Vendée Globe 2020 : l’Everest des mers

Vendée Globe : le cap Horn, "la porte de l'Enfer" que vont entrouvrir les skippers

Publié le 2 janvier 2021 à 20h57, mis à jour le 5 janvier 2021 à 17h21
JT Perso

Source : TF1 Info

AVIS DE TEMPÊTE - Dans les premières heures de 2021, la tête de course, menée par Yannick Bestaven (Maître Coq IV), a franchi le mythique cap Horn. Ce passage clé, réputé pour ses conditions apocalyptiques, fera office de challenge ultime pour les rescapés.

"Si le Vendée Globe c'est l'Everest, le cap Horn est son sommet." En 2017, pour sa première traversée du globe en solitaire à la voile, sans escale ni assistance, c'est avec ces mots que le débutant Éric Bellion avait décrit l'expérience qu'il venait de vivre. Des mots justes qui trouvent un écho, trois ans plus tard, chez les 27 rescapés de cette 9e édition. Après près de deux mois passés seuls en mer, deux mois pendant lesquelles ils ont résisté aux turbulences de l'océan Pacifique et flirté avec la zone d'exclusion antarctique (ZEA), les skippers aperçoivent la fin des mers du Sud. Mais, pour pouvoir revenir dans l'Atlantique, ils vont devoir affronter le légendaire cap Horn, situé à l'extrême sud de l'archipel chilien de la Terre de Feu. 

La porte de sortie du Grand Sud a été franchie par le leader Yannick Bestaven, avec une petite dizaine de jours de retard sur le record d'Armel Le Cléac'h, qui n'a mis que 47 jours pour faire la route depuis la Vendée. Dans son sillage, à quelques dizaines de milles nautiques, le skipper de Maître Coq IV est suivi par Charlie Dalin, son premier poursuivant, qui lui aussi a passé le cap un peu moins de 15 heures après l'homme de tête. "J'ai hâte de le passer", avait affirmé à LCI le skipper Apivia. "C'est un endroit symbolique, c'est le cap parmi tous les caps. Cap Horner, c'est toujours quelque chose, même en 2021." 

Point le plus austral du continent sud-américain, le cap Horn est le lieu de tous les dangers pour les skippers encore en lice sur ce Vendée Globe. Ce dernier promontoire avant de remonter vers les Sables-d'Olonne fait la part belle à la nature, qui s'en donne à cœur joie. "On sort de 35 jours loin de tout, dans des systèmes météos très forts et en même temps très stables. Et, tout d'un coup, on approche une zone où il y a de nouveau de la terre", nous explique Louis Burton, engagé sur Bureau Vallée 2.

"L'approche du Horn se caractérise par une accélération brusque du vent", affirme le skipper originaire d'Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne, qui participe à son troisième "VG" après un abandon en 2012 et une 7e place quatre ans plus tard. Il y souffle si fort (de 30 à 100 km/h) que les latitudes ont été rebaptisées : "quarantièmes rugissants", "cinquantièmes hurlants" et "soixantièmes stridents". Ces grains, imprévisibles par définition, peuvent engendrer des creux de plusieurs mètres. 

C'est l'endroit le plus dangereux de la planète

Samantha Davies, skippeuse Initiatives-Cœur

Un passage qu'appréhendent les marins d'eau salée. Pas plus tard qu'en 2009, Jean Le Cam avait chaviré près du cap Horn. Armel Le Cléac'h et Vincent Riou étaient partis à son secours. C'est finalement ce dernier qui l'avait récupéré, après de très longues heures d'attente et d'angoisse, avant de démâter juste après avoir franchi le Horn. En 2016, Louis Burton s'est fait lui aussi peur lors de son premier face-à-face avec cet enfer bleu. "Je ne l'ai pas très bien vécue, c'était mon pire moment", avoue le Francilien.

"Je suis arrivé à un moment où les dépressions se cassaient un peu sur la cordillère des Andes", nous raconte-t-il. "Les vagues du Pacifique venaient se briser sur les fonds qui remontaient progressivement en escalier. Le vent me poussait vers la terre. J'ai une voile qui s'est déroulée alors qu'elle n'aurait pas dû, je me suis retrouvé en danger d'être poussé à la cote. J'en ai vraiment bavé."

"Sa réputation n'est pas usurpée, c'est l'endroit le plus dangereux de la planète", acquiesce Sam Davies, qui l'a franchi à deux reprises, dont une en solitaire sur le Vendée Globe. "C'est un lieu où il faut respecter la puissance de l'océan et la puissance du vent. J'ai des souvenirs assez forts du cap Horn. Les deux fois où je l'ai passé, c'était impressionnant.  Les conditions peuvent être dantesques. La première fois, en approche c'était violent et après ça s'est calmé. La deuxième, c'était l'inverse, calme avant et après on a pris 60 nœuds. J'ai explosé (sic) une voile. C'était la guerre, un peu comme si on ouvrait la porte de l'Enfer."

Quand on arrive jusque-là, (...) en général, on réussit à terminer le parcours

Louis Burton, skipper Bureau Vallée 2

Avant l'ouverture du canal de Panama en 1914, le cap Horn était le passage obligé des bateaux marchands. Preuve de sa dangerosité extrême, plus de 800 navires y ont été envoyés par le fond, et près de 10.000 personnes reposent dans ses eaux. "On navigue au-dessus du plus gros cimetière marin de la planète. Il y a un paquet de marins qui ont mouillé leur flotte depuis des siècles", s'émeut Louis Burton, qui prône "l'humilité". "Chaque fois que je passe, j'imagine toutes les épaves qui sont sous nos pieds, qui transportaient des produits d'un continent à un autre", rebondit la skippeuse d'Initiatives-Cœur.

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D'où le soulagement et la joie ressentis par les rescapés du Vendée, une fois le Horn dans leur poupe. "C'est un sentiment de réussite énorme d'avoir traversé et vaincu les mers du Sud. C'est un moment que l'on vit que très rarement dans une vie", résume la navigatrice britannique, qui "rêve, un jour, de visiter à pied cette cote magnifique et spectaculaire". "Une fois qu'on est sorti de ce bazar et qu'on a le cap Horn dans le dos, c'est une immense fierté", reconnaît le skipper Bureau Vallée 2. "Quand on arrive jusque-là, ça ne veut pas dire qu'on est arrivé au bout de la course... mais, en général, on réussit à terminer le parcours."

Les plus grands athlètes au parcours exceptionnel, se livrent au micro de Grégoire Margotton, dans le podcast "Club Margotton".

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Yohan ROBLIN

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