c'est de partir bien reposé physiquement. Il va falloir partir les batteries chargées à plein, parce que ça va être très vite engagé. Ce n'est pas pendant les 24 premières heures qu'on va pouvoir dormir.
Il y a moins de sacs plastiques qui flottent
Jérémie Beyou, skipper Charal
Ce Vendée Arctique est aussi l'occasion d'éclairer sur l'état des océans et de la faune marine. Depuis le temps que vous naviguez sur les mers du globe, voyez-vous les conséquences du réchauffement climatique ?
Je n'aime pas être catastrophiste, je préfère être pragmatique. Je ne m'improvise pas climatologue ni scientifique, je suis juste un observateur. Je pense qu'il faut qu'on reste à notre humble place. Il y a des associations, des scientifiques, des climatologues, qui font très bien leur travail, qui tirent des sonnettes d'alarme et, par ailleurs, proposent des solutions. Les observations et les retours qu'on peut faire sont pertinents, mais je me refuse d'aller plus loin et d'entrer dans l'interprétation.
Qu'observez-vous justement depuis votre bateau ?
Ce que je constate, c'est qu'il y a davantage de trafic maritime. Il s'est clairement intensifié. Mais, dans le même temps, je remarque qu'il y a moins de déchets plastiques qui flottent sur l'eau, et notamment des sacs plastiques. Au début des années 2000, il y en avait partout, vraiment partout. On passait notre vie à en ramasser dans les appendices (toute partie dépassant sous la coque ou la prolongeant, ndlr) de nos safrans (une partie du gouvernail). Je ne sais s'il y en a moins parce qu'on en distribue moins ou si ceux qu'on voyait flotter ont coulé au fond de l'eau, auquel cas ce n'est pas génial.
J'ai aussi l'impression que la faune marine ne se porte pas si mal. Est-ce que c'est parce que je navigue plus ou plus longtemps ? Le fait est que je vois très régulièrement des dauphins, des baleines et des cétacés en tout genre. Quant au climat, il y a des changements, mais je ne sais pas s'ils sont si radicaux. Bien sûr, le réchauffement se ressent sur les glaces, on le voit avec les zones d'exclusion qu'on nous impose sur les courses. Il y a aussi des coins sur la planète, où ce n'est clairement pas ça. En 2017, on a navigué sur la Volvo Ocean Race en Asie. Pfiou... là, je peux vous dire qu'il y a du boulot. Mais, par chez nous, la prise de conscience existe et se remarque en mer. Tout n'est pas rose, mais tout n'est pas noir non plus. Il y a de l'espoir.
Notre sport est avant-gardiste sur le plan écologique
Jérémie Beyou, skipper Charal
Votre sport s'inscrit aussi dans une démarche éco-responsable. Il y a eu une vraie conscience environnementale...
Aller où on va et sur les machines avec lesquelles on y va, c'est fabuleux. Chaque fois que je prends la mer avec mon bateau, c'est ce que je me dis. Je suis très conscient de la chance que j'ai. C'est pour ça qu'on doit faire attention à ce qu'on fait. Tout n'est pas 100% green sur nos bateaux, il ne faut pas se le cacher. Ils font appel à de la haute technologie, avec des matériaux comme le carbone qui sont compliqués à recycler. On est dans un monde compétitif, où on regarde la performance, mais notre sport est avant-gardiste sur le plan écologique. On n'est pas dans le consumérisme à tous crins. On continue de développer des choses, mais on recycle et on réutilise. Plein de bateaux sont transformés en permanence et continuent d'être performants. Ils ont une, deux, trois, parfois quatre vies. Ils ne sont jamais mis au rebut. De la même façon, on ne rejette rien en mer et on est quasiment en autonomie énergétique, avec des moyens de production vert, solaire ou hydraulique.
Là où il y a peut-être un peu de travail, c'est sur les évènements hors course. Je sais que les organisateurs en ont largement pris conscience, en mettant en place des initiatives sur les villages de départ pour diminuer l'empreinte carbone. Ce sont des efforts à réaliser au quotidien. On ne peut pas tout bouleverser et changer d'un coup, mais on est sur le bon chemin.
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