TOUT-PUISSANT - Poussé à la démission par la ministre des Sports, après les accusations d'anciennes patineuses victimes d'agressions sexuelles, Didier Gailhaguet s'accroche à son poste. Personnage ambivalent, le président de la Fédération française des sports de glace (FFSG) est accusé par certains d'avoir fermé les yeux.
"Dictateur", "petit Napoléon", "Tullius Detritus"... En "off", c'est ainsi qu'est dépeint Didier Gailhaguet, le tout-puissant président de la Fédération française des sports de glace (FFSG), qu'il dirige quasiment de manière interrompue depuis 1998, à l'exception d'un break forcé de 2004 à 2007. Depuis un peu plus de deux décennies, il fait la pluie et le beau temps sur le patinage français. Rien ni personne n'ose aller le contester, dit-on du côté de la FFSG. Seul maître à bord dans une Fédération qu'il mène d'une main de fer, l'ancien patineur de 66 ans a pris le soin d'organiser le pouvoir de manière pyramidale. Un système qui l'a rendu, selon ces détracteurs, inamovible. Et ce, peu importe les tempêtes qui se sont érigées sur son chemin.
Mais ce temps-là pourrait bientôt être révolu. Éclaboussé par les révélations de L'Équipe et L'Obs sur les violences sexuelles dans le patinage artistique, il a été convoqué lundi 3 février par Roxana Maracineanu, en charge du portefeuille des Sports, qui lui a demandé "d'assumer toutes ses responsabilités et de démissionner". S'il n'est pas directement visé par ces enquêtes, le "dinosaure" de la FFSG est mise en cause pour sa passivité. Face à la ministre, en première ligne sur ce sujet, Gailhaguet n'a "pu se dédouaner de se responsabilité morale et personnelle" au sujet des pratiques présumées de son ami Gilles Beyer. L'entraîneur, accusé de viols et d'agressions sexuelles par plusieurs ex-patineuses, a reconnu des "relations intimes inappropriées" avec la décuple championne de France Sarah Abitbol, mineure au moment des faits.
"L'énorme majorité des souffrances quotidiennes vécues depuis des années a été trop longtemps étouffée sous cette omerta imposée par un système mafieux inébranlable", a écrit dans un post Facebook l'ancien patineur Gwendal Peizerat. Pour celui qui en 2014 avait été battu par Gailhaguet dans l'élection à la tête de la FFSG, il ne fait aucun doute que le président de la Fédération française des sports de glace était au courant des agissements de Beyer. Pis, d'après le champion olympique 2002, interrogé sur RMC, Didier Gailhaguet est coupable d'avoir "mis le renard dans le poulailler" en donnant à cet entraîneur la fonction de responsable de la tournée des équipes de France, alors qu'il avait été sanctionné par ailleurs.
Un sentiment partagé par Marie-George Buffet. "Il y a une sorte de complaisance, de complicité de la part des hommes et des femmes qui animent au plus haut niveau cette Fédération", nous confie l'ancienne ministre des Sports de 1997 à 2002, qui avait alerté il y a près de 20 ans sur le comportement de Gilles Beyer. À l'époque, l'enquête judiciaire n'avait pas abouti, mais une enquête de l'inspection générale, ordonnée en parallèle, avait conduit le ministère à l'écarter de son poste de conseiller technique. Malgré cette sanction, l'entraîneur était revenu peu de temps après au bord de la glace avec l'appui de Gailhaguet. Beyer a ainsi gardé une place au club parisien des Français volants, dont il n'est plus depuis le vendredi 31 janvier le manager, ainsi qu'à la FFSG, où il a occupé un poste au bureau exécutif jusqu'en 2018.
