Les témoignages d'automobilistes n'ayant consommé que du CBD, mais dont le permis de conduire a été retiré, se multiplient.La consommation de cette substance n'est pourtant pas illégale en France.Mais elle est associée, en faibles quantités, au THC, illicite.
Pas ou peu d'alcool, pas de drogue, à peine un peu CBD, puis la route, le contrôle policier, et finalement... le retrait du permis de conduire. C'est la mésaventure que rapportent de plus en plus d'automobilistes, une incongruité qui repose notamment sur la manière dont sont effectués les tests lors d'un contrôle routier.
En France, il est possible de commercialiser des produits à base de CBD (feuilles, huile, etc) dont la teneur en THC (la substance psychotrope du cannabis) doit être extrêmement basse, inférieure à 0,3%. Mais les tests des forces de l'ordre ne font pas nécessairement la distinction entre les deux molécules, nous explique l'avocat Jean-Baptiste le Dall, avocat en droit automobile.
"En matière de stupéfiants au volant, la réglementation française est différente de celle concernant l'alcool"
Comment se déroule un test de dépistage aux stupéfiants ?
Me Jean-Baptiste le Dall : aujourd'hui, le process des contrôles routiers prévoit d'abord un kit de dépistage, puis s'il est positif, un test de dépistage salivaire. Enfin, il est proposé à la personne contrôlée de se préserver la possibilité de solliciter une contre-expertise lorsqu'on lui notifiera les résultats des analyses. Dans ce dernier cas, l'automobiliste est immédiatement amené à l'hôpital pour un prélèvement sanguin. Notons que c'est rarement le cas, puisque les forces de l'ordre n'incitent pas les individus contrôlés à effectuer cette étape, et ces derniers ne comprennent pas nécessairement l'intérêt de se soumettre à une analyse sanguine.
Certains automobilistes ont été dépistés positifs au THC alors qu'ils n'avaient consommé que du CBD. Comment est-ce possible ?
Les kits de dépistage peuvent détecter de très faibles traces de THC liées à la consommation seule du CBD. Il est donc possible qu'un individu soit détecté positif aux stupéfiants en n'ayant consommé que du CBD. D'autant que la consommation répétitive de produits à base de CBD va entrainer chez un individu des taux un peu plus important de THC. Or, en matière de stupéfiants au volant, la réglementation française est différente de celle concernant l'alcool, où il est question de taux. Ainsi, vous pouvez boire un verre ou deux et être en parfaite légalité avec le Code de la route. Ce n'est pas le cas des stupéfiants, où il n'y a aucune tolérance. Il suffit par exemple qu'un laboratoire détecte dans vos analyses de petites traces de drogue, même si vous n'êtes plus sous l'emprise du produit - parce qu'il a été consommé plusieurs jours avant - pour que vous soyez sous le coup de ce délit.
"Cela concerne au minimum des centaines d'automobilistes"
En cas de positivité à un test, quelle sont les suites ?
Lorsqu'un individu est testé positif aux stupéfiants, il est immédiatement privé de son permis de conduire par les forces de l'ordre. Puis dans les cinq jours qui suivent, le préfet peut prendre une décision de suspension provisoire. Vient ensuite le jugement au pénal : là, l'automobiliste risque jusqu'à 2 ans d’emprisonnement, 4500 euros d’amende et une perte de 6 points sur le permis de conduire.
A-t-on une idée du nombre d'automobilistes injustement sanctionnés ?
On n'a aucun chiffre précis du phénomène. Mais cela concerne au minimum des centaines d'automobilistes, au regard des dossiers traités par les cabinets. Tout en sachant que de nombreux conducteurs ne vont pas réellement chercher à se défendre, même s'ils s'estiment victime d'une injustice.
Comment se prémunir du problème ?
La première piste est d'effectuer des analyses toxicologiques. Car certains laboratoires sont capables de rendre des conclusions permettant d'établir que les traces de THC décelées sont corrélées à une consommation de CBD, en faisant le distinguo entre les traces émises par les deux substances. L'automobiliste qui s'estimerait lésé peut aussi présenter à la justice des preuves d'achat de produits à base CBD, d'où l'importance de les conserver. Il y a quelques juridictions pénales - c'est-à-dire avec un juge - qui ont pu faire droit à ce type d'argumentation. En revanche, ce n'est pas le cas des juridictions administratives (le préfet).