Noël Le Graët démissionne de la FFF

Noël Le Graët, le patron du football français contesté comme jamais

par Maxence GEVIN
Publié le 10 janvier 2023 à 16h30, mis à jour le 11 janvier 2023 à 11h18
JT Perso

Source : TF1 Info

Au cœur de la tourmente ces derniers jours, Noël Le Graët n'a jamais paru aussi proche de la sortie.
Le Breton, qui a habillement manœuvré pour se hisser au sommet des instances du football français après une carrière d'entrepreneur et de politique, n'est plus en odeur de sainteté.
Retour sur un personnage clivant, sur la réussite et les polémiques qui l'accompagnent.

Le "Menhir" commence à se fissurer… Empêtré dans les polémiques, qui se succèdent, Noël Le Graët, dont le mandat à la tête de la Fédération française de football (FFF) prend fin à l'été 2024, est plus que jamais sur la sellette. Sa fin de règne s'accompagne d'un climat pesant, d'une communication "non maîtrisée" et de révélations glaçantes. 

Il gravit tous les échelons à Guingamp, sa ville de toujours

Né le 25 décembre 1941 à Bourbriac, village des Côtes-d'Armor, Noël Le Graët est issu d’une famille modeste. Fils d’un chauffeur routier et d’une ouvrière agricole, il s'est forgé un destin d'exception depuis Guingamp. Le Breton a d'abord fait fortune dans l'agro-alimentaire, après une expérience initiale dans l'électroménager. Son empire, le groupe Le Graët, embauche désormais plus de 800 collaborateurs. 

Après 30 ans à la tête de la firme, il en confie les rênes à ses enfants. "J'aurais pu tout vendre et mettre l'argent aux îles Caïmans. J'ai choisi de continuer en famille, c'est un risque. Mais qu'est-ce qu'il y a de plus beau ?", dit-il à l'époque. Un mode de fonctionnement qu'il appliquera à toutes les étapes de sa carrière… 

Il se lance ensuite dans le monde du football. Au cours de ses deux passages (de 1972 à 1991 puis de 2002 à 2011), il propulse son club de toujours, l'En avant Guingamp, du monde amateur à la Coupe d'Europe. À sa tête, il remporte également un titre en Coupe de France (2009), un véritable exploit pour un si petit club. En parallèle, il préside la Ligue nationale française de football (entre 1991 et 2000), qui deviendra par la suite la Ligue de football professionnel (LFP).

C'est ensuite en politique qu'il poursuit son ascension, parvenant à se faire élire à plusieurs reprises maire de Guingamp (1995 à 2008), sous l'étiquette socialiste. 

Un redressement spectaculaire...

Comme une consécration de sa vraie passion, celle de voir ses joueurs évoluer au Roudourou, il prend finalement les commandes du football français après la claque de Knysna, en 2011. C'est sous sa houlette que la France retrouve progressivement son rang sur la scène mondial. Après une courte cohabitation avec Laurent Blanc, c'est à Didier Deschamps qu'il confie la destinée des Bleus. Un choix plus que payant avec un titre de champion du monde, une victoire en Ligue des nations et deux autres finales majeures (Euro 2016, Coupe du monde 2022). 

Sur le plan financier, il redresse la "triple F", dans une situation très délicate à son arrivée. Une prouesse permise par les performances sportives (la FFF a par exemple touché la coquette somme de 28,5 millions d'euros pour la finale au Qatar) mais aussi en reprenant le contrôle des droits marketing des internationaux tricolores. 

...mais un bilan mitigé pour le football féminin

Le bilan est un peu plus contrasté du côté du football féminin. Certes, il tire parti des investissements visionnaires de l'Olympique Lyonnais, de Montpellier puis du PSG en la matière pour poser et solidifier les fondations de ce sport dans l'Hexagone, que ce soit en termes de formation ou d'infrastructures. Le nombre de licenciées s'est envolée et le championnat local a gagné en visibilité. L'octogénaire a même obtenu l'organisation de la Coupe du monde 2019, un formidable succès populaire. 

Organiser des compétitions internationales, c'est bien. S'investir dans notre championnat, c'est mieux

Ada Hegerberg

Toutefois, depuis cette compétition, le niveau du football féminin français semble stagner, et même prendre du retard sur certains de ses voisins (l'Angleterre, l'Espagne ou même l'Italie). "Organiser des compétitions internationales, c'est bien. S'investir dans notre championnat, c'est mieux. On est à la ramasse et la Coupe du monde 2019 n'a eu aucun impact", a récemment déclaré, amère, la Lyonnaise Ada Hegerberg, Ballon d'Or en 2018. Un discours qui prend d'autant plus de sens lorsque l'on sait que la D1 Arkema - l'équivalent féminin de la Ligue 1 - est directement pilotée par la FFF. 