Le scandale des JO de Salt Lake
Car, tout au long de sa vie, Didier Gailhaguet a mené sa barque comme il l'entendait, faisant fi de ce qui est dit en dehors de sa Fédération. Champion de France en 1974 et 1975, le patineur a toujours traîné l'image d'une personnalité ambivalente. Surnommé "Tullius Detritus" dans le milieu, une référence au semeur romain de zizanie dans la bande dessinée "Astérix et Obélix", comme l'expliquait Gwendal Peizerat au quotidien Le Monde, il ne rencontre pas le succès espéré. Devenu entraîneur à 23 ans, il découvre en 1985 Surya Bonaly avec qui il glane cinq titres européens. Mais, en froid avec les parents de la jeune fille, leur collaboration tourne court en 1992. Alors à la tête d'une pépinière d'où sortent les talents tricolores, il prend les clés des équipes de France la même année. Le 5 décembre 1998, il atteint son objectif en devenant président de la FFSG et membre du Conseil à la Fédération internationale de patinage (ISU).
C'est alors le début des ennuis pour lui. Il se retrouve mêlé au scandale des Jeux olympiques d'hiver de 2002 à Salt Lake City. La juge française Marie-Reine Le Gougne avoue, devant plusieurs témoins, avoir subi des pressions du président de la FFSG. Elle devait faire gagner les Russes aux dépens des Canadiens lors de l'épreuve de patinage artistique pour obtenir une contrepartie pour le couple tricolore Marina Anissina et Gwendal Peizerat, qui sera sacré en danse sur glace quelques jours plus tard. Bien que suspendu par l'ISU pour trois ans et banni des JO d'hiver Turin en 2006, Gailhaguet n'en pâtit pas. Il est réélu pour un nouveau mandat à la tête de la FFSG en mai de la même année avec 84,5% des suffrages exprimés.
Il ne vacille qu'en 2003. Épinglé par la Cour des comptes pour des dérives de gestion de la Fédération française des sports de glace, il démissionne de la présidence, contraint par son bureau exécutif. Mis sur la touche, il garde pourtant un pied dans le milieu en devenant le "conseiller spécial" de l'étoile montante du patinage Brian Joubert, qu'il traitera en 2010 "avec beaucoup d'affection" de "petit con". Cette mission ne sera qu'une parenthèse avant son retour aux affaires à la tête de la FFSG en 2007.
Un président accroché à son poste
Profitant de la démission de Claude Ancelet suite à une motion de défiance, il retrouve son ancien poste à la présidence. Coriace, il est réélu avec 88% au premier tour en 2010, malgré les remontrances de la secrétaire d'État aux Sports de l'époque, Rama Yade, qui avait pourfendu "l'échec patent d'une stratégie fédérale" ayant "tout misé sur l'artistique" à Vancouver. En 2014, en dépit d'un zéro pointé à Sotchi, Gailhaguet est reconduit pour un troisième mandat. Son adversaire Gwendal Peizerat stigmatise un système "sclérosé" avec un président "qui ne transmet pas, ne laisse pas la place". La claque est pour l'ancien champion olympique : le président sortant l'emporte au premier tour avec 65% des voix.
Omnipotent, personne n'ose le contredire ou s'opposer à lui. Un pouvoir dont l'ex-patineur use, comme lorsqu'il a fustigé le style de Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron, médaillés d'argent en danse sur glace à Pyeongchang. Jusqu'à aujourd'hui tout du moins. Ébranlé, aujourd'hui Didier Gailhaguet chancelle. Lancée jeudi, une pétition réclamant sa démission a recueilli plus de 3500 signatures. Une demande également formulée lundi par la ministre des Sports lors de leur entretien. Ses explications devant Roxana Maracineanu n'auront donc pas suffi à le faire sortir indemne de cette nouvelle affaire.
Pourtant, l'attitude de Didier Gailhaguet dans sa gestion de crise laissent imaginer que l'homme n'a aucune intention de se faire sortir si facilement. Volontiers offensif envers ses contempteurs, il s'est exonéré des responsabilités liés au maintien en poste des entraîneurs aujourd'hui accusés de violences sexuelles. "J'ai commis des erreurs, mais pas de fautes" ; "je suis imparfait, mais je suis clean", n'a-t-il eu de cesse de marteler, au fil des points presse et des interviews où il rejette la faute sur les ministères de l'Education nationale et des Sports. C'est le conseil fédéral de la FFSG qui aura la charge de s'exprimer sur son sort. Dès le 8 février ? L'instance est réunie en urgence et pourrait, si deux tiers de ses 31 membres le décident, présider à sa destitution.
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