Sur le plan sportif aussi, le bilan est plus que contrasté. Si "NLG" a choisi de maintenir, contre vents et marées, sa confiance à une Corinne Diacre très contestée, cela n'a pour l'instant pas porté ses fruits. C'est simple, les coéquipières de Wendie Renard n'ont toujours pas réussi à atteindre la moindre finale en compétition internationale, malgré un réservoir individuel indéniable. Pire, elles n'ont pas réussi à dépasser les quarts de finale devant leur public en 2019, butant sur des Américaines impitoyables (2-1).

Déclarations polémiques et accusations

Mais c'est en dehors des terrains que son troisième mandat est parasité par les polémiques. Autrefois présenté comme un "monstre politique" par ses proches, celui qui a survécu à une leucémie lymphoïde multiplie les sorties de route. Récemment, les membres du comité exécutif de la FFF (Comex) ont très "mal pris" ses cachotteries concernant la prolongation de Didier Deschamps, qu'ils ont "découvert" le lendemain durant l'Assemblée fédérale. Noël Le Graët a "géré ce dossier en solo", comme le rapporte L'Équipe. Une décision en solitaire qui a fait grincer des dents boulevard de Grenelle. 

Ces derniers jours, le président de la FFF - en poste depuis plus de 11 ans - s'est, de nouveau, fait remarquer par sa sortie de route sur Zinedine Zidane. "Je ne l'aurais même pas pris au téléphone", a-t-il lâché à propos de "Zizou", considéré comme l'option N.1 à la tête de l'équipe de France en cas de non-renouvellement de Didier Deschamps, finalement reconduit jusqu'en 2026. "Je n'en ai rien à secouer, il peut aller où il veut, dans un club, il en aurait autant qu'il veut en Europe, un grand club", a-t-il ajouté sur RMC. Un crime de lèse-majesté, vis-à-vis d'une légende, qui a suscité une énorme levée de boucliers. Les excuses en bonne et due forme du "Prez" - comme il est surnommé au siège parisien de la FFF - ont à peine fait retomber le soufflet.

Une déclaration assassine qui n'est pas une première. Quelques années plus tôt, il avait notamment estimé que le racisme "n'existe pas ou peu" dans le monde du football ou encore affirmé que les Bleues pouvaient "se tirer les cheveux" tant qu'elles gagnaient. Plus récemment, son soutien inconditionnel au Qatar, hôte controversé de la Coupe du monde 2022, a aussi fait grincer des dents. 

Il ne m'a jamais regardée comme un agent, mais comme un bonbon à croquer

Sonia Souid

À cela s'ajoutent les multiples accusations de "harcèlement" et de comportements "inappropriés" de la part d'ex-salariées, anonymes. Des faits que le principal intéressé a toujours contestés. Mais ce mardi, une nouvelle étape a été franchie avec le témoignage, à visage découvert, de l'agente de joueurs Sonia Souid. Selon elle, le dirigeant ne voulait qu'une chose : "partager son lit".  "Il ne m'a jamais regardée comme un agent, mais comme un bonbon à croquer. Pour parler vulgairement, il m'a regardée comme deux seins et un cul", a-t-elle critiqué dans les colonnes de L'Équipe

Il va devoir s'en aller

Un membre du Comex

"Ce n'est pas la première fois que Noël Le Graët prononce des mots inacceptables", fustige une source proche du gouvernement à l'AFP, touchée par une "sensation d'accumulation" et un "sentiment de ras-le-bol". "Je fais un constat de faillite, avec une parole en roue libre qui flanche parfois gravement, de manière répétée. Il est important que le Comex de la Fédération française de football en prenne toute la mesure. Le Comex doit s'en emparer, s'exprimer et se positionner", a appelé lundi Amélie Oudéa-Castéra, la ministre des Sports, qui a diligenté un audit sur la fédération et son patron. 

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Au sein même dudit comité exécutif, longtemps d'une fidélité absolue, le bateau commence à tanguer. "Il va y avoir une vague de fond terrible, il va devoir s'en aller. La ministre a raison, il est complétement hors-sol. C'est une communication non maîtrisée, mais quand on est président d'une fédération sportive, la plus grande de France, on se maîtrise", a indiqué un membre du Comex, qui a requis l'anonymat. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard s'il doit se réunir mercredi, au lendemain de l'audition du "Menhir" par les inspecteurs du gouvernement. L'hypothèse d'un départ avant 2024, longtemps farfelue, ne paraît désormais plus aussi improbable… 


Maxence GEVIN

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